Le silence s’est fait sur les découvertes de pétrole sous l’île d’Anticosti mais je crois qu’il faudrait sérieusement se préoccuper de ce que sont en train de nous préparer les pétrolières. On nous a dit que les dizaines de milliards de barils de pétrole qui sont en réserve sur l’île seraient sous la forme de « pétrole de schiste » ! Mais s’agit-il vraiment de « Oil Shale » ou de « Shale Oil » ? Selon Greenpeace, les Shale oil, ou schistes bitumineux en français, ne doivent pas être confondus avec les Oil shale alias le kérogène contenu dans la roche même. Les méthodes d’extraction ne sont pas les mêmes. L’une utilise la fracturation (comme pour le gaz de schiste) alors que l’autre peut être récupérée ex-situ ou in-situ, comme les sables bitumineux. Sur la page Wikipédia des pétroles non conventionnels on définit avec plus de détail le potentiel et les impacts de cette forme de pétrole non conventionnel.

« On n’est pas rendus à cette étape, mais si on regarde sur Anticosti, pour l’instant, la seule possibilité qu’on voit, c’est de procéder par fracturation », expliquait récemment André Proulx, de Pétrolia, qui a d’importants droits miniers sur Anticosti, à Alexandre Shields du Devoir. S’il s’agirait donc du Shale oil (qu’on retrouverait aussi dans le bassin parisien !). Mais quoiqu’il en soit de leurs particularités, ces deux formes de pétrole sont de quatre à cinq fois plus polluants que le pétrole conventionnel à produire.

Aux États-Unis, les groupes écologistes s’organisent pour s’opposer à la volonté de l’administration Obama à donner son approbation à l’exploitation de ces énergies fossiles ultra-sales. Alors qu’ils commencent à voir les résultats concrets de leur campagne contre les centrales au charbon (les États-Unis s’apprêtent à fermer des centrales au charbon pour l’équivalent de 4 000 MW), le recours au pétrole non conventionnel représenterait un retour en arrière important pour ces groupes. C’est la nouvelle campagne républicaine en faveur des Oil shale qui va donc mobiliser les troupes dans les mois qui viennent. Comme le montre le graphique suivant, les réserves et les impacts des Oil shale sont majeurs. « Exploitation of tar sands would make it implausible to stabilize climate and avoid disastrous global climate impacts. Oil shale is much worse! ». Cette ressource contient très peu d’énergie: vouloir la transformer en essence exigerait un coût énorme en énergie et en GES.

Dans un billet sur Daily Kos, le blogueur Climate Hawks expose les arguments en défaveur de l’exploitation des Oil shale dans le bassin de Green River (qui couvre les États du Colorado, de l’Utah et du Wyoming). Dans une région qui souffre déjà d’un problème d’eau, la transformation des Oil shale – qui exige 5 gallons d’eau pour chaque gallon de pétrole produit – est un non sens. Même les Républicains des États concernés n’en veulent pas. Mais pour le lobby du pétrole et les leaders politiques qui leur sont pieds et mains liés, ce ne sont là que des obstacles à la croissance économique, aux emplois, aux revenus gouvernementaux, etc. On connaît la chanson !

Le pétrole de schiste qui est en réserve sous l’île d’Anticosti n’est peut-être pas du même type que celui de Green River. Ce qui semble tout à fait identique, par contre, c’est cette incapacité à comprendre que ce type d’énergie fossile ne fait pas partie des solutions, mais des problèmes. Et que les solutions passent nécessairement, et le plus rapidement sera le mieux, vers la fin de notre dépendance aux énergies fossiles.