François L’Italien en a fait état dans un récent rapport de recherche (qu’il a d’ailleurs présenté sur OikosBlogue), l’accaparement des terres par les fonds d’investissement reste un enjeu majeur. C’est un phénomène mondial qui n’a eu de cesse de prendre de l’ampleur au cours des dernières années. Ici, même si le ministre Corbeil (MAPAQ) prétend qu’il n’y aurait « pas de menace ou de péril en la demeure » dans le dossier d’accaparement de terres agricoles au Québec par des firmes d’investissement et des spéculateurs fonciers, on laisse la Caisse de dépôt injecter 250 millions $ dans un fonds pour l’acquisition de terres agricoles à l’étranger, notamment au Brésil et en Australie. Ce n’est pas bon pour nous, mais on laisse faire à l’étranger. Quelle moralité élastique ! Le ministre ne voit pas de problème à ce que la Caisse prenne part à l’encan foncier sur la planète, comme si cela ne représentait pas un risque financier majeur pour notre épargne collective !
Selon la journaliste française Maud Lelièvre, chargée des questions de biodiversité dans l’équipe de François Hollande, l’agriculture est un marqueur particulièrement éloquent des inégalités qui sévissent à l’échelle internationale. Elle reflète une forme nouvelle d’impérialisme par l’accaparement des terres et la mainmise de forces financières sur des pays en voie de développement. De puissants lobbies, peu regardants, investissent massivement dans les terres arables, au mépris de l’agriculture paysanne et des pratiques ancestrales qui ont façonné les paysages. Non seulement ces pratiques financières sont irresponsables, elles sont financièrement risquées. Alors que certains observateurs néolibéraux y ont vu un mouvement «gagnant-gagnant» qui apporterait des capitaux, des emplois et du savoir-faire aux pays en développement, les opérations s’avèrent très défavorables aux régions concernées. Les contrats sont systématiquement opaques et les pratiques abusives. Le processus est souvent avalisé par des autorités séduites par l’argent rapidement acquis grâce aux concessions, quand les accords ne sont pas tout bonnement facilités par des commissions occultes. C’est le début d’un cercle infernal vers la spéculation et l’enchérissement des prix agricoles.
Au Québec, malgré les démentis du ministre, des gens comme Marcel Papin, président du syndicat local de l’UPA de l’Assomption-Les-Moulins, et le vice-président Gilles Gouger ont expliqué devant la Commission sur l’agriculture, les pêcheries, l’énergie et les ressources naturelles (CAPERN) à quel point les terres des régions de Mascouche, L’Assomption et L’Épiphanie sont déjà en possession de compagnies à numéro, de développeurs de l’immobilier et d’autres acheteurs non agricoles. Étant pour la plupart louées sans bail à des producteurs, il devient pratiquement impossible pour les producteurs agricoles d’investir à long terme dans ces terres (irrigation ou autre). En perte de rendement, elles seront éventuellement dézonées pour le développement immobilier.
La Terre de chez-nous a appris, en consultant le prospectus d’une société en commandite, Partenaires agricoles, que celle-ci s’apprête à se lancer dans l’acquisition de terres agricoles au Québec. Un conseil d’administration composé essentiellement d’agronomes expérimentés (dont l’ancien président de l’Ordre des agronomes du Québec, Conrad Bernier) serait à la tête de cette société en commandite qui propose des rendements pouvant atteindre 10 % par année aux investisseurs. Il y a tout lieu de s’inquiéter de cette financiarisation du capital agricole québécois
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