L’analyse des dépenses publiques présentée dans la récente étude de l’IREC Les services publics : un véritable actif pour les ménages québécois démontre que les administrations publiques réalisent par leurs dépenses une redistribution significative de la richesse. Les services publics et les transferts gouvernementaux constituent un apport essentiel au bien-être des québécois de toutes les catégories de revenu. L’effet de redistribution provient du fait que les ménages dont les revenus sont plus élevés financent bien plus que leur part des dépenses gouvernementales, comme on peut le voir dans le tableau ci-dessous.
Cependant, depuis plusieurs années nos gouvernements ont fait le choix de réduire les impôts et taxes en invoquant la nécessité de favoriser le dynamisme de l’économie, dynamisme qui serait l’apanage du secteur privé. Pourtant, les salaires et autres revenus générés par les services publics contribuent au dynamisme de l’économie autant que les revenus générés dans les activités privées. La production de services publics, qui n’incluent pas ici l’électricité, ne donne pas lieu à de l’exportation à l’étranger mais, en revanche, elle n’est aucunement menacée par la concurrence étrangère et fournit des emplois stables même quand l’économie est en récession. On invoque les profits générés pour faire valoir le dynamisme du privé, mais ces profits peuvent être dépensés ou investis hors du Québec.
L’ampleur des pertes de revenus gouvernementaux encourues depuis 1999 peut être évaluée en s’appuyant sur les données du tableau suivant. Un taux global de taxation a été calculé à partir de données de Statistique Canada qui prennent en compte l’ensemble des impôts, taxes et cotisations payés par les ménages québécois, tant au niveau fédéral qu’au niveau provincial. Il tient donc compte de tous les changements apportés depuis 1999 aux paramètres touchant la fiscalité, soit les tables d’impôt, les taux de taxe de vente, les abris fiscaux et autres. Le taux de taxation est passé au total de 33,4% en 1999 à 28,7% en 2010. Le taux d’imposition fédéral est passé de 17,2% en 1999 à 13,9% en 2010 tandis que le taux d’imposition provincial diminuait de 16,3% à 14,8%.
Pour l’année 2007, une simulation utilisant les taux de taxation prévalant en 1999 permet d’estimer à 8,1 milliards de dollars les pertes de revenus associés aux baisses de taux, dont 2,4 milliards pour le gouvernement du Québec et 5,7 milliards pour le gouvernement fédéral, au Québec seulement. On ne contrôle pas les orientations du gouvernement canadien mais, étant donnée la croissance marquée des dépenses de responsabilité provinciale, on aurait pu profiter de la baisse des impôts et taxes fédéraux pour accroître le taux d’imposition au Québec.
Le diagnostic le plus courant quant à l’état de nos services publics est qu’en raison du nouveau contexte économique mondial le Québec n’a plus les moyens de maintenir les services publics gratuits qu’il a mis en place dans des périodes de plus grande prospérité. Les données fiscales semblent plutôt indiquer que les revenus des individus et des ménages progressent à bon rythme mais que ce sont les gouvernements qui ont choisi de limiter la croissance de leurs revenus et de réduire l’offre de services publics. En supposant que les pertes de revenus se sont traduites par une réduction équivalente des dépenses publiques, soit environ 2300 dollars par ménage, l’impact des nouvelles orientations politiques se révèle très négatif pour la majorité des ménages québécois.
Des statistiques complémentaires sur les revenus gagnés, excluant les transferts, indiquent que l’écart se creuse entre les ménages les plus fortunés et les autres. Entre 1999 et 2010, le revenu moyen du vingt pourcents des ménages les plus favorisés est passé de 108000 à 152000 dollars tandis que le revenu moyen de l’autre quatre-vingt pourcents est passé de 23000 à 33000 dollars. Les gouvernements ont donc décidé de réaliser moins de redistribution de la richesse alors que le maintien de l’équilibre antérieur exigerait davantage de redistribution. On peut analyser ces résultats d’un point de vue éthique mais on peut aussi les considérer comme une menace à la prospérité économique et à la survie du système politique, comme semble le faire le milliardaire américain Warren Buffet.
Pourriez-vous, s’il-vous-plaît, m’expliquer comment vous êtes arrivés à la ventilation par quintile des « Diminutions des dépenses publiques » du tableau 10 ci-haut?
C’est que ces diminutions de dépenses publiques ne sont pas proportionnelles aux dépenses publiques de 2007-2008 apparaissant dans votre premier tableau. (Par exemple, le ratio -2659/30722 pour le premier quintile, n’est pas égal au ratio -2265/32250 pour le 5e quintile)
Ces ratios inégaux semblent indiquer que vous avez ventilé les « Diminutions des dépenses publiques » en proportion des dépenses publiques de 1999 (Chiffres que vous ne fournissez pas, ce qui m’empêche de vérifier cette dernière hypothèse).
S’il s’agit bien de ventilation en proportion des dépenses publiques de 1999, pourriez vous m’indiquer ces dépenses publiques par quintile?
Merci.
Vous avez raison de poser la question M. Le Crible, la méthode n’est pas décrite en détail dans ce sommaire. Les baisses d’impôt ont été plus marquées au fédéral. On a donc ajusté séparément les dépenses fédérales au Québec et les dépenses provinciales, en fonction des baisses d’impôt de chaque administration. J’espère que cela répond à votre interrogation.
Merci de votre réponse Pierre. Je comprends maintenant la raison des différents ratios.
Cela étant dit que crois que vous avez fait deux erreurs importantes dans votre votre estimation des diminutions des dépenses publiques découlant des réductions d’impôts.
1) Plusieurs études ont conclu que les réductions d’impôts augmentent les revenus déclarés et qu’il n’en découle donc pas des diminutions d’entrées fiscales équivalentes aux réductions d’impôts appliqués aux revenus déclarés. Certains soutiennent même que les réductions d’impôt augmentent les entrées fiscales.
2) Les gouvernements démontrent un penchant favorable aux moins bien nantis en levant des impôts pour redistribuer plus de richesse aux plus démunis qu’aux mieux nantis. Il me semble peu logique de supposer, comme vous l’avez fait, que le penchant des gouvernements s’inverse totalement juste à cause d’une réduction d’entrées fiscales (s’il y a réduction).
1) On devrait donc baisser encore plus les impôts pour se payer les services publics qu’on avait avant. Ce sont de vieilles histoires qui roulent depuis longtemps,je n’ai jamais vu d’étude chiffrée concluante et pas un gouvernement qui ait appliqué cette idée avec succès
2)Il faut voir l’inverse : les réductions d’entrées fiscales parce que le penchant s’est inversé.