Le rapport du Vérificateur général du Québec publié au début mars a suscité de nouveaux commentaires alarmants dans les médias quant à la situation financière du Québec. Le message véhiculé martèle encore l’idée néolibérale de la nécessité de limiter l’offre de services publics, ou de faire payer l’utilisateur, et renforce la thèse fédéraliste selon laquelle le Québec serait incapable de survivre financièrement hors du Canada. Pourtant, un examen attentif du rapport permet de conclure que ni les dépenses publiques ni la dette du Québec ne sont hors de contrôle.
En ce qui a trait à la dette, le monde a connu en 2008 une des pires crises économiques et financières des cent dernières années. Il est tout à fait normal que le Québec affiche un déficit budgétaire dans les années subséquentes et ces déficits se répercutent nécessairement sur le niveau de la dette. Le Québec a d’ailleurs fait beaucoup mieux que la plupart des économies industrialisées à ce chapitre et il s’est aussi doté d’une loi qui prévoit l’effacement graduel de cette dette conjoncturelle à partir de l’année suivant le retour à l’équilibre budgétaire. Compte tenu de la croissance du PIB, le ratio des déficits cumulés sur le PIB a déjà amorcé une baisse en 2011. La dette brute se chiffre à 173,4 milliards de dollars au 31 mars 2011, dont 111,9 milliards est constitué des déficits accumulés. On a fait état d’une hausse de 10 milliards de la valeur de la dette brute en 2015 comparativement à ce qui avait été prévu, pour cette date, en mars 2010. En y regardant de plus près, cette hausse est aussi en bonne partie liée à la conjoncture économique difficile. Les principaux facteurs qui l’expliquent sont la prise en compte d’emprunts des réseaux (santé et éducation) et des municipalités ainsi que la révision des évaluations actuarielles des régimes de retraite. On note également la nouvelle inscription d’un passif environnemental de plus de deux milliards de dollars. Ce dernier élément, de même que les propositions non retenues du Vérificateur qui ajouteraient plus de dix milliards de dollars à la dette en vertu de nouvelles normes comptables, ne témoignent pas d’une perte de contrôle de la dette mais plutôt de la prise en compte de passifs qui existent déjà. Cela dit, il faut rester vigilant quant à la croissance la dette, ce qui nécessite une bien meilleure planification à long terme des dépenses en immobilisations et, comme le mentionne le Vérificateur, une meilleure comptabilisation de celles réalisées en PPP.
Par ailleurs, si le Vérificateur relève une augmentation importante des dépenses publiques de 2009 à 2015, il s’agit seulement d’une augmentation par rapport aux prévisions de dépenses présentées par le ministre en mars 2010, lesquelles lui permettaient de prétendre que le gouvernement allait réaliser plus de 60% de l’effort de réduction du déficit. Soit dit en passant, il est difficile de comprendre en quoi couper dans les dépenses représente un effort du gouvernement. Il apparaît maintenant que ces coupures importantes prévues dans les dépenses n’étaient pas nécessaires puisque, selon les données les plus récentes, le retour à l’équilibre budgétaire sera réalisé en 2013-2014 comme prévu. Le Vérificateur constate lui-même que le gouvernement n’a pas pris les mesures nécessaires pour assurer que ces coupures budgétaires se concrétisent. C’est une solide croissance des revenus gouvernementaux qui permettra le retour à l’équilibre budgétaire sans l’effort annoncé du côté des dépenses publiques. Est-ce qu’au moment de la préparation du budget, en sortie de crise, la croissance des revenus n’a pas été estimée à peu près correctement par le ministère des Finances du Québec qui se considère comme un des meilleurs dans ce type d’exercice? Il est impossible d’affirmer que le gouvernement a délibérément faussé les perspectives budgétaires présentées à la population. Cependant, dans la situation actuelle où les pouvoirs du Vérificateur général sont limités, les données budgétaires fabriquées par le ministère des Finances peuvent facilement devenir une arme au service d’une idéologie. Il faut comprendre que si les finances du Québec demeurent dans un état précaire qui rend difficile le maintien de services publics de qualité, c’est d’abord parce que les gouvernements, autant à Québec qu’à Ottawa, ont entrepris depuis l’an 2000 d’alléger le fardeau fiscal des contribuables, particulièrement celui des mieux nantis de la société. Cela est bien démontré dans une étude récente de l’IREC « Les services publics : un véritable actif pour les ménages québécois ».
La prudence est certainement une qualité inhérente à l’activité de vérification comptable. Dans le domaine public, la vérification s’appuie depuis longtemps sur la prémisse que les gouvernements aiment trop dépenser de sorte qu’un rôle essentiel du Vérificateur est de freiner cette propension à la dépense. Faute d’obtenir des pouvoirs plus étendus, la vérification comptable du secteur public devrait s’ajuster à une nouvelle réalité politique. De nos jours, les gouvernements aiment dépenser dans le béton, les équipements, le matériel militaire et dans les activités qui sont profitables à leurs nouveaux maîtres mais ils trouvent bien utiles les appels à l’austérité du Vérificateur auxquels ils peuvent répondre par des coupes sélectives.
Discussion
Pas de commentaire pour “Rapport du Vérificateur général : un instrument utile, à manipuler avec soin”