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Le samedi 23 avril 2022

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Élection française – Les trois gauches de François Hollande

L’auteur invité est Christian Chavagneux, journaliste à Alternatives Economiques.

En s’inspirant dans son programme à la fois de Mendès France, de Rocard et de Mitterrand, le candidat socialiste cherche à se poser en héritier de trois grandes cultures de son camp.

Une lecture détaillée du programme du candidat socialiste montre que celui-ci tente de se poser comme l’héritier de trois grandes cultures de son camp : la gauche morale de Pierre Mendès France, la gauche gestionnaire et décentralisatrice de Michel Rocard et la première gauche, celle de François Mitterrand, qui croit fermement dans l’action économique de l’Etat et veut lutter contre les abus de pouvoir des puissants.

La gauche Mendès

La volonté du candidat socialiste de se présenter comme  » normal  » ne fait pas seulement référence aux différences de personnalité qu’il entend mettre en avant avec le président sortant. François Hollande veut s’afficher comme le représentant d’une gauche morale, ce qui donne lieu à des mesures symboliques comme l’annonce d’une baisse du salaire du chef de l’Etat, censée faire contraste avec la hausse de 172 % que s’est octroyée l’actuel locataire de l’Elysée.

On trouve aussi des mesures de portée plus politique, comme le refus de laisser au président le soin de nommer les patrons de l’audiovisuel public ou la volonté de laisser la justice faire son travail de manière indépendante. On peut classer dans le même ordre d’idées une mesure rarement commentée, celle qui impose un écart maximal de rémunération de 1 à 20 dans les entreprises publiques, dont les modalités concrètes d’application restent encore floues.

La gauche Rocard

Trois idées fortes de la  » deuxième gauche  » sont aussi très présentes dans le programme de François Hollande. La première consiste à relancer le processus de décentralisation. Sur le plan économique, cela signifie un engagement de l’Etat à ne plus chercher à réduire ses dotations aux collectivités locales et la mise en oeuvre d’une réforme de la fiscalité pour leur donner davantage de ressources.

Les régions sont également censées être un des piliers du renouveau de la politique industrielle : la nouvelle  » banque publique d’investissement  » disposera de fonds régionaux et les régions elles-mêmes pourront  » prendre des participations dans les entreprises stratégiques pour le développement local et la compétitivité de la France « . Reste à savoir en quoi cela serait différent des actions locales des financeurs actuels et pourquoi les régions seraient mieux que d’autres à même de repérer les entreprises innovantes. Mais le message politique est clair et il va dans le sens d’un plus grand pouvoir décentralisé.

La deuxième idée va dans la même direction, par la promotion des partenaires sociaux comme acteurs clés du renouveau économique. Au-delà de la réunion d’une conférence économique et sociale dès l’été 2012 pour discuter des priorités du quinquennat, François Hollande veut intégrer dans la Constitution le principe d’une concertation avec les partenaires sociaux pour tout sujet concernant leur action. Il propose aussi d’assurer la représentation des salariés dans les conseils d’administration et comités de rémunération des grandes entreprises. On est encore loin de la cogestion à l’allemande, mais le projet est de renforcer la démocratie sociale.

Le candidat veut aussi, dans une lignée rocardo-jospinienne, engager une politique de gestion rigoureuse des comptes publics. Pas question d’assimiler la gauche à la dépense publique, car dépenser plus, c’est seulement mettre plus de charbon dans la même machine, or un projet de transformation sociale réclame de changer de locomotive ! L’objectif de redressement des comptes publics est clairement affiché, avec une volonté non seulement de réduire le déficit public, mais aussi de le ramener à zéro en cinq ans, le message étant qu’un Etat se doit de ne surtout jamais dépenser plus qu’il ne gagne. Certes, le programme prévoit de maintenir une croissance limitée des dépenses et compte pour y arriver sur des rentrées fiscales et un effet positif sur la croissance des mesures prises. Mais il s’agit bien de s’inscrire dans un objectif d’équilibre des comptes publics.

La gauche Mitterrand

Cependant, les propositions les plus emblématiques de la campagne de François Hollande se trouvent dans un corpus très mitterrandien, qui croit à l’efficacité de l’action économique et sociale de l’Etat et puise une partie de ses engagements dans une méfiance vis-à-vis des puissants et de la finance.

