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Le samedi 23 avril 2022

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Retrait de Kyoto – Une réelle menace à la réputation et aux intérêts du Québec

Les auteurs invités sont Scott McKay, député de L’Assomption et porte-parole de l’opposition officielle en matière d’environnement, de développement durable et de parcs et Alexandre Cloutier, député de Lac-Saint-Jean et porte-parole de l’opposition officielle en matière de relations internationales et de Francophonie.

En plus de heurter de plein fouet les valeurs québécoises, le retrait unilatéral du gouvernement Harper du Protocole de Kyoto cause au Québec des préjudices économiques et environnementaux importants. En reniant la signature d’un accord international qui a obtenu l’assentiment unanime de l’Assemblée nationale, le gouvernement fédéral menace l’exercice des responsabilités du Québec en matière d’environnement et de relations internationales.

Par les mesures de rétorsion que ce geste entraînera, ce sont les Québécois qui se verront les plus pénalisés. En raison du retrait du fédéral du protocole et compte tenu de l’importance des préjudices subis par la nation québécoise, le gouvernement du Québec doit tout mettre en oeuvre afin de se voir reconnaître un statut particulier dans le cadre des discussions post-Kyoto.

Un appui unanime du Québec, un rejet du Canada

La ratification et la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto ont toujours fait l’objet d’une large unanimité des parlementaires québécois. On se rappellera la motion unanime de l’Assemblée nationale du 10 avril 2001, réitérée le 24 octobre 2002, enjoignant au gouvernement canadien de ratifier le protocole et de reconnaître les efforts déjà réalisés au Québec. Après des années de discussions, le Canada ratifiait finalement l’accord en décembre 2002, devenant le 99e pays signataire.

Il s’est ensuite écoulé trois années avant que le gouvernement Chrétien adopte son plan de mise en oeuvre. Au Québec, malgré le fait que ce plan épargne largement les pétrolières et les gazières, le gouvernement Charest l’accepte avec les 350 millions de dollars qui y sont associés. Et en 2005, le Canada progresse rapidement dans la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto. La tenue de la Conférence des parties, en décembre à Montréal, est venue sceller sur la scène internationale un scénario presque parfait.

C’était sans compter avec les compagnies pétrolières de l’Ouest canadien qui, malgré les efforts modestes qui leur sont demandés, sont totalement opposés au Protocole de Kyoto. Dès l’élection du gouvernement conservateur, en 2006, le fédéral coupe les programmes de sensibilisation et de recherche scientifique et adopte une politique laxiste concernant les émissions de gaz à effet de serre (GES). De Rona Ambrose à Peter Kent, en passant par John Baird, tous les ministres fédéraux de l’Environnement se font un point d’honneur de défendre d’abord les intérêts des pétrolières et des gazières. Devenu majoritaire en 2011, le gouvernement Harper annonçait en décembre dernier, sans consulter le Québec ni le Parlement canadien, qu’il se retirerait du Protocole de Kyoto à la fin de 2012.

Le Québec pénalisé

Dès les premières interventions de la ministre Rona Ambrose, on constate au Québec que les conséquences économiques de la volte-face canadienne risquent fort de s’avérer désastreuses. En effet, les pays européens envisagent l’imposition d’une taxe sur le carbone à leurs frontières comme arme diplomatique pour amener les pays récalcitrants à accepter un accord contraignant. Notons que l’Organisation mondiale du commerce pourrait accorder aux questions environnementales un régime d’exception pour l’imposition de taxes à l’importation. C’est le Québec qui subirait les plus grands dommages de l’incurie canadienne. En effet, les produits québécois représentent à eux seuls près du quart de toutes les exportations canadiennes en Europe.

Bien que cette taxe ne soit encore qu’une menace, il faut bien reconnaître que les entreprises québécoises subissent déjà les contrecoups du retrait du Canada de Kyoto. L’exemple de cette entreprise de Boisbriand qui a vu sa commande annulée par un client anglais «dégoûté» de l’attitude du Canada n’est pas qu’anecdotique. Cette attitude démontre bien comment l’opinion publique internationale, particulièrement européenne, réagit mal au virage à 180 degrés du gouvernement Harper dans la lutte aux changements climatiques.

Plusieurs articles du Protocole de Kyoto reconnaissent les activités forestières parmi les efforts consentis pour réduire les émissions de GES. La gestion écosystémique des forêts et la reforestation ont, notamment, fait l’objet de discussions lors de la conférence de Durban en décembre dernier. Le Québec, véritable pays forestier, pourrait profiter de ces récentes avancées et Kyoto pourrait contribuer à financer notre virage vert en foresterie, y compris une reforestation plus importante. Eh oui, la conservation de la nature, ça peut devenir payant avec Kyoto!

L’urgence de réagir

L’environnement est une compétence partagée entre le gouvernement fédéral et les provinces. Le Québec a le pouvoir d’adopter des lois dans ses champs de compétence et il ne s’est pas gêné pour le faire en matière d’émissions de GES. Qu’on parle de la gestion forestière, de la gestion des matières résiduelles, des émissions à l’atmosphère, il s’agit de questions qui sont soit de compétence exclusive des provinces, soit de compétence partagée entre les provinces et le Canada. Et les décisions du gouvernement canadien affectent directement les intérêts économiques et commerciaux du Québec.

Dans ce contexte, le gouvernement du Québec a le devoir d’agir devant les attaques éhontées du gouvernement Harper.

Bien sûr, un Québec souverain s’inscrirait parmi les nations luttant activement contre les changements climatiques, mais compte tenu de la menace qui pèse sur nos intérêts, il est urgent que l’engagement du Québec en faveur du Protocole de Kyoto soit reconnu au sein de la communauté internationale. Le Parti québécois estime que le gouvernement du Québec doit prendre les devants afin d’obtenir une forme de reconnaissance de ses actions par l’Organisation des Nations unies. L’État québécois est l’un des rares États fédérés qui dispose d’un réel appareil diplomatique lui permettant d’agir pratiquement sur tous les continents.

Le statut particulier que nous envisageons n’existe pas encore. Toutefois, à l’instar du précédent créé par l’adhésion du Québec à l’Organisation internationale de la Francophonie, nous estimons que le gouvernement du Québec devrait proposer l’équivalent, soit un statut de gouvernement participant auprès des parties du Protocole de Kyoto à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Les discussions de l’été prochain à la conférence Rio+20 représentent une occasion idéale pour défendre cette idée.

Pour la société civile québécoise, il s’agit d’un geste d’affirmation. Cette démarche permettra de protéger les intérêts économiques et la réputation internationale de l’État du Québec. Nous appelons donc le gouvernement du Québec à agir dès maintenant auprès des 191 États membres du Protocole de Kyoto. Les députés du Parti québécois l’appuieront activement.

Pour lire le texte original, on va sur le site du quotidien Le Devoir.

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