L’auteur invité est Felice Scalvani, vice-président de l’Alliance coopérative internationale et co-président de Coopératives Europe. L’interview à Nord-social.info est réalisée par Jean-Paul Biolluz.

Felice Scalvani est l’un des promoteurs de la coopération sociale en Italie. Pour le 10e anniversaire des Sociétés coopératives d’intérêt général, les SCIC, qui s’est déroulé à Paris, ce jeudi 9 octobre, il a expliqué l’importance et les caractéristiques du mouvement des coopératives sociales qui se sont, rapidement, développées en Italie cette dernière décennie. A cette occasion, le vice-président de l’Alliance coopérative internationale a donné une interview à Nord-social.info, concernant « les objectifs poursuivis par le mouvement coopératif à travers l’Année internationale ».

Nord-social.info : comment voyez-vous l’Année internationale des coopératives en tant que vice-président de l’Alliance coopérative internationale ? Quel peut être son intérêt pour le mouvement coopératif ?

Felice Scalvini :
« L’année internationale des coopératives est une occasion très intéressante pour développer un point de vue global autour de l’expérience des coopératives ».

« L’un des problèmes du mouvement coopératif, c’est qu’il n’est pas suffisamment connu dans ses caractéristiques, ni dans ses capacités. Qui sait qu’il y a un milliard de coopérateurs dans le monde ? Peu de gens. Dans ce sens, la reconnaissance du mouvement coopératif par les Nations unies est importante pour faire comprendre au plus grand nombre ce qu’est le mouvement coopératif, ce qu’il représente, et ce qu’il peut offrir aux populations ».

Nord-social.info : au-delà de cette opération qui sort de l’ombre le mouvement coopératif, que peut-il trouver d’autre dans cette initiative ?

Felice Scalvini :
« Cette campagne internationale, c’est aussi l’occasion de forger, d’animer, et de mettre en avant la fierté des coopérateurs ».

« Les coopérateurs du monde d’aujourd’hui, ne sont pas que les héritiers d’un passé prestigieux. Ils sont aussi les protagonistes d’une nouvelle saison de l’économie, mais aussi les promoteurs d’un modèle de civilisation. Ils peuvent contribuer à dépasser le paradigme du marché concurrentiel en travaillant à la démonstration que la coopération a la capacité de proposer des alternatives, aussi bien pratiques, quotidiennes, que globales ».

Comment changer d’échelle sans perdre son âme ?

Nord-social.info : pour cela il faudrait que le mouvement coopératif soit plus fort qu’il ne l’est aujourd’hui…

Felice Scalvini :
« L’un des grands défis qui se posent au monde coopératif réside dans la manière d’organiser l’ensemble de la galaxie coopérative. Comment associer dans un même mouvement et une même dynamique de petites unités coopératives et celles qui ont atteint une plus grande dimension ? Mais surtout comment franchir une échelle et passer de coopératives de faible dimension à de grandes unités coopératives afin de parvenir à transformer l’économie et la société. Et dans cette dynamique souhaitable, comment assurer la transformation du changement d’échelle sans que le mouvement coopératif y perde de son âme ? »

Nord-social.info : on peut supposer que de nombreuses manifestations seront organisées dans le cadre de cette année dédiée au mouvement coopératif…

Felice Scalvini : « Effectivement, l’année internationale des coopératives sera l’occasion d’organiser des manifestations diverses et variées sur tous les continents. Tout au long de cette année de multiples initiatives, conférences, rendez-vous, manifestations seront organisés à tous les échelons, tant en France qu’au niveau international ».

En France, Coop.fr organise ce 15 février un colloque à l’Assemblée nationale en présence de parlementaires et de représentants des candidats à l’élection présidentielle qui fera état des demandes de la coopération auprès des pouvoirs publics et du législateur ».

Coop.fr va lancer en 2012 une étude sur le poids des coopératives en région et leur contribution à la dynamique territoriale ».

En Italie, une conférence internationale se réunira à Venise les 16 et 17 mars avec pour thème une étude scientifique et théorique de la notion de coopération ».

Au niveau international, du 23 au 27 avril, Coopératives Europe, la région européenne de l’Alliance coopérative internationale, proposera, à Bruxelles, une semaine des coopératives destinées à sensibiliser les décideurs politiques européens aux problématiques coopératives ».

Du 8 au 11 octobre se déroulera à Montréal, au Québec, le Sommet international des Coopératives 2012, sous l’intitulé « L’étonnant pouvoir des coopératives ».

Du 30 octobre au 2 novembre, l’Alliance coopérative internationale tiendra son congrès à Manchester, en même temps que s’y déroulera un Salon international des coopératives. Une manière de clore l’Année internationale des coopératives sur les lieux, où, à Rochdale, à proximité de Manchester, le mouvement coopératif est né en 1844 ».

Mettre en crise la pensée unique

Nord-social.info : le mouvement coopératif apparaît comme très divisé. N’est-ce pas l’un de ses problèmes ?

Felice Scalvini : « Effectivement. Le mouvement coopératif italien, par exemple, était très fragmenté. Les choses ont évolué ces dernières années. Cette année 2012, en Italie, sera créée une organisation unique représentative de l’ensemble du mouvement coopératif ».

« Avoir la même dynamique dans différents pays serait très utile. Cela permettrait de lutter contre la sectorisation du mouvement et de rassembler ses forces afin d’en accroître les capacités d’intervention et d’influence sur la société ».

Nord-social.info : comment construire cette force du mouvement coopératif ?

Felice Scalvini : « On sent une montée de la conscience que le mouvement coopératif peut être une alternative. Il faut utiliser ce moment ».

« Il faut parvenir à enseigner les réalités et les atouts du mouvement coopératif dans les écoles de commerce, dans les universités afin de mettre en crise la pensée unique qui a présidé pendant plusieurs décennies à la formation des managers dans le monde entier ».

« Aujourd’hui, peu de managers comprennent l’esprit et les pratiques du mouvement coopératif. Pour préparer l’avenir, celui-ci doit, soit réussir à créer une école du management coopératif, soit introduire l’idée de la bio diversité managériale dans les entreprises ».

Nord-social.info : si vous insistez sur une nécessaire unification du mouvement coopératif, c’est que vous considérez qu’aujourd’hui, il est à la fois divisé et très divers ?

Felice Scalvini : « En Europe, il y a 250 millions de coopérateurs. Mais, les formes et réalités coopératives ne sont pas les mêmes dans tous les pays. Les coopératives de travail se trouvent, essentiellement, en Italie, en Espagne, en France. Dans le nord de l’Europe, en Suède, au Danemark, en Allemagne, en Suisse, le mouvement coopératif est particulièrement développé à travers la coopération agricole, ou bien encore les coopératives de consommateurs. En France, on peut noter l’importance prise par les banques coopératives ».

Pour lire le texte original, on va sur le site de Nord-social.info