Décidément, nos faiseurs d’opinion et d’image hurlent à l’unisson contre le gouvernement péquiste pour oser demander aux contribuables les plus favorisés d’apporter une contribution fiscale plus importante à notre système de santé. Puisque nous n’avons pas au Québec ce 1% de super-riches, détenant une fraction importante de la richesse nationale (comme le 1% qui détient 35% de la richesse aux États-Unis), la solidarité fiscale doit passer par le 3%, c’est-à-dire par les contribuables qui ont des revenus imposables supérieurs à 130 000$ (soit des revenus bruts supérieurs à 150 000$). Mais on doit constater que le 3% contrôle le message, le débat public, et s’en sert abusivement pour attaquer, comme rarement au cours des dix dernières années, une mesure gouvernementale progressiste qui leur demande un petit effort monétaire.
Même Joël Le Bigot s’y est mis en fin de semaine passée, ironisant sur le fait qu’au Québec les personnes avec des revenus de plus de 130 000 $ sont considérées comme des ‘riches’, faisant la comparaison avec la France où ce seraient au moins les millionnaires qui sont touchés par la hausse d’impôt. M. Le Bigot ferait-il finalement partie de ces ‘sépulcres blanchis’ qu’il n’hésite jamais de dénoncer pendant ses émissions (fort intéressantes néanmoins) ? À ce que je sache, le PQ n’a jamais prétendu faire payer les riches, mais simplement d’améliorer la progressivité de l’impôt sur le revenu en ajoutant deux paliers supplémentaires d’imposition (de 2 et de 3 points de %). D’améliorer la justice fiscale, comme l’explique Éric Pineault dans le Devoir de la semaine dernière. Joël Le Bigot reprend le discours populiste d’une droite qui dramatise une mesure qui ne l’est pas et utilise des arguments un peu démagogiques puisque le nouveau gouvernement socialiste, contrairement à ce qu’il dit, ajoute lui aussi de nouveaux paliers pour les contribuables plus fortunés (à partir de 70 000 euros).
Les médias présentent par ailleurs les propositions de réforme de l’impôt sur les revenus de dividendes et de gains en capital comme si le gouvernement voulait s’accaparer de tous ces revenus et que ces mesures toucheraient monsieur et madame tout le monde ! En prenant des exemples fortuits, pathétique, on camoufle tout simplement la réalité : en 2008, autour de 5 000 contribuables profitaient de plus de 600 millions $ de cadeaux fiscaux (au Québec seulement) en raison l’imposition moindre des revenus en gains de capital (voir l’étude de l’IREC sur le sujet). Près de 85% de la dépense totale de la déduction pour gains en capital était accaparée par ces 5 000 contribuables. Tout le reste n’est que de la désinformation. Comme nous l’affirmions dans notre recherche, le retour à l’imposition partielle aux gains en capital au taux de 75% plutôt que 50% des gains déclarés (comme c’était le cas avant 2000) ou la diminution du maximum cumulatif de 750 000 $ pour déduction de gain en capital à 500 000 $ (soit le maximum qui existait avant 2007) permettraient de favoriser une fiscalité plus équitable, au profit des revenus du travail qui, eux, sont imposables à 100%.
Selon les médias, ces mesures seraient unanimement impopulaires ? J’en doute. Pourrait-on au moins donner la parole à quelques représentants de ces 97% de Québécois qui profitent de ce projet du ministre des Finances. Selon Pierre Sormany, un journaliste retraité de Radio-Canada, (qui fait un petit calcul en prenant l’exemple d’un contribuable avec un revenu de 190 000 $) une telle mesure ‘anodine’ (ce contribuable devrait payer un montant de 600 $ lorsqu’il fera ses impôts le printemps prochain) serait bien plus juste qu’une taxe santé de 200 $ pour les plus de 5 millions de Québécois. Pour ceux qui voudraient aller plus loin sur la question, je vous conseille de lire le billet de Darwin sur son blogue.
Mais pour le plaisir d’entendre une voix différente, il faut aller écouter l’entrevue que Lise Payette a accordée à René Hormier-Roy, à l’émission du matin. Se disant heureuse de voir enfin un gouvernement qui agit, qui n’est pas menotté par les lobbies, elle dénonce ces journalistes agressifs qui s’en sont pris au ministre Marceau, expliquant cette agressivité par le fait qu’ils font partie du 3% de contribuables touchés. Bien ironiquement, elle s’amuse de la menace de ces ‘riches’ de quitter le Québec, préférant voir le bon côté des choses : ceux qui restent pourront ainsi avoir de bonnes opportunités d’achat de logement de luxe, à bon prix, et de nouveaux emplois.
Pour conclure, je souhaite sincèrement que le gouvernement va refuser de façon catégorique de se soumettre aux jérémiades de la Fédération des Chambres de commerce du Québec qui, sous le couvert de menaces, veut faire entendre ses réclamations sur ces engagements électoraux du PQ. Le gouvernement qui vient de sortir des urnes n’a pas à inviter les groupes d’intérêt, et encore moins ce groupe de réactionnaires des chambres de commerce, pour discuter de la réalisation de son programme. Cette organisation extrémiste, qui sanctionne systématiquement les pratiques les plus irresponsables du patronat, ne devrait pas avoir un accès privilégié au gouvernement comme elle l’a eu avec Charest. Lorsque viendra le temps pour le gouvernement de consulter les organisations représentatives des grands acteurs économiques, dans une perspective de concertation (pour laquelle je suis un partisan), il invitera les organisations patronales légitimes, comme celles du mouvement syndical et des autres mouvements sociaux. Mais dans le cas qui nous concerne, j’appui la volonté du ministre Marceau à agir dans l’intérêt général du Québec pour une plus grande justice fiscale.
[...] le paresseux et laisser la parole à Gilles Bourque, responsable du blogue Oikos, qui a très bien exprimé ma pensée plus tôt cette semaine : […] je souhaite sincèrement que le gouvernement va refuser de façon [...]
[...] de nouveaux impôts en raison de l’obstruction systématique des milieux d’affaires et du 3% (part des contribuables québécois qui ont des revenus imposables supérieurs à 130 000). Michel Leblanc, le dg de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, est mal placé pour [...]