Par Catherine Caron d’ATTAC-Québec et Martine Chatelain d’Eau Secours. Le 16 février dernier, questionné par le député Pierre Curzi au sujet de l’Accord économique et commercial global (AÉCG) entre le Canada et l’Union européenne (UE), le premier ministre Jean Charest affirmait que l’eau était protégée dans cet accord. À répétition, il fait mine de ne pas savoir que les préoccupations des élus et de la société civile à cet égard concernent les services publics de l’eau, pas l’eau en tant que ressource naturelle dont il nous parle. Cette confusion sciemment entretenue a assez duré.
Les nouveaux documents qu’a obtenus et rendu publics le Réseau québécois sur l’intégration continentale en janvier (les offres du Canada en matière de services et d’investissement) confirment, entre autres, que les services de l’eau (potable et traitement des eaux usées) sont toujours sur la table de négociations.
Pour éviter d’en parler, il y a l’esquive manière Charest, technique assez méprisante merci vue l’importance des enjeux. Et il y a cette façon qu’ont toujours les gouvernements et les négociateurs de se montrer rassurants en répétant que cet accord ne change rien au fait que les pouvoirs publics locaux décident et continueront de décider de garder public ou non un service municipal, d’aller ou non en sous-traitance, etc. Ce n’est pas faux, mais on peut débattre du fait que cela ne se fait pas toujours très démocratiquement. Par exemple, la majorité des Montréalais ont-ils choisi l’ingérence éhontée et coûteuse du privé à la Ville de Montréal ? Et, surtout, de multiples facteurs poussent en faveur du privé, notamment le financement public fédéral conditionné à la réalisation de partenariats public-privé concernant les services de l’eau.
Ainsi, une fois qu’une ville finira par confier au privé un service qui n’aura pas été protégé dans ces négociations, l’AÉCG la liera bel et bien. Elle verra son pouvoir de légiférer sérieusement affaibli. Les multinationales européennes devront avoir accès à ce « marché ». Elles le feront dans leur propre intérêt, bien avant le nôtre, et selon des règles strictes que nous n’avons pas débattues et choisies collectivement. De surcroît, s’il s’avère plus tard que la privatisation d’un service est un échec, et les exemples de cela abondent, un tel accord rendra quasi impossible le retour à la gestion publique.
Le Conseil des Canadiens et le Syndicat canadien de la fonction publique (« Un accord truffé d’omissions », 26 janvier 2012) confirment que « le texte que nous avons vu ne laisse aucune place à l’adoption de nouveaux services publics ou à la restauration de services » (p.2). On est bien sur l’autoroute de l’anéantissement programmé des services publics. De plus, les investisseurs européens obtiendront « de nouveaux droits de poursuivre les administrations locales s’ils considèrent qu’une politique menace leurs profits » (p.4), concernant plusieurs services municipaux non protégés. Avons-nous jamais voté pour ça ?
La seule façon de vraiment protéger les services de l’eau et les services publics en général est d’exiger leur exemption complète et permanente dans l’AÉCG ainsi que l’exclusion des marchés publics par lesquels les multinationales européennes cherchent aussi à mettre davantage le pied dans la porte. Il est urgent de le faire et cela ne signifie aucunement se refermer sur soi-même. C’est affirmer que nous n’avons pas à nous soumettre à des règles commerciales concoctées en secret pour assurer le profit privé de quelques-uns au détriment de notre souveraineté et du bien commun.
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