Dans un article récent sur le blogue de Progressive Economics Forum, Jim Standford, économiste pour les Travailleurs canadiens de l’automobile, commente cette indécente proclamation de la fin de la récession et du retour triomphant de la croissance. Mais il nous apporte une interprétation bien intéressante de cette abondance de bonnes nouvelles en posant la question : c’est une reprise pour qui ?
Alors même que l’on fête le 1er anniversaire de la faillite de Lehman Brothers, qui représente le moment le plus fort de la panique des marchés financiers après des années de folie spéculative, Jim Standford trouve qu’il s’agit d’un bon moment pour faire le point sur la situation. Et comme nous, il semble plutôt estomaqué de voir que la cendre n’est pas encore retombée qu’on voit déjà les incendiaires rallumer leur cigare comme si rien ne s’était passé.
Dans les six derniers mois, la croissance de 50 % du TSX a créé pour 500 milliards de $ de valeurs mobilières. Bien sûr, puisque nous avons presque tous, d’une manière ou d’une autre, une partie de notre épargne qui profite de cette remontée, à la Caisse de dépôt ou dans nos caisses de retraite, on peut penser que nous sommes tous gagnants !
Justement, non nous ne sommes pas tous égaux devant cette reprise des cours boursiers. Nous sommes mêmes dans une situation d’inégalité assez radicale. D’abord, d’un point de vue « méso-économique », le secteur financier est le grand gagnant : encore une fois, le privilège de gérer le capital de la majorité de la population va permettre à ces institutions de canaliser les dividendes au profit d’une minorité. Les profits des cinq plus grandes banques ont atteint presque 5 milliards $ pendant le dernier trimestre. Pour l’année complète, ils devraient s’élever à 14 milliards $. Mais les profits des banques auraient pu être encore plus élevés si les compensations financières que se sont s’octroyés les cadres des six grandes banques canadiennes (6,4 milliards $ dans les 9 premiers mois de l’année financière) n’avaient pas été si élevées ! La Banque Royale, à elle seule, aurait détourné 2,7 milliards en bonus aux dirigeants et aux employés.
Aux États-Unis, la valeur marchande des 29 plus grandes institutions financières a quadruplé depuis la crise, pour atteindre 1 billion $ (1 000 milliards). Certaines, telles que JP Morgan et Well Fargo, qui ont été aidé financièrement par l’État pour réchapper d’autres banques, s’en tirent en étant encore plus riches qu’avant la crise. Un graphique produit pas le New York Times permet de visualiser cette restructuration des institutions financières étasuniennes. Elles aussi ont recommencé à verser des bonus.
C’est la raison pour laquelle Jim Standford se demande pour qui sonne la « reprise » actuelle : pas pour 90 % de la population dont le patrimoine financier ne permet pas de profiter substantiellement de la remontée des titres boursiers; encore moins pour les centaines de milliers de nouveaux chômeurs dont l’avenir s’est assombri pour plusieurs années. Selon Standford, le PIB par capita est aujourd’hui sous le niveau du printemps 2004; la « richesse » moyenne des canadiens est ainsi revenue à ce qu’elle était il y a cinq ans.
De quelle reprise parle-t-on alors avec autant d’enthousiasme dans les médias ?
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