Le vieillissement accéléré de la population est devenu un thème récurrent dans le débat public. En raison du poids de la cohorte des babyboomers, on assiste à une croissance importante de la population âgée, donc à un vieillissement accéléré de la population. Le départ massif pour la retraite d’un groupe d’âges surreprésenté dans la population active pose en lui-même des défis particuliers, défis dont l’ampleur est accrue parce que qu’ils se conjuguent à deux autres phénomènes démographiques : une longévité accrue de la population et une diminution tendancielle du taux de natalité.
Si la situation québécoise a ses particularités, les enjeux démographiques qui confrontent notre société ne sont cependant pas uniques au Québec, loin de là. Ce phénomène touche toute la planète, quoiqu’il soit plus ou moins avancé selon les pays. C’est ce que je cherche à démontrer dans la première de deux notes d’intervention de l’IREC portant sur Les enjeux du vieillissement : les perspectives démographiques. Dans les pays du Sud, le phénomène en n’est qu’à ses débuts mais devrait prendre une grande importance dans les prochaines décennies. Le démographe Gilles Pison parle de ce phénomène comme une transition démographique, l’humanité passant d’un régime démographique caractérisé par une fécondité et une mortalité élevées à un nouveau régime ayant une fécondité et une mortalité faibles. Dans ce nouveau régime, vers lequel s’achemine la population mondiale, un quart de population aurait moins de vingt ans et un autre quart aurait plus de 65 ans. Dans ce régime, le ratio de soutien démographique, qui mesure le nombre de personnes en âge de travailler pour chaque personne de plus de 65 ans, se situerait donc autour de 2.
Cette évolution est observable dans la plupart des pays du Sud, où la fécondité a connu une chute très significative dans un laps de temps très court alors que la proportion de personnes âgées, relativement faible, restaient à peu près la même. Conséquence : la part de la population en âge de travailler a été, et reste encore aujourd’hui, particulièrement élevée. On peut constater, dans les graphiques de la figure 1, que ce que nous appelions jusqu’à maintenant la « pyramide des âges » se transformera dans les prochaines décennies pour devenir une sorte de « cylindre des âges », ou même une « toupie », lorsque la base de la pyramide se rétrécira trop. Seul un petit nombre de pays (comme le montre le cas du Nigéria) seulement s’écarteront de ce régime.
C’est dans ce contexte qu’il faut situer le vieillissement de la population au Québec. Lorsque nous regardons les tendances démographiques sur le long terme dans un contexte mondial, nous constatons que le Québec est en phase avec ce qui va se passer ailleurs. Nous allons vivre une transition démographique qui se rapproche de celle de la moyenne des pays industrialisés. On le constate dans le prochain graphique. Lorsqu’on intègre les données québécoises tirées des prévisions démographiques 2006-2056 (un ratio de 4,1 en 2006 et de 1,9 en 2056) dans ce graphique, on remarque que le Québec se compare plutôt bien. Tant dans le panneau de gauche (données d’aujourd’hui) que de droite (les prévisions pour 2050), le Québec se retrouve légèrement sous la valeur moyenne des pays de l’OCDE. La plupart des pays développés de l’Europe, en particulier ceux de l’Europe du Nord, ont un ratio plus faible que le Québec en 2008 (panneau de gauche). Par ailleurs, comme le prédit Gilles Pison, ce graphique nous montre qu’on devrait assister au cours des quarante prochaines années à une forte convergence des ratios des principaux pays de l’OCDE. En 2050, la moyenne du ratio de soutien démographique des pays membres de l’OCDE sera de 2,1. À cette date, 13 des 35 pays membres devraient avoir un ratio sous la barre de 2. Avec 1,9, le ratio du Québec se situe encore une fois très près de la moyenne.
Dans une couple de semaines, la 2e partie de cette note abordera de façon plus détaillée les enjeux socioéconomiques du vieillissement au Québec.
À titre de consultant, je termine la rédaction d’un portrait de l’enjeu du vieillissement de la population du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Le produit final s’appuie évidemment sur des données régionales mais également québécoises et canadiennes. J’en tire comme conclusion qu’il y lieu de s’inquiéter, mais qu’il n’a pas lieu de paniquer pour autant. La situation que vit le Québec est particulière, mais elle était aussi annoncée.
Tout indique encore une fois que le vieillissement accéléré touchera les aînés les plus pauvres, d’où l’importance de politiques publiques solides, d’où l’importance de freiner l’ardeur de ceux qui prétendent que nos vieux représenteront un fardeau.
J’ai lu avec grand intérêt la note dont vous parlez dans ce billet. À la page 3, vous mentionnez fort pertinemment que le dernier scénario de l’ISQ est beaucoup moins négatif que le précédent. J’ai soulevé la même question dans un billet publié il y a quelques semaines, «Démographie et vieillissement», au http://jeanneemard.wordpress.com/2012/02/06/demographie-et-vieillissement/. J’y mentionnais en plus que les données réelles depuis l’année de base de ce scénario (2006) sont encore plus positives et suivent davantage le nouveau scénario fort que le nouveau scénario de référence.
Cette observation est importante, car, si les données réelles continuent à suivre ce scénario (je prévois dans ce billet que, si la fécondité et le solde migratoire se maintiennent, elles devraient plutôt évoluer à mi-chemin entre le scénario de référence et le scénario fort), les impacts du vieillissement, quoique toujours importants, le seront bien que certains le prétendent, comme vous le mentionnez dans votre note. Comme vous le voyez, mon billet va dans le sens de votre analyse et va même un peu plus loin!
@ Darwin
Effectivement, votre billet va plus loin dans l’analyse des prévisions statistiques. Excellent. Dans quelques jours l’IREC va publier la 2e partie de ma note, où je poursuis ma réflexion sur les enjeux socio-économiques du vieillissement. Nous reconnaissons tous que les enjeux sont réels, mais 1) la fin du monde n’est pas pour demain et 2) il faut agir intelligemment pour créer les conditions favorables.