CESD-Oikos-989x90

Le samedi 23 avril 2022

Recherche:

L’enjeu de la fin des conventions d’exploitation dans le logement social

Dans une note d’intervention produite en juin 2011, qui portait sur les tendances dans le logement au Québec, je soulignais les importants enjeux financiers et sociaux associés à la fin des conventions d’exploitation sur le logement social. Je suis revenu sur le sujet, avec la collaboration de Jacques Charest, dans une note de l’IREC qui vient de paraître afin de clarifier les dimensions socioéconomiques de ces enjeux et de proposer des pistes de solutions pour le logement social au Québec.

De quoi s’agit-il ?

Signées par le gouvernement fédéral entre 1967 et 1993, ces conventions touchent 120 000 logements sociaux au Québec. Les inquiétudes des intervenants sur cette question se sont récemment confirmées suite à la décision du gouvernement fédéral de se retirer complètement de ce domaine après 2014.

La convention d’exploitation est un contrat conclu entre un organisme public subventionnaire, qui dans le cas qui nous concerne est la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), et des gestionnaires de projets de logements sociaux, soit des gestionnaires de HLM publics, des coopératives ou des OBNL. La convention d’exploitation précise les modalités du prêt hypothécaire et stipule toutes les conditions que devront respecter les gestionnaires du projet financé. La durée de la convention varie de 25 à 50 ans et coïncide avec la durée du plan de financement hypothécaire déterminé lors du démarrage.

Pour l’ensemble du Canada on parle de plus de 600 000 logements subventionnés qui sont touchés par la fin programmée des conventions. Au Québec, 126 039 logements seront graduellement « déconventionnés », soit 88 850 unités à frais partagés (Ottawa, Québec et municipalités) et 37 189 unités issues des programmes dits unilatéraux de la SCHL. De ce nombre de logements touchés, on compte la totalité des HLM ‘publics’ (puisque qu’après la fin des programmes de logement social du fédéral en 1994 il ne s’est plus construit aucun HLM public au Québec) ainsi que la grande majorité des HLM ‘privés’, des logements communautaires gérés par des coopératives et des OSBL où 100% des logements sont subventionnés, et des autres logements communautaires (voir FRAPRU, 2012).

Les impacts financiers

Dans certains cas, peu nombreux, la fin de la convention est déjà survenue. Mais la grande majorité de la fin des conventions devrait survenir dans les vingt prochaines années : d’ici 2020, 30% des logements couverts et d’ici 2030on parle de 80%.C’est le parc des HLM publics qui sera le premier touché par le phénomène de la fin des accords. Une première tranche correspondant à 6% du parc total arrivera à échéance entre 2004 et 2013. Au cours de la décennie suivante (2014 et 2023), la proportion du parc touchée par les expirations sera de 45% (le reste des HLM publics en plus des logements communautaires réalisés avant 1986). Ensuite, entre 2024 et 2033, les expirations toucheront les autres logements, soit le48%restant du parc (informations tirées de CQCH, 2007).

Financièrement, le retrait total du financement fédéral du domaine du logement dans la foulée de la fin des conventions pourrait signifier une perte de 32 milliards $ pour l’ensemble du Canada, dont 6,7 milliards $ pour le Québec. Ce calcul est basé sur la disparition graduelle du 1,7 milliard $ accordés annuellement en subventions au logement social au cours des 30 prochaines années, au fur et à mesure de la fin des conventions. Pour le Québec, on parle d’un montant de 394 millions $ par année (estimation du FRAPRU). À titre d’exemple, le Vérificateur général du Québec évaluait à 252 millions $ la contribution de la SCHL au budget de fonctionnement du programme des HLM publics et privés au Québec pour l’année 2007-2008. En effet, par l’intermédiaire de différentes ententes Canada-Québec, depuis 1994 le gouvernement fédéral verse en moyenne une part de 55% du déficit d’exploitation de la gestion des HLM par la SHQ, à titre de signataire des conventions existantes. Le CQCH évalue pour sa part que le montant des subventions versées aux coopératives d’habitation québécoises dans le cadre des conventions du SCHL s’élèvent à environ 21 millions $ annuellement, ce qui représente 15% de leurs revenus totaux. Le solde du financement du fédéral va aux OSBL et aux unités issues des programmes dits unilatéraux de la SCHL.


Tiré du site du FRAPRU

Quelques propositions

En ce qui concerne la mission de développement du logement social, le chiffre de 50 000 nouveaux logements nous apparaît raisonnable. Dans la note d’intervention de l’IREC produite en juin 2011 sur les enjeux du logement, je proposais que le gouvernement du Québec se donne un nouvel objectif de 30 000 logements sociaux pour un premier plan de cinq ans et de 20 000 logements supplémentaires pour les cinq années suivantes. Cet objectif devait permettre de réduire les listes d’attente, de consolider un taux d’inoccupation du logement locatif en équilibre et de répondre aux nouveaux besoins de logement des aînés. Ces objectifs exigeraient 6 000 nouveaux logements par année pour les cinq premières années et 4 000 pour les cinq années suivantes. En supposant un coût de 150 000 $ par logement, on parle donc d’investissements annuels respectifs de 900 millions $ et de 600 millions $ pour ces deux périodes de cinq ans.

