Après plus de trois ans de pourparlers, un accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union Européenne devrait être conclu très bientôt, peut-être avant l’été 2012. De forts signaux de la part des responsables politiques semblent indiquer que les derniers éléments de discorde sont sur le point d’être résolus.
L’Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC) a récemment obtenu copie des derniers documents de travail des négociateurs, datés de février 2012. Les nouveaux éléments qu’ils contiennent permettent une investigation au moins sommaire des offres de la Commission européenne.
Les offres de l’Europe
Les documents de négociations témoignent de la volonté de l’Europe de protéger de nombreux secteurs. La délégation européenne n’a pas hésité à poser ses conditions et à formuler des réserves : dans ses offres, on retrouve 144 pages de réserves portant sur les mesures existantes en plus de 98 pages supplémentaires contenant les réserves qui portent sur les futures mesures. Ces dernières ont pour objectif de protéger la capacité des États membres et de l’UE à prendre de nouvelles mesures législatives.
Les représentants de l’Union Européennes ont formulé des réserves en matière, notamment, de gestion de l’eau, de santé, d’éducation et de services sociaux. Certaines autres portent plus spécifiquement sur les monopoles publics, comme les services de poste.
L’étude des offres déposées par la Commission européenne est éclairante à plusieurs égards. Elle permet de constater que l’Union Européenne prend au sérieux les risques les plus graves de cet accord. Les négociateurs canadiens ne devraient-ils pas s’en inspirer? Plusieurs de ces réserves ne se trouvent pas dans les offres du Canada et du Québec, ce qui soulève de nombreuses questions.
Le Québec y trouvera-t-il son intérêt?
Lors d’un passage à l’Assemblée nationale, le négociateur en chef pour le Québec avait ciblé quatre objectifs pour le Québec soit, un accès au marché de l’UE par l’élimination des barrières tarifaires et non-tarifaires, la mobilité des travailleurs, la réciprocité d’accès aux marchés publics de l’UE et l’augmentation des investissements directs en provenance de l’Europe.
D’abord, il est faux d’affirmer que les entreprises québécoises auront accès à un nouveau marché de 500 millions de consommateurs puisqu’il est déjà largement ouvert. Il semblerait que les produits lourdement tarifés le demeureront et que le niveau général des taxes douanières, déjà peu élevé, ne baissera que légèrement. Il est difficile également de voir comment nos entreprises pourraient tirer profit de l’ouverture des plus importants marchés publics européens, déjà accessibles à 84%. En contrepartie, il est très probable que nos entreprises perdent de précieux contrats du gouvernement si ce dernier accepte de se plier aux exigences des Européens. La section sur la mobilité de la main d’œuvre peut être prometteuse, mais il faudra attendre la fin des négociations pour en arriver à une entente. Finalement, en matière d’investissements directs étrangers, il faut rappeler qu’un tel accord n’aurait qu’un impact limité sur l’arrivée de nouveaux capitaux.
Les responsables politiques font preuve d’une naïveté inquiétante en faisant la promotion de cette entente. Le gouvernement du Québec doit faire une analyse rigoureuse et objective des avantages et des inconvénients de l’AÉCG avant d’accepter de le ratifier et de le mettre en œuvre. Il faudra également qu’il se questionne sur son rôle dans ces pourparlers. Est-il possible que cette place réservée aux provinces n’ait été qu’un prétexte pour faire davantage de concessions dans les champs de compétences du Québec? La question se pose.
On peut accéder à la version longue de ma note d’intervention en allant sur le site de l’IREC.
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