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Le samedi 23 avril 2022

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Y a-t-il des riches au Québec ?

L’auteur invité est Darwin, l’un des animateurs du blogue Jeanne Emard (J’en ai marre, et vous?).

Lorsqu’on parle d’ajouter des paliers d’imposition, on entend souvent dire que cela ne vaut pas la peine, car il n’y a pas assez de riches au Québec. Comme l’a si bien dit Anne Archet dans un de ses succulents billets (Les économistes, ça n’existe pas), après avoir écouté une entrevue avec Pierre Fortin et Claude Montmarquette (entrevue que j’ai aussi écoutée à l’époque et qui n’est malheureusement plus disponible…) :

« J’ai appris un tas de choses, notamment qu’il n’y a pas de riches au Québec. Les riches, c’est quelque chose qu’on trouve aux États-Unis — ou peut-être en Ontario et en Alberta, à la rigueur. »

Sauf que j’ai déjà entendu des droitistes des États-Unis dire que cela ne valait pas la peine chez eux non plus d’augmenter les impôts des riches, car ça ne règlerait pas le problème de la dette… Bref, pour certains, il n’y aura jamais assez de riches et ils ne le seront jamais assez pour que ça vaille la peine d’augmenter leurs impôts!

Cela dit, y a-t-il si peu de riches que ça au Québec?

Évolution du nombre de riches au Québec

Lorsque le ministère des Finances du Québec a diffusé son document Statistiques fiscales des particuliers – 2009 il y a quelques semaines, je me suis amusé dans un premier temps à regarder si le nombre de contribuables gagnant 250 000 $ par année avait augmenté. Après tout, 2009 ayant été une année de récession, je me suis dit que leur nombre avait peut-être diminué (ce n’est même pas vrai, je ne me suis jamais demandé ça, ce n’est que de la rhétorique!)… Or, j’ai constaté avec surprise (pas vraiment…) que leur nombre est passé de 29 022 en 2008 à 35 176 en 2009, soit une hausse de 21,2 % en un an (alors que le nombre total de contribuables n’a augmenté que de 2,3 %)! Et, je le répète, c’était une année de récession! En plus, cette forte hausse ne résulte pas d’un simple transfert des contribuables qui ont gagné entre 200 000 $ et 250 000$, car le nombre de ces derniers a augmenté de 8,5 %. De même le nombre de ceux qui ont gagné entre 150 000 $ et 200 000$ a augmenté de 5,8 %…

Alors, je me suis dit que, peut-être, il y en avait encore moins il y a une dizaine ou quinzaine d’années. Je me suis aussi dit que, pour ne pas comparer des pommes avec des oranges, je devrais tenir compte de l’inflation. J’ai donc calculé en quelle année un revenu de 200 000 $ équivalait à 250 000 $ en 2009. Ça m’a donné 1997 (250 000/200 000 = 1,25 et le rapport entre les indices des prix à la consommation de ces années pour le Québec donne 113,4/90,8 = 1,249, selon le tableau 326-0020 de Statistique Canada).

En 1997, il y avait 15 154 contribuables qui gagnaient au moins 200 000 $. Leur nombre a donc augmenté de 132 % en 12 ans (35176/15154 = 2,32)! Bon, cette comparaison n’est pas juste, car il y avait moins de contribuables en 1997 qu’en 2009. Disons plutôt qu’ils sont passés de 0,29 % des contribuables à 0,57 %, soit proportionnellement 95 % de plus!

Pas assez convaincant? Bon, en 1997, ils amassaient 4,25 % de tous les revenus du Québec et 7,96% en 2009, soit 88 % de plus! En tout cas, s’il n’y a pas beaucoup de riches au Québec, il y en a de plus en plus et ils gagnent une part toujours croissante des revenus!

Et au Canada?

En 2009, 0,76 % des contribuables du reste du Canada gagnaient au moins 250 000 $, soit proportionnellement 34 % de plus qu’au Québec. Ils amassaient 10,5 % des revenus de ces régions lointaines, soit 31 % de plus qu’au Québec. Bref, il est vrai qu’il y a plus de riches dans le reste du Canada qu’au Québec, mais pas tant qu’on pourrait l’imaginer! Et gagnant en moyenne 11,8 % de plus, ils ne sont pas beaucoup plus riches que les nôtres!

