L’auteure invitée est Christine Gilliet, collaboratrice au journal Ensemble.
La Côte-Nord recèle de trésors sauvages qui se trouvent rarement sur les étals ou dans les assiettes. Pourtant, la demande existe pour ces petits fruits et champignons, le marché est en expansion et des producteurs régionaux exploitent déjà ces ressources, bon an mal an. Mais, principal frein, la main-d’œuvre fait défaut et il faut faire face à la forte concurrence des autres régions du Québec. Pour développer ce secteur, la création d’une coopérative en Côte-Nord est en marche, pour partager la main-d’œuvre, transformer les bioressources et les mettre sur le marché. De quoi être fier de ce patrimoine naturel, car pour la population c’est aussi un enjeu.
Petits fruits contre Plan Nord
Ce projet s’intègre bien aux conditions du marché des bioressources qui augmente annuellement de 6 %. Il répond à la demande de consommateurs avertis pour des produits de qualité, naturels, biologiques ou du terroir. En termes d’enjeux socioéconomiques, la Haute-Côte-Nord devra trouver des moyens pour retenir sa population, surtout les jeunes, et freiner le déclin démographique. Les perspectives d’emplois liés au Plan Nord risquent de favoriser la migration des travailleurs.
Quant aux nombreux travailleurs saisonniers, liés aux activités forestières et touristiques, leur précarité risque de s’accroître avec la suppression annoncée et progressive des projets pilotes de l’assurance-emploi. «Il est donc important d’améliorer leur qualité de vie en leur offrant des emplois à l’année avec des salaires compétitifs. Développer le secteur des bioressources, c’est créer une économie de proximité et soutenir le développement diversifié et durable», explique Jacqueline Girard, analyste financière de la SADC Haute-Côte-Nord.
De la cueillette à la mise en marché
Des bioressources, il y en a 600 espèces recensées dans les forêts de la Côte-Nord. Les promoteurs du projet ont ciblé 22 espèces à exploiter, des espèces abondantes et à fort potentiel sur le marché. Parmi elles, citons la camarine noire, le bleuet, les bolets, la chicoutai, la canneberge, le thé du Labrador, le champignon Matsutaké et le sapin baumier. Des fiches signalétiques réalisées pour chaque bioressource regroupent sa localisation GPS et ses quantités disponibles sur le territoire, ainsi que des techniques de conservation, de protection et de transformation.
La coopérative de solidarité sera basée en Haute-Côte-Nord avec des points de service en Côte-Nord. «Le premier volet offrira un service de recrutement et de partage de la main d’œuvre saisonnière aux entreprises de la Haute-Côte-Nord, Manicouagan, Sept-Rivières et Minganie. Les producteurs de bioressources pourront recourir à ce service autant que des entreprises d’autres secteurs, comme la forêt et la pêche», explique Nawel Hamidi, la chargée de projet. Le volet main-d’œuvre de la coopérative prévoit d’organiser le transport et l’hébergement de ses membres travailleurs pour les rendre mobiles et répondre aux pics de la saison de cueillette. Les cueilleurs recevront une formation pour reconnaître les bioressources et utiliser un GPS. La coopérative s’inspire du modèle des CUMO (coopérative d’utilisation de la main-d’œuvre). Pour être rentable, elle devra compter parmi ses membres producteurs un minimum de trente d’entreprises de la Côte-Nord pouvant souscrire un volume moyen de 800 heures de services par an.
Pour le deuxième volet, la coopérative vise la transformation des bioressources et l’offre aux entreprises de la Côte-Nord de services de commercialisation et de mise en marché de leurs produits. Ces derniers devront se tailler une place sur un marché déjà très concurrentiel. Les marchés ciblés sont ceux du tourisme et de l’industrie bioalimentaire. Les touristes demandent à goûter à la diversité des produits régionaux chez les restaurateurs ou à les acheter sur place. Les bioressources offrent plusieurs options de transformation, de la conservation à la production de produits tels que confitures, extraits, marinades, alcools, cosmétiques et médicaments. «Le volume récolté des bioressources est actuellement insuffisant pour assurer le développement de nouvelles entreprises de transformation», commente Adrien Gagnon, analyste financier au CLD de la Haute-Côte-Nord.
Une valeur de patrimoine
Ce projet est accompagné par la Coopérative de développement régional du Bas-Saint-Laurent /Côte-Nord. Il arrive à l’étape de son financement et du recrutement d’une ressource humaine chargée du démarrage et du fonctionnement de la coopérative. D’ici quelques mois, monsieur Jean pourrait cueillir les bleuets, madame Claire du thé du Labrador et Kevin ira rejoindre les plants de champignons en canot. Avec la mise en lien de la coopérative et des producteurs, ce travailleur saisonnier de l’industrie touristique, cette jeune retraitée et cet étudiant allongeront leur temps de travail annuel et amélioreront leur budget.
«Ils pourront apprendre à connaître leurs bioressources, leurs forêts, et à les préserver. Avec la visibilité des produits sur les marchés, ils pourront être fiers d’avoir contribué à la cueillette», ajoute Nawel Hamidi. Car l’objectif de la coopérative est aussi de connecter la population aux racines et aux richesses naturelles de la région, que les Nord-Côtiers gardent leurs terres et deviennent des ambassadeurs de leur patrimoine naturel.
Pour lire le texte original, on va sur le site du journal Ensemble
Discussion
Pas de commentaire pour “Main d’œuvre et bioressources – Sortir du bois”