(voir pétition à la fin du texte)
Aujourd’hui, 1er mai du printemps 2012, en cette journée internationale des travailleuses et travailleurs, qui incarne depuis un siècle le progrès social, nous manifestons notre pleine solidarité avec le mouvement étudiant et notre indignation face à la situation actuelle, aboutissement prévisible de crises sociales, culturelles, environnementales, financières et politiques couvant depuis trop longtemps.
Ce conflit entre le gouvernement et le mouvement étudiant se projette en effet bien au-delà des chiffres et des tarifs: c’est d’abord un conflit de valeurs et de visions, donc de société. D’un côté, on s’entête à imposer des politiques sociales, économiques et environnementales régressives; de l’autre, une jeunesse nouvelle se lève, se rassemble et marche au nom de ses idéaux : la justice sociale, la solidarité et le respect. Ce cri de la jeunesse, qui nous pousse à rompre avec l’immobilisme, à recouvrer notre capacité collective d’agir et à travailler pour le bien commun, nous l’entendons.
Les dernières offres du gouvernement n’en sont pas, mais nous refusons de circonscrire le débat en éludant sa véritable nature : la grève des étudiants et le mouvement social qui l’accompagne expriment aussi le ras-le-bol des Québécois face au manque d’imagination de nos gouvernants dans la maîtrise d’uvre des affaires de l’État. Cette volonté butée d’augmenter radicalement les frais de scolarité n’est qu’un symptôme, un signe de ce qui va de travers, de ce qui ne va plus, de ce qui ne passe plus.
Les questions soulevées sont fondamentales: elles concernent la gouverne sociale. Les étudiants de la rue sont la pointe émergée d’un mouvement plus large qui veut contrer l’augmentation des inégalités et de l’insécurité sociale, l’endettement grandissant des ménages, la pauvreté de ces personnes seules négligées par les politiques gouvernementales et la dégradation environnementale engendrée par un modèle de développement anachronique.
Or, ce modèle qui sabote nos services publics, notamment par une gestion douteuse des ressources du système d’éducation et de notre système de santé – nous n’en voulons pas.
Ce modèle où l’État ne percevra, dans le cadre du Plan Nord, qu’un maximum de 16% de redevances sur les profits des entreprises exploitant nos richesses naturelles, alors qu’ailleurs on estime cette juste part à plus de 30%, soit 700 millions de dollars annuellement si on l’appliquait ici ou deux fois la hausse des frais de scolarité – nous n’en voulons pas.
Ce modèle où 25 % des quatre milliards de dollars investis par l’État québécois en 2011 dans les infrastructures a été détourné par des activités de collusion et de corruption – nous n’en voulons pas.
Ce modèle où le gouvernement du Québec tarifie à outrance les individus, à l’encontre des principes qui ont permis de bâtir un Québec moderne favorisant l’égalité des chances – nous n’en voulons pas.
Ce modèle en panne de vision en matière de développement, d’énergie et d’environnement, du Mont Orford à la rivière la Romaine, des petites centrales hydro-électriques au Suroît, de Bécancour aux ports méthaniers, de la réfection de Gentilly aux gaz de schistes et à l’octroi des permis de forages dans le fleuve – nous n’en voulons pas.
Nous n’en voulons plus.
Nous affirmons plutôt, aujourd’hui, notre pleine solidarité avec le mouvement étudiant et les idéaux qui l’inspirent. Parce que nous croyons que l’éducation engendre la richesse, que l’éducation est la richesse, que l’éducation est le moteur de la transmission de notre mémoire collective et que nous devons investir massivement dans l’éducation, cette garantie de survivance. Il faut faire de l’éducation le parent fort de la société, afin d’assurer au plus grand nombre l’accès aux études supérieures.
C’est notre avenir qui est ici en jeu : dans cent ans, dans deux cents ans, on se souviendra surtout de nos contributions décisives au patrimoine mondial des connaissances. Taxer et exploiter intelligemment nos ressources naturelles prend ainsi tout son sens dans le contexte d’un projet de société moderne, juste, égalitaire et courageux, où nous choisirons de vivre ensemble selon un modèle de développement durable viable et de réinvestir dans notre éducation et nos programmes sociaux.
Nous choisissons d’incarner ces valeurs en ce 1er mai du printemps 2012 : à partir d’aujourd’hui, ces principes auxquels nous tenons tant, la justice sociale, la démocratie et le respect des libertés individuelles et collectives ne seront plus jamais négociables.
Nous exigeons en conséquence la fin de l’intransigeance, un moratoire sur la hausse des frais de scolarité et la tenue d’États généraux sur l’éducation supérieure.
Et nous lançons un appel pressant aux associations, aux partis politiques, aux syndicats, aux corps professionnels et aux citoyens : en unissant nos forces, nous croyons qu’il est possible de faire lever encore plus fort le vent du printemps québécois, jusqu’à ce que ce gouvernement qui nous fait de plus en plus honte sur la scène internationale, comme le gouvernement du Canada depuis son retrait de Kyoto, agisse résolument pour dénouer la crise sociale. Ou qu’il déclenche des élections.
Nous sommes solidaires avec les étudiants. Nous marchons avec eux. Nous marchons ensemble.
Nous sommes ensemble.
Les rédacteurs
1. Léa Clermont-Dion
2. Hugo Latulippe
3. Laure Waridel
4. Éric Pineault, Professeur de sociologie, UQAM
5. Alexis Martin
6. Alain Vadeboncoeur, médecin et animateur
7. Dominic Champagne
Pour signer la déclaration on clique ici.
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