La taxe Tobin, proposée en 1978 par le « prix Nobel » d’économie James Tobin, est en train de revenir dans le débat public. Suite à l’une des pires crises économiques depuis celle des années 1930, en bonne partie due à une dynamique incontrôlée de la finance spéculative, l’idée de la taxe Tobin refait son chemin jusque dans les plus hautes sphères des autorités politiques.
Dans l’esprit de James Tobin, cette taxe visait à imposer les transactions monétaires (opérations de change d’une monnaie à une autre) à un taux très faible, de 0,1 % à 0,25 %. Ce faible taux devait permettre de ne pas pénaliser les activités de l’économie réelle (importations, exportations, investissements), mais de mettre un « grain de sable » dans les rouages de la spéculation. En effet, peu de temps avant, la fin des accords de Bretton Woods avait libéré les monnaies nationales de leur annexion au dollar et les échanges de monnaie avaient littéralement explosé.
Les objectifs de cette taxe sont multiples, et s’entremêlent pour former un ensemble cohérent. L’objectif premier est de limiter la spéculation à court terme. En effet, en augmentant le coût de chaque transaction à court terme, la taxe Tobin demanderait ainsi un effort de réflexion et une prise de risque plus grande pour un même placement. La spéculation pourrait ainsi être limitée. Mais cette taxe crée en même temps une situation économique et politique tout à fait nouvelle, car les fonds récoltés par cette taxe pourraient servir à créer des ressources propres permettant de financer les institutions internationales, en garantissant du même coup leur indépendance.
Rodney Schmidt, chercheur principal à l’INS, évalue, de façon conservatrice, qu’une taxe sur les transactions de change (comme la taxe Tobin) d’un demi point de base (0,005 %) sur chaque transaction des devises principales entraînerait des recettes annuelles d’environ 33 milliards de dollars US, sans pour autant perturber les marchés des devises étrangères.
Même si le premier ministre suédois, dont le pays préside actuellement l’UE, a indiqué qu’il ne pensait pas « que ce que ce soit la réponse », la taxe Tobin s’est trouvée un nouvel allié de choix en Europe : le récemment réélu président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. À la condition que la taxe s’applique au niveau mondial, donc qu’elle « ne mette pas en cause la compétitivité de l’Europe » en provoquant un exil des banquiers de Londres et Francfort, le nouveau président se montre favorable à proposer aux plus grands un nouveau débat pour la taxe Tobin, lors du G20 de Pittsburg la semaine prochaine.
M. Barroso ne serait pas seul à envisager cette solution : le président du Financial Services Authority de la City de Londres, Lord Adair Turner, se serait récemment dit favorable à une version de la taxe Tobin qui permettrait de contrôler les excès de la spéculation financière qui, selon lui, aurait été « beyond a socially reasonable size ». « If you want to stop excessive pay in a swollen financial sector you have to reduce the size of that sector or apply special taxes to its pre-remuneration profit. Higher capital requirements against trading activities will be our most powerful tool to eliminate excessive activity and profits. » Il ajoute : « If increased capital requirements are insufficient I am happy to consider taxes on financial transactions – Tobin taxes. »
Pour Lord Adair Turner, qui aurait aussi déclaré que la plupart des transactions de la place financière de Londres étaient « socialement inutile », cet instrument est d’autant plus intéressant que les recettes de cette taxe pourraient servir à financer des « biens publics globaux ».
Enfin, les hauts dirigeants du Parti social-démocrate (SPD) allemand, dont le candidat à la Chancellerie, Frank-Walter Steinmeier, ont tous appuyé la proposition du ministre allemand des finances, Peer Steinbrueck (membre SPD de la coalition au pouvoir), de mettre en place une taxe globale sur les transactions financières.
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