Le premier ministre du Québec et la ministre de l’éducation répètent à satiété que leurs politiques visent à protéger les classes moyennes. La baisse significative de l’impôt sur le revenu, la hausse de 2 points de % des taxes sur les biens et services et le principe de l’utilisateur/payeur (qui s’exprime par la hausse vertigineuse des droits de scolarité) n’auraient d’autres buts que de protéger le pouvoir d’achat de ces classes moyennes. Je ne suis pas sûr que cette affirmation se confirme réellement dans les faits. Pour le vérifier, il faudrait faire une analyse plus poussée. Mais les faits semblent plutôt démontrer que, malgré toutes ces mesures, ce sont d’abord et avant tout les classes les plus aisées qui ont protégé, voire amélioré, leur pouvoir d’achat ces dernières années.
Par contre, une étude réalisée par le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc, Paris) pour l’ensemble des pays de l’OCDE, montre que ce sont dans les pays où les prestations sociales sont généreuses et l’impôt progressif que les classes moyennes sont les plus importantes. Contrairement à ce qu’on peut penser de ces classes moyennes (trop riches pour bénéficier des aides sociales, mais pas assez pauvres pour être non imposables), nous dit Laurent Jeanneau (Alternatives Economiques n° 313 – mai 2012), les mécanismes redistributifs tendent au contraire à les renforcer. Là où les prestations sociales sont généreuses et les prélèvements obligatoires élevés – comme dans les pays nordiques – la part de la population considérée comme faisant partie des classes moyennes est importante.
Selon cette étude, plus d’un ménage sur deux est membre des classes moyennes en Europe. La proportion est plus élevée que la moyenne en Norvège (61 %), au Danemark (61 %), aux Pays-Bas (61,5 %), en France (59 %), en Autriche (58 %), en Belgique (55 %), en Allemagne (53 %) et dans certains pays d’Europe de l’Est. Dans les pays anglo-saxons et au sud de l’Europe, les classes moyennes sont moins nombreuses (51 % en Italie, 48 % au Royaume-Uni, au Canada et en Espagne, 43 % en Australie, 42 % aux États-Unis).
Pour le Crédoc, la différence entre les pays nordiques et anglo-saxons s’explique par la volonté ou non des États à intervenir dans l’économie et à corriger les inégalités. « Dire que les classes moyennes sont pressurisées par les impôts et oubliées par l’Etat-providence, c’est passer sous silence le fait qu’une partie importante des populations précaires intégrent les classes moyennes grâce aux prestations sociales, et que la progressivité de l’impôt limite les écarts de niveau de vie entre les classes moyennes et les hauts revenus ». Bref, conclue Laurent Jeanneau, le paradis des classes moyennes est à chercher là où la démocratie sociale est la plus avancée.
On peut télécharger le rapport de recherche Les classes moyennes en Europe, R. Bigot – P. Croutte – J. Müller, N° C282 – Décembre 2011, en cliquant ici.
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