La notion de productivité a longtemps été la mal aimée de la pensée de gauche. Trop nombreux, en effet, étaient ceux qui réduisaient la productivité à l’intensité ou à l’exploitation du travail. Grâce aux fonds de travailleurs mis en place par les deux grandes centrales syndicales, la réalité des enjeux de la productivité est apparue plus clairement : la productivité fait partie des facteurs qui permettent d’assurer la pérennité des entreprises grâce à des investissements renouvelés dans les outils de travail et dans la conception des produits.
Pour la droite, c’est l’exact contraire : la notion est carrément déifiée. Malheureusement, comme il arrive toujours lorsqu’on transforme les choses profanes en symbole sacré, elles perdent leurs liens avec la réalité. Pour eux, la productivité est un phénomène privé, au niveau microéconomique, qui découle naturellement de la liberté des marchés. Toutes formes de régulations (taxes, réglementations, contrats collectifs et toutes autres barrières au fonctionnement des marchés) représentent alors un frein à la croissance de la productivité.
Pourtant, une étude de Statistique Canada vient remettre les pendules à l’heure. La croissance de la productivité dans le secteur manufacturier au Canada aurait connu un ralentissement marqué au cours des années 2000 en raison principalement des capacités excédentaires qui sont apparus dans plusieurs secteurs. Autrement dit, la productivité est un phénomène mésoéconomique (qui relève des dynamiques sectorielles) qui s’inscrit à l’intérieur d’un contexte macroéconomique. Selon l’étude, de 1990 à 2000, la productivité du travail dans le secteur de la fabrication s’est accrue au taux annuel moyen de 3,6 %. De 2000 à 2010, toutefois, le taux de croissance annuel moyen s’est affaibli pour s’établir à 0,9 %. Le ralentissement de la productivité était attribuable à une diminution générale de l’efficacité de la production des établissements de fabrication dans 16 des 20 industries de la fabrication.
Dans la foulée du ralentissement économique général en Amérique du Nord au début de la décennie et de l’appréciation marquée du dollar canadien, les secteurs d’activités ont dû traverser une restructuration qui s’est exprimée par une forte baisse des exportations et une augmentation de la capacité excédentaire des établissements. En 1999, l’utilisation de la capacité globale dans le secteur de la fabrication se situait en moyenne à 86 %. En 2003, elle était passée à 81 % et en 2006, elle était remontée à 83 %. L’utilisation de la capacité dans l’industrie des produits électriques à elle seule est passée de 92 % en 2000 à 73 % en 2003, pour remonter à 80 % en 2006. Au cours de la période postérieure à 2000, le secteur de la fabrication a décliné à un taux annuel moyen de 0,3 %, comparativement à une croissance annuelle moyenne de 3,4 % au cours de la période de 1990 à 1999.
Parmi ces restructurations, notons par exemple le secteur de la fabrication de produits électroniques qui a connu un rajustement après l’éclatement de la bulle des technologies au début des années 2000. Ou encore le secteur des pâtes et papiers qui a fait face à une concurrence croissante d’Internet. Les industries de biens non durables, comme les textiles, le cuir et le vêtement, ont aussi été confrontées à une concurrence croissante des importations des économies émergentes sur le plan mondial, ce qui a donné lieu à des baisses du volume de production de ces industries. Selon l’étude, cette constatation vient appuyer l’interprétation selon laquelle ce phénomène est le résultat de changements dans l’environnement général plutôt qu’une conséquence des politiques de réglementation.
Première conclusion : une politique favorable à la productivité passe par des investissements publics et un taux de change plus concurrentiel. À l’heure actuelle, le deuxième point est extrêmement défavorable au Québec. D’où la deuxième conclusion : dans ce contexte défavorable, le Québec devrait favoriser une stratégie interventionniste intégrée de restructuration globale vers une économie verte, favorable aux secteurs nationaux : programme d’efficacité énergétique des bâtiments, électrification des transports collectifs, développement des circuits courts des produits alimentaires, etc.
Etude intéressante mais qui n’amène pas nécessairement la 2ème conclusion (bien que j’y sois favorable).
la restructuration doit se concentrer sur les secteurs nationaux sur lesquels nous avons des avantages comparatifs tout en favorisant, dans une période transitoire, des secteurs à forte utilisation de main-d’oeuvre affectée à des tâches « vertes » comme les programmes d’efficacité énergétiques. Générer du néga-watt pour en vendre à profit à l’export ou en consommer (transport électrique) en polluant moins.