Dans une note de recherche de l’IREC publiée la semaine dernière, nous avons approfondi notre enquête portant sur le rôle de la Caisse de dépôt et placement dans le développement des énergies fossiles au Québec et au Canada. Si la note précédente cherchait à décrire la place qu’occupe la Caisse dans la structuration du complexe des sables bitumineux de l’Ouest canadien, cette note s’est attachée à exposer et analyser les stratégies de soutien à la filière du gaz de schiste au Québec. Cette filière, on le sait, est actuellement au cœur d’un important débat de société au Québec, débat où des enjeux écologiques, économiques et énergétiques majeurs sont en cause. À travers l’analyse des placements qu’a effectués notre « bas de laine » dans cette filière sale, nous avons cherché à recomposer le modèle de développement que la Caisse cherche à défendre dans le secteur énergétique.
Les placements de la Caisse dans la filière gazière sont de deux ordres. D’abord dans la prise de position dans le capital d’entreprises spécialisées dans l’exploration et l’extraction de gaz de schiste. La plus importante d’entre elles est la transnationale Talisman Energy. En date de décembre 2011, la Caisse détenait 27 001 437 actions de Talisman, soit 2,62 % des actions en circulation. Cette part faisait de la Caisse le sixième actionnaire en importance dans l’entreprise. La Caisse est aussi active au sein du capital de Junex Inc., où elle détenait en décembre 2010 un bloc de 2 845 481 millions d’actions. Ce bloc représentait alors des actifs d’une valeur de 3,3 millions $ et une détention structurante de 6,4 % des actions de l’entreprise. Ces placements situaient la Caisse au quatrième rang des actionnaires de Junex.
Ensuite, la Caisse soutient le développement de la filière gazière en étant actionnaire majoritaire de la société Gaz Métro, qui détient le plus important réseau de distribution de gaz naturel au Québec. C’est ici qu’un pan important de la stratégie de développement de la Caisse se révèle : cette participation importante dans Gaz Métro se réalise en partenariat avec Enbridge, qui se spécialise dans le transport d’hydrocarbures issus des sables bitumineux de l’Ouest canadien. Enbridge détenait en effet 39% des parts de Gaz Métro en février 2011, via la société Noverco. En retour, cette dernière détenait 9,1% des actions d’Enbridge à pareille date. En sachant que la Caisse est l’actionnaire de contrôle d’Enbridge, nous avons constaté l’existence d’un véritable cœur énergétique canadien, basé sur l’extraction et le transport des hydrocarbures « non-conventionnels », c’est-à-dire le gaz de schiste et les sables bitumineux.
Ainsi, selon nous, la propriété de Gaz Métro et le partenariat d’affaires réalisé avec Enbridge place la Caisse au centre d’un modèle de développement énergétique marqué par deux caractéristiques principales : il s’agit d’abord d’un modèle basé sur la « pétrodépendance » des économies nord-américaines. Dans le scénario où le Québec opterait, plus ou moins librement, pour le développement des puits de gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent, nul doute que le réseau de distribution de Gaz Métro servira d’infrastructure de transport. En appuyant ce modèle, la Caisse se place ainsi non seulement en porte-à-faux avec une part croissante de la société québécoise qui rejette l’établissement de cette filière sale dans la vallée du Saint-Laurent, mais est en contravention avec la Stratégie environnementale du gouvernement du Québec, qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ensuite, ce modèle de développement a une seconde caractéristique : loin de servir la souveraineté énergétique du Québec, il est au contraire basé sur le principe d’une intégration continentale du marché de l’énergie. Les produits financiers – dont les produits de couverture – jouent là un très grand rôle. En ce sens, le partenariat Caisse de dépôt et placement – Enbridge est axé sur les activités de courtage énergétique, qui font peu de cas des frontières politiques ainsi que des « externalités » environnementales des sources d’énergie qui alimentent le marché.
L’implantation de ce modèle de développement énergétique, à la fois « pétrodépendant » et axé sur l’intégration continentalisée d’un marché de l’énergie, ne s’est pas réalisée seule. En fait, des choix stratégiques ont été réalisés au Québec depuis 1996 à la tête d’institutions publiques décisives dans les orientations du modèle. Au fil de notre enquête, en effet, nous avons pu relever que plusieurs dirigeants issus du secteur gazier et pétrolier ont circulé à la tête d’Hydro-Québec et de la Caisse, modifiant substantiellement sur leur passage les dispositifs de mise en œuvre de la stratégie énergétique du Québec. En fait, sur la base d’une analyse de cette circulation des dirigeants au sein d’institutions publiques névralgiques, nous avons pu identifier là certains des motifs pour lesquels la reconversion écologique de la base énergétique du Québec tardait tant à se mettre en place.
La base énergétique tardait tant à se mettre en place.Ce ci est tellement vrais!Le Québec se targe d’être producteur d’électricité,mais à part le métro rien dans les transport en commun n’est électrique,depuis des lunes, on aurais dû avoir sur les ligne est-ouest de Montréal des bus ou tram électrique. Encore plus tram électrique pour traverser le pont Champlain.Du moins le prévoir lors de l’élaboration des plans.