L’auteur invité est un collectif d’auteurs (voir à la fin du billet).
Qui aurait envie de se contenter d’un salaire de misère de 10 000 $ par année? C’est pourtant le lot d’un grand nombre de travailleurs à statut précaire. Le problème, c’est que leur situation se détériore au lieu de s’améliorer. Il y a 20 ans, la moyenne des salaires de la tranche supérieure (les 10 % qui reçoivent les salaires les plus élevés) était huit fois plus grande que la moyenne des 10 % du bas de l’échelle. Aujourd’hui, cette différence, loin de s’atténuer, est 10 fois plus grande.
Le rapport tout juste dévoilé par l’OCDE sur ce sujet est alarmant. Réputé comme étant l’un des meilleurs pays du monde il y a quelques années à peine, le Canada voit désormais sa situation économique et sociale se dégrader sans cesse — et nous ne parlons pas de l’immense pauvreté qui subsiste dans de nombreuses communautés autochtones, comme c’est le cas à Attawapiskat. Un scandale!
Des esprits mesquins se consoleront en pensant que ces écarts sont bien pires aux États-Unis à 15 contre 1, mais avouez que de pareilles inégalités sociales sont loin d’être enviables avec ces millions de sans-emploi à la recherche d’un toit. Il y a pourtant moyen de faire autrement: dans des pays comme la Suède, l’Allemagne et le Danemark, ce ratio n’est que de 6 contre 1. Une différence de 6 contre 1, comparativement à 10 contre 1 au Canada!
L’OCDE ne nous avait guère habitués à ces élans de compassion. Il y a quelques années à peine, elle incitait les pays industrialisés à la déréglementation et à l’assouplissement de leurs conditions de travail. Aujourd’hui, elle fait amende honorable en critiquant la progression du temps partiel chez les travailleurs et en déplorant l’insuffisance des prestations sociales pour redistribuer la richesse. Pire, elle croit qu’il faudrait surtaxer les plus riches parmi les riches, ceux qui gagnent des salaires exorbitants! C’est le monde à l’envers.
«Ce n’est même pas une question morale. C’est une question économique», affirme Angel Gurría, secrétaire général de l’OCDE. Car voilà que de telles inégalités désespèrent les jeunes, nourrissent le cynisme envers la société et nuisent à la croissance de l’économie. C’est le monde à l’envers, disions-nous!
Il est prouvé que le dollar des plus pauvres se dépense localement, faisant tourner l’économie du voisinage, alors que le dollar des plus riches s’abrite derrière les évasions et les paradis fiscaux, avec bien peu de retombées locales. À se demander qui sont les véritables assistés sociaux!
Le hasard a voulu que ce rapport de l’OCDE soit rendu public au lendemain de la guignolée des médias. Une journée de l’année où tous mettent la main à la pâte pour permettre aux plus mal pris de mettre un peu de beurre sur leur pain. Bien des groupes d’employés se cotisent aussi pour offrir des paniers de Noël qui seront redistribués par des organismes d’entraide. Bravo! Ce sont là de beaux gestes à imiter.
Toutes ces initiatives de partage sont nécessaires, essentielles même, tellement la détresse est grande. Mais elles ne nous dispensent pas de l’obligation de construire une société plus juste. Le problème, c’est que la pauvreté n’intéresse personne, les médias les premiers. Les inégalités sociales donnent rarement lieu à de grandes enquêtes, à des remises en question.
Pendant qu’une nation tout entière s’insurge — avec raison — contre l’intimidation à l’école, que fait-on pour combattre les préjugés envers les pauvres et les assistés sociaux qu’on ne cesse d’intimider sur la place publique? Quelles mesures nos gouvernants sont-ils prêts à adopter pour que notre société soit un peu plus égalitaire, pas seulement à l’approche de Noël, mais durant toute l’année?
Ont signé ce texte: Guy Bédard, Grégoire Bissonnette, Michel Cantin, Robert Fleury, Michel Laberge, Gabrielle Lachance, Marguerite LaRochelle, Lisette Lemelin, Laurette Lepage, Denise Pageau, Annine Parent, Jacques Racine.
Pour lire le texte original, on va sur le site du quotidien Le Devoir
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