Le tout a commencé en 1996 par un projet d’appui à la création d’un département forestier inséré au sein d’une fédération de coopératives agricoles, celle de Las Verapaces, la FEDECOVERA. Le partenaire québécois à l’origine de cet appui est une organisation membre de SOCODEVI, la Fédération québécoise des coopératives forestières (FQCF) qui mettra à profit l’expérience d’une de ses coopératives, la Coopérative forestière de Girardville au Saguenay. Ce premier projet d’envergure (débordant le travail de micro-développement initié dès 1985) avec des coopératives guatémaltèques était un projet de diversification des activités économiques. Il aura duré cinq ans (1996-2000) et aura permis la création d’une pépinière dont la capacité de production a atteint en cours de projet deux millions de plants par année et sa capacité de reboisement quelques 350 hectares par année. De même la fédération coopérative guatémaltèque se mettra en frais d’adopter et de mettre progressivement en place une politique d’aménagement durable de la forêt. Selon SOCODEVI, au bout du compte, 1 800 familles indigènes d’origine Maya, là où cette fédération coopérative évolue, ont bénéficié directement des résultats de ce projet.
Cela ne suffisait pas. Il fallait aller plus loin. Le partenariat avec cette fédération s’engagea alors dans un projet plus ambitieux, auquel participera cette-fois-ci un autre membre de SOCODEVI, la Coop fédérée, le PRODEF, un programme de développement de l’entrepreneuriat ayant pour but principal de consolider l’ensemble de la Fédération et son réseau d’organisations au plan commercial, financier et organisationnel notamment dans un secteur privilégié par cette fédération, la cardamome. Bien que le positionnement des petits producteurs sur les marchés internationaux de la filière cardamome apparaissait à première vue comme une utopie, grâce à ce programme qui a roulé de 2002 à 2010, la dite fédération, au moyen de stratégies commerciales nouvelles et par la mise en place d’un système de traçabilité du producteur jusqu’au client, a réussi à devenir un acteur incontournable dans la filière cardamome guatémaltèque.
La méthode appliquée a été simple : d’un côté, le transfert de connaissances et de savoir-faire a permis l’amélioration de la productivité et de la compétitivité des entreprises familiales et, de l’autre, l’autonomie des organisations appuyées est devenue un levier essentiel pour la création et la distribution de cette valeur ajoutée dans l’économie locale.
En fait, le programme a misé, au plan des stratégies commerciales, sur la participation de FEDECOVERA aux plus importantes foires alimentaires internationales. Ce programme misait également sur le développement d’un marché de niche grâce, d’une part, à la mise en place de systèmes de certification et, d’autre part, au développement de relations directes, sans intermédiaire, avec des clients internationaux.
Les résultats d’affaires que le programme mis en route a permis d’atteindre sont : 1) la création et le fonctionnement du département commercial de la dite fédération ; 2) le développement de nouveaux marchés pour la cardamome ; 3) la réalisation d’un plan d’affaires pour la production horticole; 4) le renforcement des systèmes administratifs dans les coopératives membres ainsi que 5) le respect des standards de pesticides des marchés canadiens dans la production de pois-mange-tout. Ce qui du coup a rendu possible son internationalisation. Quelques résultats chiffrés de tout çà : en 2009-2010, les bénéfices nets de la division cardamome se sont élevés à 2,3 millions $. Pour sa part, la filière horticole a généré des revenus supplémentaires de 400 000 $ pour les producteurs. De plus, l’exportation de pois mange-tout est passée de 30 conteneurs par année qu’elle était auparavant à 90 conteneurs à partir 2004-2005. 17 000 familles ont pu bénéficier directement de ces résultats. Partenaire de réalisation en plus de la FEDECOVERA, la Fédération de coopératives agricoles du Guatemala (FEDECOAG). Pour la réalisation de ce projet qui disposait d’un budget de quelques 6, 8 millions $ sur 8 années, soit de 2002 à 2010, SOCODEVI a obtenu l’appui financier de l’ACDI comme principal partenaire financier.
Finalement, ce programme qui est en passe d’atteindre son rythme de croisière doit être compris dans la perspective de l’intervention globale de SOCODEVI au Guatemala depuis 1985 auprès de 250 organisations coopératives et mutualistes guatémaltèques.
Le fil rouge de cette expérience au Guatemala a été de travailler non seulement dans la durée (plus de deux décennies) mais aussi de soutenir la dynamique fédérative des coopératives pour les sortir de leur isolement : commencer dans des communautés locales, puis dans une région, la coopération avec le Guatemala a fini par déboucher sur un travail à l’échelle de tout le pays avec la fédération nationale des coopératives de ce secteur : fédérer des coopératives et/ou soutenir le renforcement de fédérations sectorielles régionales et nationales apparaît une stratégie de développement aux effets structurants et offrant de meilleures garanties de pérennité. En outre, nous avons pu noter que le reboisement et l’agroforesterie qui sont au cœur de la coopération de SOCODEVI avec le Guatemala ont pris racine dans d’autres pays.
En effet, SOCODEVI, dans son rapport annuel de 2010-2011, fait mention qu’elle travaille aussi au Honduras toujours conjointement avec la Fédération québécoise des coopératives forestières qui y a fait des missions d’appui technique auprès de la Fédération nationale des coopératives agroforestières, la FEHCAFOR. Objectifs : durabilité des ressources, conservation de la biodiversité et développement d’une activité économique viable. SOCODEVI est également au Pérou dans le cadre d’un projet pilote de reboisement dans la région de La Libertad depuis un an.
Leonardo Delgado, directeur de la FEDECOVERA du Guatemala, est un des nombreux conférenciers du Sommet international organisé conjointement par le mouvement Desjardins en collaboration avec l’Alliance coopérative internationale.
Source : recherchiste Ernesto Molina pour la Chaire de recherche en développement des collectivités (CRDC) de l’Université du Québec en Outaouais (UQO)
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