L’auteur invité est un collectif (voir la liste à la fin du billet).
L’avenir de l’éolien au Québec passe par un tarif d’achat garanti, selon les auteurs.
La stratégie énergétique du Québec est en panne. Dans les régions, on se pose des questions. Après les appels d’offres déjà lancés dans l’éolien, que fera le gouvernement des potentiels restants? Plusieurs croient que l’avenir de l’éolien au Québec passe par un tarif d’achat garanti. Or, ce dernier compte lancer début 2012 un appel d’offres communautaire de 700 MW pour pallier les projets qui ne se feront pas. Est-ce le modèle à suivre?
La stratégie énergétique 2006-2015 prévoit implanter 4000 MW d’énergie éolienne sur le réseau d’Hydro-Québec. En plus, un programme de microproduction pour les projets d’énergies renouvelables divers inférieurs à 10 MW était visé dès 2007. Le premier bilan est inquiétant: au moins 500 MW de projets éoliens ne se réaliseront pas.
Pour s’ajuster aux réalités régionales, plusieurs organisations demandent, depuis 2006, que le gouvernement et Hydro-Québec envisagent l’option des tarifs d’«achat garanti». Plus récemment, le rapport de l’équipe spéciale sur les énergies renouvelables n’a pas encore été rendu public alors qu’il était sur la table de la ministre Normandeau depuis décembre 2010. Est-ce parce que lui aussi préconiserait l’instauration d’un tel système à prix garanti? C’est en tout cas ce que laisse penser l’article de Louis-Gilles Francoeur paru dans Le Devoir en date du 31 décembre 2011. Pourquoi tant de réticences d’Hydro-Québec et du gouvernement? On a tout à y gagner!
Contrôler le développement des ressources
Le modèle actuel, basé sur les appels d’offres compétitifs, encourage les grands projets. Cela se comprend puisque c’est le critère du «tarif» qui est le principal facteur pour gagner l’appel d’offres. Or, dans un contexte de concurrence, c’est par des économies d’échelle qu’on peut maximiser les profits. Dans ces conditions, les gagnantes sont de grandes entreprises mondiales qui ont des reins solides. De plus, pour se qualifier à l’appel d’offres d’Hydro-Québec Distribution, des milliers de dollars sont nécessaires, et encore faut-il obtenir le contrat!
Le modèle basé sur des tarifs d’achat garanti et connus d’avance a fait ses preuves. Il a été inventé par les pays pionniers du développement éolien: le Danemark et l’Allemagne. Dans ce système, le tarif obtenu est le même pour tous les investisseurs potentiels. Il est connu, garanti et fixé pour toute la durée du contrat d’achat d’électricité. Des organisations telles le CQCM, la Coopérative Val-Éo et la CDR Bas-Saint-Laurent-Côte-Nord, évaluent qu’ils présentent plusieurs avantages pour le développement des régions.
Pour l’égalité des chances!
Cela est connu: il est plus facile d’obtenir du financement lorsque l’institution financière possède la garantie d’un retour d’investissement, surtout si la durée du prêt est de 20 ans. Ne pas savoir si le projet sera retenu rend donc difficile son financement, ne serait-ce que pour déposer une soumission pour l’appel d’offres. De plus, répondre à un appel d’offres d’Hydro-Québec Distribution coûte aussi cher. Des tarifs fixes d’achat garanti, s’ils étaient connus au départ, permettraient de prévoir le risque pour les collectivités voulant y investir. Les chances seraient égales pour tous.
La préparation d’un projet, dans un contexte de concurrence, oblige le promoteur à cacher des informations au risque de perdre le projet en fin de course. Or, la question de l’éolien a des impacts sur l’environnement et sur le milieu de vie des citoyens. Un prix d’achat garanti connu par tout le monde permettrait une consultation large et transparente. De plus, des tarifs dégressifs en fonction de la rentabilité des sites permettraient d’éviter la concentration des projets dans les zones les plus ventées. Ainsi, le potentiel de vent ne serait plus le facteur prépondérant à entrer dans la prise de décision d’implantation d’un projet.
Au lieu de projets de grande taille avec peu de retombées locales, le modèle basé sur des tarifs d’achat garanti permettrait des projets de tailles diversifiés et une plus grande justice sociale dans le choix des promoteurs.
Démocratiser la production d’énergie
Cela est sans contredit: la mobilisation des citoyens dans des projets collectifs de microproduction favoriserait le financement dans les milieux en plus de faire participer les communautés à la gestion et à l’opérationnalisation des projets. Déjà, le gouvernement faisait un premier pas en instaurant le critère d’obligation de contrôle local dans les projets communautaires éoliens. Il n’y manquait que le tarif d’achat garanti pour que les régions puissent faire partie des joueurs. Tout le monde serait ainsi au même niveau, tant les coopératives que les municipalités, les MRC ou les investisseurs privés.
Alors, qu’est-ce qu’un prix «juste»? La principale difficulté tient à ce qu’un tarif d’achat garanti trop élevé risque de coûter cher à Hydro-Québec. Un tarif trop bas découragerait au contraire les promoteurs. Un équilibre doit être établi qui dépend des coûts réels de production des filières énergétiques et du contexte énergétique national. Par exemple, il ne sera pas le même pour l’éolien ou pour le photovoltaïque, pour l’Ontario ou pour le Québec. En ce sens, des études économiques pourraient aider à déterminer le niveau des tarifs adéquat et propre à chaque filière.
Les tarifs d’achat garanti ne manquent pas de susciter l’engouement de par le monde: déjà, 13 États américains, 3 provinces canadiennes et la Chine ont emboîté le pas ou sont en voie de le faire. Et, en 2010, le Royaume-Uni passait lui aussi à une tarification fixe pour des projets inférieurs à 5 MW.
Une question de nature politique
Les tarifs d’achat garanti sont une avenue intéressante si le Québec veut devenir un chef de file industriel dans les énergies renouvelables à l’image de l’Allemagne, du Danemark et de l’Espagne. Partant de l’éolien, il est possible d’optimiser les retombées à la faveur de nos régions et de nos communautés. Ce développement durable de l’éolien au Québec pourrait passer par une stratégie mixte de développement basée à la fois sur de «grands» parcs éoliens en région inhabitée et de «petits» projets de microproduction inférieurs à 10 MW en région habitée. Cette orientation relève non pas de l’absence de potentiel énergétique ou de volonté des collectivités locales, mais bien d’une vision politique!
Ont signé ce texte: Marie-Joëlle Brassard, directrice de la recherche et du développement au Conseil québécois de la coopération et de la mutualité; Rémy Boulianne, président de la Coopérative Val-Éo; Évariste Feurtey, doctorant en sciences de l’environnement à l’UQAR; Martin Gagnon, directeur général de la Coopérative de développement régional Bas-Saint-Laurent-Côte-Nord; Gilbert Otis, citoyen de Saint-Noël; et Gaëtan Ruest, maire d’Amqui.
Pour lire le texte original, on va sur le site du quotidien Le Devoir
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