L’auteur invité est Éric Desrosiers, journaliste économique au Devoir.
Tout compte fait, le programme québécois de garderies à 7 $ ne fait pas seulement le bonheur des familles. Il fait aussi celui de l’économie tout entière et des finances des gouvernements en particulier, selon une étude.
Le programme universel de services de garde à contribution réduite a amené la participation de près de 70 000 mères de plus au marché du travail en 2008 au Québec, estiment Pierre Fortin, Luc Godbout et Suzie St-Cerny dans une étude de 28 pages réalisée sous l’égide de la Chaire de recherche en fiscalité et de finances publiques de l’Université de Sherbrooke. Cet ajout de main-d’oeuvre a fait augmenter le produit intérieur brut de 5,1 milliards cette année-là et a permis aux gouvernements à la fois d’engranger des revenus supplémentaires et de réaliser des économies dont le total a été supérieur aux coûts du programme lui-même.
«La dépense nette de 1,6 milliard du Québec a engendré une rétroaction budgétaire favorable de 2,4 milliards pour les deux administrations, soit 1,7 milliard pour Québec et 0,7 milliard pour Ottawa, concluent les auteurs. Autrement dit, chaque tranche de subvention de 100 $ du gouvernement du Québec [au programme de garderies] lui a procuré un retour fiscal de 104 $ et a fait cadeau de 43 $ au gouvernement fédéral.»
«Ces résultats montrent qu’il est possible, pour un programme de l’État, de concilier le développement social et la prospérité économique», a dit le professeur de fiscalité Luc Godbout en entretien téléphonique au Devoir cette semaine.
Arrivée de travailleuses
Les auteurs se basent sur leurs propres estimations ainsi que sur d’autres recherches pour établir que 41 700 mères d’enfants de cinq ans et moins ont pu se trouver un emploi à temps plein au Québec en 2008 grâce au programme public de garderies. Ils ajoutent, à ce nombre, 28 000 autres mères d’écoliers du primaire, dont une forte proportion des travailleuses moins qualifiées, qui n’auraient pas occupé d’emploi si elles n’avaient pas pris l’habitude de confier leurs enfants aux services de garde quand ils étaient plus jeunes, et qu’elles n’avaient pas la possibilité de continuer de le faire en dehors des heures d’école.
Cette augmentation du taux d’emploi des femmes attribuable au programme de garderies s’est traduite par une hausse de l’équivalent de 1,7 % de l’emploi total du Québec. Les économistes savent que l’accroissement de l’emploi mène à une expansion du produit intérieur brut (PIB) de la même proportion, soit 1,7 %, ou 5,1 milliards en 2008.
Tous ces facteurs ne manquent pas d’avoir un effet sur les revenus et les dépenses des gouvernements. On s’est fié aux données de Statistique Canada pour répartir les nouvelles mères au travail en fonction de leurs revenus et entre les familles biparentales ou monoparentales. On observe entre autres que de 70 % à 80 % de ces mères ont gagné moins de 40 000 $ en 2008.
L’étude estime néanmoins que ces nouvelles travailleuses, ainsi que la croissance économique qu’elles ont générée, a notamment permis au gouvernement du Québec de recueillir 349 millions de plus en impôts sur le revenu des particuliers, 585 millions de plus en impôts indirects, comme la TVQ ou les taxes foncières, ou encore 318 millions de plus en cotisations sociales, comme l’assurance parentale ou le Régime des rentes. L’amélioration du niveau de vie des femmes et de leur famille lui a également permis économiser, cette année-là, 116 millions en prestations d’aide sociale et environ 150 millions qu’il aurait autrement dû accorder en crédits d’impôt pour frais de garde.
Nos trois chercheurs estiment qu’au total, le programme de garderie a rapporté légèrement plus au gouvernement du Québec (1,701 milliard) que ce qu’il lui a coûté (1,646 milliard). Il a aussi fait un autre gouvernement heureux au passage, Ottawa bénéficiant de retombées positives de 710 millions, pour une «rétroaction budgétaire globale» pour les deux gouvernements de 2,411 milliards.
Faire plus?
Les trois chercheurs consacrent un long paragraphe à la fin de leur étude pour préciser que leur but n’était pas de se prononcer sur les bienfaits pédagogiques du programme des garderies, ni sur son efficacité, ni sur de possibles solutions de rechange. Ils ne manquent pas, toutefois, de remarquer que «la demande de places en garderie subventionnée dépasse encore largement l’offre». Ils notent aussi, ailleurs, qu’après avoir chuté avec l’ouverture des premiers centres de la petite enfance, le recours à des garderies non subventionnées a rebondi ces dernières années et que son coût pour le gouvernement, en crédits d’impôt, atteignait déjà 350 millions en 2011.
Luc Godbout ne peut quand même pas s’empêcher de souligner que l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) est la première à dire que la principale barrière à l’emploi des femmes dans les pays développés reste le coût des services de garde. «Elle dit aussi que l’une des principales variables liées à la pauvreté des enfants est de savoir si les ménages peuvent compter sur un ou deux revenus.»
Le professeur de fiscalité ne peut pas non plus ne pas souligner que la politique des services de garde revêt une importance particulière au Québec dans un contexte de vieillissement rapide de la population et de menace de pénurie de main-d’oeuvre les prochaines années.
Pour lire le texte original, on va sur le site du quotidien Le Devoir.
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