Mais, en avons nous assez pour que l’ajout de paliers d’imposition rapporte suffisamment pour que ça vaille la peine?

Proposition du PQ

Dans un surprenant virage à gauche, le PQ a récemment proposé d’ajouter deux paliers d’imposition. Si je me fie à de Gérald Fillion, cela rapporterait 575 millions $. Même si cette somme est tout de même loin d’être négligeable (c’est le triple du coût d’un gel des droits de scolarité…), ce calcul semble la sous-évaluer nettement. On y dit en effet qu’il y a 28 952 contribuables qui gagnent au moins 250 000 $. Or, même en 2008, il y en avait un peu plus! En 2009, il y en avait, je le rappelle, 35 176, soit 21,5 % de plus que le nombre utilisé dans ce calcul. Si la tendance s’est maintenue, il devrait en avoir autour de 50 000 ou 60 000 en 2012! Ces deux paliers d’imposition additionnels devraient donc rapporter pas mal plus que 575 millions$!

Quelques caractéristiques de nos riches

Voici quelques données sur les contribuables qui ont gagné 250 000 $ et plus en 2009. Il faut garder en tête qu’ils représentaient 0,57 % des contribuables, avaient touché 8,0 % des revenus déclarés et payé 12,4 % des impôts. Ils ont déclaré :
• 4,3 % des revenus d’emploi (ces revenus représentent 33,5 % de leur revenus totaux, par rapport à 65,1 % pour les autres contribuables);
• 42,9 % des gains en capital;
• 38,3 % des dividendes;
• 39,7 % des revenus d’entreprises.

Ils ont aussi bénéficié de :
• 51,6 % des déductions pour gains en capital;
• 41,2 % des déductions pour dividendes.

Il est important de bien comprendre les conséquences de la proportion démesurée des gains des riches en gains en capital et en dividendes. Ces deux types de revenus bénéficient en effet d’un traitement fiscal particulier. Tout d’abord, il faut savoir que les gains en capital ne sont imposés qu’à 50 % et que c’est seulement ce 50 % qui est déclaré dans les revenus. Si on tenait compte entièrement des gains en capitaux, le revenu de nos riches augmenterait en moyenne de 5,8 %!

En outre, ces riches ont aussi bénéficié démesurément des déductions pour gains en capital accordés pour la vente (aliénation, en termes fiscaux) des «biens agricoles admissibles, des biens de pêche admissibles, des actions admissibles de petite entreprise ou certains biens relatifs aux ressources». Au bout du compte, les riches ne paient de l’impôt que sur le tiers (33,6 %) de leurs gains en capital!

La situation du traitement fiscal des dividendes est plus complexe et dépend du type de dividende (voir Montant imposable des dividendes de sociétés canadiennes imposables et Crédit d’impôt pour dividendes). Disons seulement que, au bout du compte, ces revenus sont imposés au 2/3 ou au 5/6 de leur valeur, selon le type de dividende. Encore ici, on a vu que cet avantage fiscal bénéficie de façon démesurée aux plus riches.

Et alors…

Je m’excuse du nombre effarant de chiffres que contient ce billet. Je considère toutefois essentiel de les regarder de façon attentive pour pouvoir bien savoir de quoi on parle et évaluer correctement les affirmations qu’on entend un peut partout sur l’absence de riches au Québec. Vrai, on ne pourrait pas régler tous les problèmes de la société en les imposant davantage, ce que personne ne prétend de toute façon. Toutefois, l’ajout de paliers d’imposition à leur intention et l’annulation du traitement fiscal avantageux pour les gains en capitaux et les dividendes permettrait à la fois d’obtenir des sommes substantielles et rendre le système fiscal plus équitable.

Et, je n’ai parlé que des sommes déclarées par les riches, pas de l’évasion fiscale, ni des paradis fiscaux…

Pour lire le texte original, avec les nombreux hyperliens, on va sur le blogue de l’auteur.

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