En même temps qu’il s’affiche comme décentralisateur, le candidat de la gauche entendrait être un président qui utilise tout le pouvoir de l’Etat pour transformer l’économie française. La politique industrielle est remise au goût du jour avec la création d’une banque publique d’investissement, un soutien aux petites et moyennes entreprises, un investissement dans les technologies numériques, un engagement en faveur du développement des énergies renouvelables, et on peut même y ajouter le recrutement des 150 000  » emplois d’avenir « , dont certains participeront de la politique énergétique.

De longs passages du programme sont consacrés aux politiques de formation initiale, dont l’emblématique recrutement de 60 000 fonctionnaires dans l’Education nationale, de même que les mesures d’accueil à l’école dès le plus jeune âge. Globalement, le candidat ne pense pas que les fonctionnaires ne représentent qu’un coût pour l’Etat et il ne compte pas poursuivre une politique visant à en diminuer le nombre comme orientation stratégique de redressement des comptes publics. A l’inverse, les politiques publiques en matière de logement, santé, transports, renouvellement urbain, etc., seront toutes activées.

La remise en cause du pouvoir des riches et du monde de la finance a été un des moments clés du discours du Bourget du 22 janvier dernier. Les premiers sont amenés à devenir de plus gros contributeurs de l’effort fiscal national : tranches supplémentaires de l’impôt sur le revenu à 45 % et 75 %, augmentation des taux d’imposition des plus gros patrimoines (1 % des Français), plafonnement des niches fiscales (touche environ les 5 % les plus riches), plafonnement du quotient familial (qui touche les salariés gagnant plus de six Smic), taxation des revenus du capital comme ceux du travail, et on pourrait y ajouter l’encadrement des loyers indécents. Bref, après avoir été les chouchous de la majorité actuelle, les ménages aux revenus aisés devront contribuer à un effort de solidarité par une redistribution nettement accentuée.

La finance, elle, est apparue comme une cible politique privilégiée du discours du candidat socialiste, comme elle l’a souvent été chez ses concurrents François Bayrou et Nicolas Sarkozy. Mais François Hollande lui a donné un relief particulier au Bourget avec sa fameuse harangue :  » Mon véritable adversaire, il n’a pas de nom, de visage, pas de parti, et pourtant il gouverne, c’est le monde de la finance.  » Que propose-t-il concrètement pour mettre la finance au pas ? Tout d’abord, il souhaite découper les activités des banques en plusieurs filiales, tout en les laissant au sein d’un même groupe. D’un côté, ce qui est utile au financement de l’économie devra être protégé par un capital important et pourra faire l’objet d’un sauvetage public en cas de crise. De l’autre, les activités considérées comme spéculatives ne pourront pas être financées par des ressources provenant de la banque utile à l’économie, devront faire l’objet de réglementations encadrant la prise de risques (ou seront interdites) et ne pourront bénéficier d’un sauvetage public. Hollande veut aussi remettre en cause les comportements abusifs des banques en termes de rémunération (notamment avec une interdiction des stock-options) et d’utilisation des paradis fiscaux, mais le détail des politiques en la matière devra être précisé. Il souhaite aussi rendre possible l’interdiction de produits financiers complexes susceptibles de nourrir la spéculation et les prises de risques mal maîtrisées.

Les inclassables

Finalement, difficile de classer l’engagement de diminuer de 75 % à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité française. On pourrait dire qu’elle est en même temps mitterrandienne dans sa défense de l’industrie nucléaire et jospinienne dans son faible intérêt pour un profond changement de modèle vers des modes de production, de transport, etc., plus écologiques ! De la même façon, le contrat de génération, censé offrir en même temps des emplois aux jeunes et aux seniors et qui devra faire la preuve de son efficacité, reste inclassable au regard des gauches historiques. Peut-être une façon pour le candidat de léguer aux futurs commentateurs la marque d’une gauche hollandaise !

Pour lire le texte original, on va sur le site du magazine Alternatives Economiques.

Discussion

Commentaire pour “Élection française – Les trois gauches de François Hollande”

  1. J’apprécie cette analyse combien claire. Mais, quelle sera la nouvelle politique française du nouveau président de la République pour l’Afrique francophone? Nous voulons des relations bilatérales franches. L’argent transmis dans les mallettes diplomatiques est illégal et devrait être restitué au trésor public de chaque pays donateur.

    Écrit par Sidonie Salabanzi | mai 6, 2012, 8 h 21 min

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