En mai, les marchés financiers ont été traversés par un choc somme toute mineur, mais néanmoins chargé d’incertitude pour le futur : la plus grande banque des États-Unis, JP Morgan, annonçait une perte de 2 milliards $ sur des transactions de courtage de produits dérivés. Quatre ans après la pire crise financière depuis 1929, ces pertes de JP Morgan signalent deux problèmes : les réformes de la finance entamées dans la foulée de la crise de 2008 n’ont strictement rien changé aux pratiques inconscientes des banques et les incertitudes économiques mondiales sont à la veille de nous replonger dans la crise.
Alors que le lobby des banques a en grande partie édulcoré la réforme de la finance d’Obama (en particulier la « règle de Volcker » qui devait interdire aux banques commerciales de prendre des risques dans des produits spéculatifs), ce qui arrive avec la JP Morgan est exactement ce qui devait être évité : une banque commerciale qui agit comme un ‘hedge fund’ en spéculant sur des produits dérivés. La perte de 2 milliards $, réévaluée à 3 voire 4 milliards $ quelques jours plus tard, a été causé par une dévaluation d’un quart de point de pourcentage du portefeuille d’un trader basé à Londres, un portefeuille d’une valeur notionnelle de 150 à 200 milliards $. Une stratégie qui, au dire du « chief investment office » de JP Morgan, aurait été mauvaise, complexe, mal supervisée, mal exécutée et mal gérée !!!
Le courtier fautif, Bruno Iksil surnommé la «baleine de Londres», en raison de la taille de ses paris sur le marché du crédit, travaillait officiellement à couvrir les risques pris par JPMorgan Chase & Co, le bras spéculatif de la banque. Selon l’agence Bloomberg, Iksil aurait amassé l’an dernier des positions sur un indice de CDS (les primes d’assurance contre les défauts de paiement) utilisé par les investisseurs pour spéculer sur la solvabilité de grands groupes étatsuniens comme Wal-Mart ou Alcoa. Mais ce serait la retombée en récession de l’Europe qui aurait attiré l’attention sur l’énormité de ces paris puisque les contrats liés à l’indice auraient dépassé les 100 milliards de dollars. Après le dévoilement des faits, la banque aurait mis à pied le courtier ainsi que ses responsables immédiats. Mais tout laisse croire que la seule règle qui tienne vraiment dans ce milieu est : « Prenez un maximum de risques mais si cela tourne mal nous ne sommes pas au courant ! »
Pour une banque dont on attend des revenus nets de 20 milliards $ cette année, ce n’est pas un drame. Mais dans le contexte où, avant la fin de l’année, on pourrait être confronté à une perte de confiance globale des marchés, ces pratiques insoutenables, suicidaires, des institutions financières font redouter le pire pour les marchés financiers mondiaux. On l’a vu la semaine dernière avec le retour de beaucoup d’indices à leur niveau de 2011, la récession européenne, la crise de l’Euro, le blocage politique aux États-Unis, nous annonce un automne catastrophique. Il faut lire à ce sujet le dernier communiqué du GEAB publié récemment. Ce qui aggrave le tout c’est que les risques systémiques sont encore plus élevés qu’auparavant (parce que l’emprise des banques ‘too big to fail’ n’a fait que grandir depuis 2008), alors que les outils de politique publique ont aujourd’hui une efficacité moindre (les taux d’intérêt sont déjà au plus bas). Même les mécanismes de surveillance des banques sont questionnés :
« Tout est remis à plat. Les modèles d’évaluation des risques, le fameux ‘value-at-risk model’ popularisé par JP Morgan qui permet l’appréciation en dollars d’un actif quelle que soit la nature du sous-jacent en simulant la perte possible dans un intervalle donné. Mais tout dépend des paramètres choisis et l’on sait que les régulateurs du Comité de Bâle ne jugent plus cette mesure fiable. Les processus internes de JP Morgan et de ses rivaux sont actuellement contrôlés par l’Office of the Comptroller of the Currency (OCC), mais le régulateur lui-même est mis au pied du mur pour n’avoir pas capté à temps les signaux de danger, » signale Virginie Robert, correspondante du journal Les Echos à New York.
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