Déjà fragilisée par la crise que l’on connaît, l’économie mondiale pourrait d’ici quelques mois être frappée par les impacts de la pandémie de la grippe H1N1 si cette dernière s’avère aussi virulente que le craigne les épidémiologistes. Mais les impacts seront d’autant moins importants, économiquement et socialement, si les autorités publiques prennent au sérieux ces risques et adoptent des mesures significatives.
Les experts de la Banque mondiale estiment que le coût économique de la pandémie pourrait varier de 0,7 % à 4,8 % du produit intérieur brut (PIB) mondial : l’hypothèse basse correspond à une catastrophe modeste, du type de la grippe de Hong Kong de 1968; l’hypothèse haute correspont plutôt à une catastrophe sévère, comme la grippe espagnole de 1918 qui avait fait entre 50 et 100 millions de morts. Dans une autre étude, produite par les chercheurs d’Oxford Economics, on estime que la pandémie pourrait repousser d’un à deux ans le redressement de l’économie mondiale.
Pour l’instant le coût pour l’économie du virus H1N1 est marginal (on l’estime à 0,002% du PIB mondial). Mais l’ampleur de l’épidémie est imprévisible. Dans un contexte de pandémie virulente, on devrait voir exploser les taux d’absentéisme au travail. Par exemple, un scénario simulé par les autorités américaines table sur des taux de 45 % au bout de six semaines, puis une redescente progressive à 35 %. Normalement, le taux d’absentéisme des grippes saisonnières est de 2,2 %.
Les autorités européennes commencent à s’inquiéter sérieusement de la situation, particulièrement la Grande-Bretagne qui serait, on ne sait pourquoi, déjà plus affectée que sur le continent. Oxford Economics estime que le coût de la pandémie pourrait représenter, en Grande-Bretagne, jusqu’à 5 % du PIB. Le ministère de la Santé a demandé au National Health Service (NHS), le service de santé public britannique, de se mettre en ordre de bataille pour faire face à 65 000 décès.
En France, le Premier ministre François Fillon a souligné qu’on « sait déjà, compte tenu de ce qui se passe dans d’autres pays (…), qu’il y aura plusieurs millions de Français qui seront concernés par cette grippe, et donc un risque de ralentissement de l’économie ». A titre de comparaison, en France métropolitaine, le réseau de médecins généralistes Sentinelles estime qu’entre 700.000 et 4,6 millions de personnes consultent pour syndrome grippal lors d’une épidémie traditionnelle de grippe saisonnière. En moyenne, 2,5 millions de personnes seraient concernées chaque année, selon l’Institut de veille sanitaire.
L’Union européenne s’apprête à recommander la fermeture des écoles au cas par cas pour éviter la propagation du virus de la grippe A lors de la rentrée des classes. Dans un entretien au Figaro publié mercredi, le ministre de l’Education nationale en France affirme être « prêt à fermer toutes les écoles » en cas de pandémie de grippe A/H1N1. Les enfants constituent un des groupes les plus à risque. Les experts des 27 pays européens discutent de cette question depuis plusieurs semaines au sein d’un Comité pour la sécurité sanitaire de l’UE à Bruxelles et ils doivent finaliser une série de recommandations pour la rentrée des classes.
Mais la fermeture des écoles pose de nombreux problèmes, notamment pour l’activité économique, reconnaissent-ils. La fermeture des écoles sans solution de substitution pour les parents aux soins aurait pour conséquence de créer un absentéisme forcé. Pour faire face à ces fermetures, le ministre déclare que « nous avons préparé un plan de continuité pédagogique. Il s’agit de programmes éducatifs destinés aux élèves privés de cours« . Par contre, le ministre affirme qu’une vaccination généralisée des enfants n’est pas d’actualité pour le moment.
Au Québec, les autorités médicales et de la santé publique semblent privilégier une stratégie de vaccination massive. Des campagnes sont en train d’être organisées. Plusieurs bénévoles seront requis pour mener à bien ces campagnes de vaccination massive. Mais les écoles du Québec vont rester ouvertes. Le Québec dit suivre les directives de Santé Canada qui considère que cette mesure n’est pas efficace pour limiter la propagation du virus de la grippe A H1N1. Les autorités considèrent que les inconvénients engendrés par la fermeture des écoles ne justifient pas cette mesure. Parmi ces inconvénients : le retard dans l’année scolaire et le fait que les enfants devraient être gardés à la maison par leurs parents, qui s’absenteraient ainsi du travail. Est-ce donc pour ne pas nuire à l’économie qu’on rejette cette solution ?
Pour la santé publique, ni la fermeture « proactive » (avant que le virus ne cause des cas), ni la fermeture « rétroactive » (pour limiter le nombre de cas une fois que le virus a déjà causé des infections) ne sont des choix préconisés. La responsabilité de fermer les établissements scolaires, en cas de détérioration grave de la situation, reviendra à la commission scolaire ou du directeur de l‘école. Les autorités de santé publique vont plutôt miser sur l’éducation du public et principalement des élèves, des parents et des enseignants.
Selon Michel Doré, le coordonnateur en sécurité civile pour le gouvernement du Québec, il est important de se préparer à la prochaine vague de grippe pandémique. Il faut prendre des mesures dans nos organisations. Il faut que toutes les entreprises planifient le maintien de leurs services essentiels en cas d’absentéisme qui peut s’élever jusqu’à 30%.
on a raison de se préoccuper de cette nouvelle pandémie d’un type inédit. Cependant les façons d’y faire face restent et resteront matière à débat: vacciner, fermer les écoles, éduquer.
Quand on connaît les puissants lobbies à l’oeuvre dans les coulisses des décisions de santé publique, l’opacité n’est jamais loin.
Les diverses pandémies d’opacité sont une réelles menaces pour la démocratie et une invitation à nourrir les débats.