L’auteur invité est Claude Vaillancourt, président d’ATTAC-Québec.
Rarement avons-nous connu un printemps aussi agité au Québec. Au-delà du mouvement étudiant, remarquable d’énergie et de combativité, on observe un raidissement des partis politiques au pouvoir qui menacent directement notre démocratie. Si bien que nous nous retrouvons dans une impasse, avec d’une part un peuple qui demande avec acharnement plus d’écoute et de justice, et d’autre part des chefs d’État qui se croient forts parce qu’ils sont fermés à tout dialogue.
Deux lois sont venues brutalement transformer notre paysage politique. La fameuse loi 78 brime le droit de manifester et le droit de s’associer. Son application rigide pourrait tout simplement mener à l’élimination des associations étudiantes et même étouffer le mouvement syndical à coup de poursuites et d’amendes disproportionnées. Un si net recours à des méthodes répressives est aussi un aveu d’impuissance devant une crise qui dépasse les libéraux et dont ils comprennent mal les fondements.
Au fédéral, la loi C-38 – un bloc compact de 450 pages ! – est tout aussi inacceptable et remet tout autant en question nos pratiques démocratiques, tant elle s’attaque à un modèle aux préoccupations sociales dont il ne reste pourtant déjà plus grand-chose. Ce salmigondis de réformes dans plusieurs secteurs – notamment l’environnement et l’assurance emploi – permet d’imposer de façon déloyale les réformes néolibérales les plus radicales, en évitant tout débat public.
Ces deux assauts ne sont pas de même nature et ont des conséquences différentes. Mais il en résulte une transformation majeure du rôle de l’État. Au Québec, l’opposition s’est concentrée sur la loi 78, à cause de son lien avec la très médiatisée grève étudiante. Il faut espérer que la seconde trouvera aussi ses résistants coriaces.
Le mouvement d’opposition au Québec a atteint une force et une cohésion remarquables et nous donne un grand espoir. Les cogneurs de casseroles, les manifestants nocturnes, les étudiants, ceux qui appuient le mouvement tout en restant sur leur balcon comprennent bien ce qui se passe. Jamais, me semble-t-il, les dénonciations du néolibéralisme n’ont trouvé de tels échos. Une simple augmentation des droits de scolarité a permis de démonter l’opposition entre deux visions : celle du gouvernement néolibéral basée sur le principe utilisateur-payeur pour qui l’éducation est vue comme un investissement personnel. Et celle des étudiants – et de ceux qui les appuient – qui reste basée sur les valeurs de solidarité et d’universalité qui caractérise le modèle québécois depuis plus de 40 ans.
Les flagrantes atteintes à la démocratie de la part de nos gouvernements sont le signe d’un réel désarroi. Nos dirigeants ne peuvent plus imposer leurs réformes aussi facilement. Ils perdent l’appui d’une population mieux informée et victime des effets dévastateurs des crises qui se succèdent. Incapables de se remettre en question, il ne leur reste plus que la force, la tricherie, la manipulation, les coups bas pour arriver à leurs fins.
L’avenir s’annonce tourmenté. Nous savons maintenant jusqu’où nos gouvernements sont prêts à aller pour suivre leur agenda. Leur seule stratégie devant la grogne est de dire non. Et d’espérer que tout se calme. Devant une pareille incompréhension, notre résistance est rudement mise à l’épreuve. Les étudiants du Québec nous ont donné le meilleur exemple à suivre. Souhaitons-nous beaucoup de courage.
Pour lire le texte original, on va sur le site d’ATTAC-Québec.
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