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Le samedi 23 avril 2022

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RSE : « L’autorégulation est morte, mais l’inertie est encore de mise »

L’auteur invité est Yann Queinnec, juriste spécialiste de la responsabilité sociale des entreprises (RSE), est coauteur avec l’avocat William Bourdon du rapport de l’association Sherpa, « Réguler les entreprises transnationales. 46 propositions » (voir la présentation sur OikosBlogue). L’auteur est interviewé par Manuel Domergue, d’Alternatives Economiques.

Attendez-vous quelque chose sur le front de la RSE du G20 de novembre 2011, dont l’ordre du jour est consacré en partie à la régulation sociale de la mondialisation ?

En dehors d’une réaffirmation par les Etats membres de l’importance du respect des textes de l’Organisation internationale du travail (OIT), les récentes conclusions des ministres du Travail et de l’Emploi n’interpellent pas directement les représentants des entreprises et organisations syndicales. Les réunions du L20 (représentants syndicaux) et du B20 (représentants des employeurs) en marge du sommet à Cannes nous réservent peut-être des surprises. J’en doute.

Les considérations liées au développement durable dans les documents préparatoires sont noyées dans une sémantique qui donne encore la primeur à l’autorégulation. Si les opportunités de créer des échanges commerciaux plus équilibrés, plus respectueux des droits humains et de l’environnement sont abordées, c’est pour mieux affirmer le risque de protectionnisme qu’elles recèlent si la contrainte s’en mêle ! Quant aux paradis fiscaux, prédateurs naturels de la RSE, il est à craindre que ceux qui dépendent des grandes puissances continuent d’être effrontément ignorés…

Des normes sociales et environnementales internationales contraignantes pour les multinationales sont-elles envisageables à moyen terme ? Si oui, par quel moyen ?

L’Organisation mondiale du commerce (OMC), à laquelle, rappelons-le, a adhéré la Chine, est sans doute l’institution la mieux outillée pour influer dans ce domaine, compte tenu de ses attributions et de son Organe de règlement des différents (ORD) doté d’un véritable pouvoir contraignant. Le virus du développement durable s’est introduit dans l’OMC, il peine encore à se répandre dans les décisions. On peut regretter que l’OIT ou d’autres émanations de l’Organisation des Nations unies (ONU) ne soient pas dotées de pouvoirs similaires à ceux de l’OMC, c’est un champ inévitable de réforme de la gouvernance mondiale.

Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales sont aussi un vecteur puissant. Même s’ils entrent dans la catégorie des outils de soft law (droit mou), leur nature hybride, leur ancienneté (1976) et l’adhésion de plus de 40 Etats représentant la majorité des investissements directs étrangers leur confèrent un potentiel « régulatoire » fort. On peut imaginer que les points de contacts nationaux (PCN) présents dans chaque pays signataire, simples médiateurs aujourd’hui en cas de violation des principes, jouent à l’avenir un rôle de véritable arbitre dont les décisions s’imposeraient aux parties en litige.

S’agissant des initiatives sectorielles comme l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) et d’autres qui prônent la transparence, elles ne changent rien à une réalité : aujourd’hui il demeure très difficile, voire impossible, de connaître le montant d’impôt payé par les filiales d’un groupe transnational. Les documents préparatoires du G20 ne font référence qu’aux initiatives volontaires, pourtant largement insuffisantes, sans considérer l’opportunité de mesures contraignantes. C’est incohérent. L’équilibre nécessaire entre incitations et sanctions n’existe tout simplement pas. Ce qui est valable pour les mesures de transparence est encore plus vrai pour celles visant à prévenir les impacts sociaux et environnementaux des investissements.

Quel impact peut avoir la norme ISO 26 000 si elle n’est pas contraignante ?

Elle n’est pas contraignante certes, mais ses modalités d’adoption (plus de 90 Etats impliqués), son périmètre d’application (toutes les organisations qu’elles soient privées, publiques, à but lucratif ou non), en font un outil d’évolution du droit international. Un exemple à travers la notion de « sphère d’influence » : celle-ci permet d’exiger d’une entreprise qu’elle anticipe, qu’elle prévienne la survenance de dommages sociétaux non seulement au sein de ses filiales mais aussi dans le périmètre de sa chaîne d’approvisionnement. On peut affirmer que des donneurs d’ordres qui aujourd’hui se cantonnent à intégrer dans leur charte d’achat l’exigence de respect par leurs fournisseurs de leurs propres engagements éthiques, tout en négociant des tarifs qui ne laissent à ces derniers aucune marge de manœuvre pour mettre en place des mesures adaptées, n’agissent pas de façon responsable dans l’esprit de l’ISO 26000.

Globalement, la crise financière change-t-elle quelque chose dans le débat et l’évolution des pratiques de RSE ?

On entend maintenant des dirigeants d’entreprise dire combien la régulation et les sanctions sont importantes. Ce discours n’est pas traduit dans les agendas des instances telles que le G20. En somme, la crise financière signe l’acte de décès de l’autorégulation, mais l’inertie est encore de mise.

Tout le monde est maintenant en quête des outils d’évaluation des performances extrafinancières. C’est le règne de l’improvisation ! Elle a le mérite d’exister, mais faute de sanctions adaptées, les entreprises authentiquement engagées continuent de souffrir de la concurrence déloyale des moins-disants sociaux et environnementaux, sans parler des victimes directes, les populations, la biodiversité, etc.

Parmi les 46 propositions de Sherpa, lesquelles sont en discussion, ou ayant une chance d’être adoptées prochainement ? Quels sont les principaux obstacles à leur adoption ?

Les obstacles viennent d’être abordés. Le passage de l’autorégulation à une régulation adaptée aux enjeux est très complexe et les cibles institutionnelles sont très variées.

S’agissant de la présidentielle française, nous interpellons les candidats à travers les points clés suivants :

• Rendre juridiquement responsable les sociétés mères des violations de leurs filiales,
• Permettre aux victimes des délocalisations d’accéder à la justice,
• Instaurer la transparence dans les relations entre toutes les entités composant un groupe,
• Instaurer une interdiction de soumissionner aux marchés publics pour les entreprises transnationales dont les performances extrafinancières sont insuffisantes,
• Instaurer une obligation d’étiquetage des performances sociales et environnementales des biens et services,
• Imposer des quotas d’investissements responsables aux acteurs financiers,
• Sanctionner la violation des engagements de bonne conduite.

Pour lire le texte original, on va sur le site d’Alternatives Economiques

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