Le gouvernement du Québec ne devrait, cependant, assumer qu’une partie de ces investissements. D’une part, nous proposons le rapatriement au Québec de la mission du logement social (que le gouvernement fédéral refuse maintenant d’assumer) par le biais d’un transfert de points d’impôt ou d’un montant forfaitaire de 400 millions $ par année, indexé à l’indice du coût du logement. Ce montant forfaitaire comprendrait une contribution à la consolidation du bâti existant, qui diminuerait graduellement au cours des années au profit d’une contribution croissante au développement du logement social. D’autre part, on peut aussi tabler sur une contribution croissante de la part des acteurs communautaires.

Lors de la mise en place de ce programme en 1997, les acteurs et parties prenantes ont innovés afin de mettre en place les mécanismes nécessaires à un développement endogène du milieu de l’habitation communautaire. Dans cette optique, la procédure suivante à été établie : lors du refinancement de leur prêt hypothécaire à la 11ième année, les OSBL et coop renégocient un allongement du terme restant (passant de 15 à 25 ans) ce qui leur permet de « réemprunter » le capital payé sur l’emprunt hypothécaire initial. Avec ces sommes, estimées à quelques 8 à 10 000$ par logement, ils capitalisent le fonds québécois d’habitation communautaire (FQHC). Ainsi, par cette simple mesure sans impact sur les loyers des usagers, on se trouve à collectiviser l’équité générée par chacun des projets. En supposant une programmation annuelle de 6 000 unités de logement, on évalue un potentiel de quelques 40 millions $ annuellement qui seraient ainsi mis en commun.

Une autre initiative, portée par des acteurs de l’économie sociale et de l’habitation communautaire, se concentre sur les mécanismes de financement. En prenant en considération que les OSBL et coop œuvrant en habitation communautaire le font dans une optique de pérennité, sans volonté de revente des biens immobiliers, il devient dès lors pertinent de se questionner sur le véhicule financier optimal pour supporter ces projets. Selon ces promoteurs, il serait avantageux que les OSBL et coop se financent aussi à l’aide de capital patient dont le remboursement du capital et des intérêts seraient reportés dans le temps (15 ans voire 30 ans). Sans compter qu’en participant à la mise en place et à la gouvernance d’un nouveau fond de financement en capital patient, les acteurs et parties prenantes de l’habitation communautaire élargiraient ainsi leur champ d’action tout en participant au développement endogène du milieu.

Discussion

Commentaire pour “L’enjeu de la fin des conventions d’exploitation dans le logement social”

  1. Il est ironique de penser que, jusqu’à maintenant et sauf erreur, toutes les provinces canadiennes (sauf Alberta et IPE) ont négocié des ententes de rapatriement du parc fédéral sauf le Québec.

    La SCHL a signé des ententes sur le logement social avec la Saskatchewan (4 mars 1997), le Nouveau-Brunswick (2 avril 1997), Terre-Neuve-et-Labrador (22 avril 1997), les Territoires du Nord-Ouest (24 avril 1997), la Nouvelle Écosse (12 décembre 1997), le Yukon (14 août 1998), le Manitoba (3 septembre 1998), le Nunavut (1er avril 1998), l’Ontario (15 novembre 1999) et la Colombie-Britannique (19 juin 2006). À la SHQ, depuis plusierus années, les négociation avec la SCHL semblent au point mort. Il semble que le calcul de la SCHL (qui ne tient pas compte de la démographie, des besoins ou de la proportion de ménages à faibles revenus) entraîne un manque à gagner. Le Québec n’est toujours pas unique maître d’œuvre en cette matière. En 2002, lors de sa parution à l’occasion d’un mandat d’initiative sur le logement social, la SHQ écrivait :

    Pour le Québec, le transfert complet des responsabilités fédérales en matière de
    logement social reste toujours l’objectif à atteindre, à la condition d’une
    compensation financière satisfaisante sur le plan de l’équité et de la pérennité.
    Cette pleine et entière maîtrise d’oeuvre lui permettrait de planifier et de mettre en œuvre des interventions
    en fonction de ses priorités et besoins propres.
    Entre-temps, la Société d’habitation du Québec doit tenir compte des contraintes imposées par ces ententes.
    Sa marge de manoeuvre s’en trouve donc considérablement limitée.[1]

    Écrit par Marie-Noëlle Ducharme | juin 5, 2012, 17 h 07 min

Commentaire

Inscrivez votre courriel ci-dessous pour recevoir le bulletin hebdomadaire:

Agenda Public

Un code est requis pour ajouter des evenements a l'agenda.
Appuyez sur "Obtenir un code" ci-dessous pour s'inscrire.

Si vous avez un code, inserez votre code ci-dessous:

Votre compte étant nouveau, s'il vous plait enregistrer vos informations:











Informations sur l'evenement a ajouter: