Comme je le présente de façon plus détaillée dans une note d’intervention de l’IREC, dire que le Québec et a été moins durement frappé par la crise financière que la plupart des pays développés n’est qu’une dangereuse illusion. La stagnation des exportations internationales qu’on peut constater au Québec depuis dix ans serait plutôt le symptôme de l’aggravation de déséquilibres importants.
La valeur des exportations de biens et services a diminué de 4,5% entre 2002 et 2011 tandis que la valeur des importations augmentait de 27,9%. Un tel écart de croissance est observé autant pour les biens que pour les services. Comme on peut le constater sur le graphique plus haut, cette tendance s’est amorcée bien avant la crise mondiale de 2008. Le solde commercial du Québec est passé d’un surplus de 6 milliards de dollars en 2002 à déficit de 17 milliards en 2008, puis de 23 milliards en 2011. L’appréciation d’environ 50% du dollar canadien, par rapport au dollar US et aux devises de nos principaux partenaires commerciaux, a sûrement été un facteur important de cette évolution puisqu’elle a fait augmenter d’autant les coûts de production du Canada exprimés en dollars américains.
Les pays développés ont connu une réduction de leur secteur manufacturier au profit des pays à bas salaire au cours des dernières décennies, mais des interventions gouvernementales majeures sont réalisées pour contrer cette tendance et éviter la désindustrialisation. Ainsi, le Canada a dépensé récemment des milliards de dollars pour soutenir son industrie automobile et il a accordé des contrats de plus de trente milliards de dollars à son industrie navale qui n’aurait pas réussi à décrocher de tels contrats à l’étranger. De même, les États américains se battent à coup de subventions pour attirer ou maintenir les emplois manufacturiers. L’intervention de l’État est donc justifiée, mais il est possible d’intervenir autrement qu’en soutenant à tout prix des productions non compétitives. C’est pourquoi le Québec ne peut pas se passer plus longtemps d’une politique industrielle bien conçue.
Depuis une dizaine d’années une part importante des dépenses faites par les individus, les gouvernements et les entreprises a été financée par un endettement accru envers des non-résidents, ce qui peut être vu comme un déficit d’épargne pour le Québec. Le graphique ci-dessus révèle que parmi les catégories de dépenses, seuls l’investissement des administrations publiques et la construction résidentielle ont affiché une croissance moyenne sensiblement supérieure à la croissance du PIB. L’investissement non résidentiel a progressé lentement et notamment les dépenses en machines et équipements, essentiels à la compétitivité des entreprises, n’ont augmenté que de 0,6% par année. L’incitation à investir est faible dans les activités où la concurrence extérieure apparaît insoutenable. Par ailleurs, les derniers documents budgétaires indiquent clairement que les immobilisations du gouvernement du Québec ont augmenté très fortement depuis une dizaine d’années et que cela a entraîné une hausse importante de la dette publique québécoise. Une croissance des immobilisations publiques au même rythme que l’économie n’est pas un problème, même si elle est financée par de la dette, mais le secteur public ne peut pas demeurer le principal moteur de croissance de l’économie sur une longue période.
Dans des conditions idéales de marché, un petit pays qui souffre d’un déficit commercial et d’un déficit d’épargne subit éventuellement des ajustements automatiques, tel une dépréciation de la devise ou une hausse des taux d’intérêt. Cependant, puisque le Québec, comme la Grèce, utilise la monnaie d’une entité économique plus large, ces ajustements ne se réalisent pas automatiquement et les avertissements de crise arrivent généralement trop tard. Une très grande rigueur est donc nécessaire dans l’appréciation de la situation économique et financière du Québec.
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