On assistera cet automne au début d’une autre ronde de négociations dans l’administration et les services publics du Québec (réseau de la santé, secteur de l’éducation et fonction publique). Celle-ci engagera 475 000 salariés réunis dans le plus grand front commun syndical jamais constitué dans le secteur public et parapublic québécois, plus large encore que celui qui ébranla le gouvernement Bourassa en 1972. Outre les centrales CSN, CSQ et FTQ, ce front commun regroupe les fonctionnaires provinciaux et les fédérations professionnelles sectorielles membres du Secrétariat intersyndical du secteur public (SISP).
Ces négociations retiennent l’attention non seulement à cause du nombre de salariés touchés mais aussi à cause de leurs effets éventuels sur les finances publiques du Québec. Les demandes salariales du Front commun sont déjà connues : une augmentation annuelle de 3,75 % pour un contrat de trois ans (ce qui comprend 1,75 % de rattrapage salarial et 2 % de protection du pouvoir d’achat).
Comme à chaque fois, ces négociations soulèvent un débat auprès de l’opinion publique. Déjà en mai dernier, alors que le Front commun dévoilait sa proposition salariale pour fin de consultation dans ses rangs, le chroniqueur de La Presse, Alain Dubuc, lançait de hauts cris d’indignation : « Nous sommes au cœur d’une récession mondiale… Il y a des gens qui ne semblent pas être au courant, comme des Martiens qui viendraient de débarquer sur Terre… Ces Martiens, ce sont les dirigeants des syndicats du secteur public québécois… Ils s’apprêtent à réclamer des hausses salariales de 11,25% sur trois ans, c’est beaucoup. Au cœur d’une récession qui frappe l’État de plein fouet, c’est franchement folichon.».
Il y a lieu de rappeler qu’en décembre 2005, alors que le Québec (comme l’économie mondiale) se retrouvait cette fois dans un contexte de croissance, le gouvernement Charest adoptait un décret qui mettait un terme aux dernières négociations dans le secteur public. Le décret imposait une convention collective de six ans (2004 à 2009 inclusivement), avec un gel des salaires pour les deux premières années et une augmentation annuelle de 2 % pour les quatre autres années.
Comme ce n’était pas la première fois que le gouvernement utilisait la loi contre ses employés, les conditions salariales de ces derniers se sont dégradées avec les années. En 2008, l’Institut de la statistique du Québec établissait que les employés du secteur public québécois accusaient en moyenne un retard salarial de 7,7 % par rapport à l’ensemble des salariés québécois et de 5,2 % par rapport à ceux du secteur privé. À cela, il faut ajouter que la prétendue sécurité d’emploi mur à mur des employés de l’État ne correspond pas vraiment à la réalité. En effet, 36 % de ceux-ci sont occasionnels, temporaires ou sur appel et ne bénéficient donc d’aucune sécurité d’emploi. Et parmi ceux qui en bénéficient, 25 % sont à temps partiel.
On ne peut pas rogner indûment sur les conditions de travail, même en invoquant la raison d’État, sans mettre en cause la motivation et la mobilisation des salariés. Par exemple, dans le réseau public des services de santé, les employeurs se retrouvent aujourd’hui avec un problème de recrutement et de rétention de personnel qualifié.
Jean-Robert Sansfaçon, émettait en mai dernier un point de vue fort différent de son collègue de La Presse. « Pour la première fois depuis longtemps, écrivait-il, les centrales syndicales feront front commun lors de la prochaine ronde de négociations dans le secteur public et parapublic. Compte tenu des disparités qui se creusent entre les différentes catégories d’employés, le gouvernement ne pourra s’en prendre qu’à lui-même si ces négociations tournent au vinaigre. » Rappelant les décrets de 2005, l’éditorialiste poursuivait : « Compte tenu du jeu habituel de la négociation, on ne peut pas prétendre que les demandes initiales présentées par le Front commun sont extravagantes… Une chose est certaine : Québec serait très mal venu de geler les salaires de ses employés malgré la situation économique difficile ».
Le Front commun déposera officiellement ses demandes aux représentants du gouvernement du Québec le 30 octobre prochain. C’est après cette date que les négociations s’amorceront. Les syndicats visent un règlement de leurs conventions collectives pour avril 2010.
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