Rio+20 aura été le plus important sommet de l’histoire de l’Organisation des Nations Unies en proposant près de 500 événements officiels et en réunissant plus de 45 000 participants, dont 12 000 délégués en provenance de 188 pays, plus de 4000 journalistes et 10 000 représentants d’ONG. Néanmoins, la force du nombre n’a pas été suffisante. On a beau faire du chiffre, encore faut-il accoucher de quelque chose ? Et aux yeux de bon nombre d’organisations, il aura déçu parce qu’il a accouché d’une souris : pas d’engagements précis, pas d’échéances non plus. « Quand j’ai entendu Hillary Clinton prononcer le chiffre, mon cœur a fait un bond: 20 millions de dollars. C’est le seul engagement chiffré d’Hillary Clinton lors du discours de clôture de Rio+20; 20 millions de dollars pour aider les pays africains à offrir une énergie propre et moderne aux plus démunis. Pour la générosité, on repassera » de dire Sidney Ribaux d’Équiterre dans sa chronique de la Maison du développement durable du 26 juin. Car ce petit chiffre est le révélateur du résultat politique global de Rio+20: une déclaration plutôt molle et très peu d’engagements concrets. D’une part les États-Unis, pays clé pour un tournant en matière de développement durable, a barré la route à des propositions un tant soit peu ambitieuses pendant que le Brésil et l’ONU n’ont pas réussi à faire une synthèse commune de portée stratégique pour l’ensemble de la communauté internationale. C’est l’angle mort d’une crise économique internationale commencée en 2008 mais qui n’a de cesse de freiner l’initiative sur le terrain de la défense des écosystèmes.
Et comment, du point de vue de l’ÉSS, les choses se sont-elles présentées ? Voyons cela du côté du FIDESS, animateur des Rencontres du Mont-Blanc, à l’Alliance coopérative internationale (ACI), dans des organisations internationales sectorielles comme CICOPA (organisation des coopératives de travail) et des organisations écologiques québécoises, comme Équiterre, qui sont près de l’ÉSS de même que du côté du GESQ, un forum québécois de dirigeants et militants de l’ÉSS engagés principalement dans un travail de solidarité avec le Sud.
Il y a d’abord Équiterre qui note que le «side event» du FIDESS « était bondé de ministres, de banquiers et d’entrepreneurs sociaux provenant de coopératives, de mutuelles et d’organismes à but non lucratif de partout sur la planète qui ont réussi à dire haut et fort que leurs entreprises sont non seulement bien ancrées dans les réalités sociales et environnementales de leurs communautés, mais, en plus, résistent mieux aux inévitables turbulences économiques. L’économie sociale devient donc une partie essentielle de la solution ». Le président du GESQ, également présent à l’événement, va dans le même sens dans le bulletin de juillet de l’organisation : « il est significatif que l’événement ait attiré plus de gens que ce que la salle pouvait en contenir (200 personnes) et que le panel de conclusion ait compté la présence de deux ministres soit Benoit Hamon pour la France et Diana Quirola pour l’Équateur. »
Du côté de CICOPA, on a relevé le message de l’ACI à l’effet que le document campait « la reconnaissance écrite » d’un certain nombre d’évidences déjà reconnues au sein du secteur. Mais CICOPA s’attarde davantage au message du FIDESS : « l’Association des rencontres du Mont-Blanc a approuvé une résolution qui appelle à reconnaître le rôle fondamental des organisations et des entreprises de l’économie sociale et solidaire ».
Dans le cas d’organisations internationales comme le FIDESS, on fait un constat lucide. Son principal porte-parole, Thierret Jeantet, affirme clairement que çà n’a pas levé : « Le tournant de l’économie sociale n’a pas été pris et le document final est resté fixé sur les coopératives comme moyen de lutte contre la pauvreté. Or l’ÉSS ne se réduit pas à çà ». Gérald Larose, président de la Caisse d’économie solidaire Desjardins, également membre de la direction du FIDESS, ajoute que le FIDESS se doutait bien de la chose d’où que le FIDESS se soit mis au travail dès mars à New York pour se trouver des appuis : « À New York, on a vite vu que l’ÉSS n’était pas véritablement prise en compte. Il nous fallait inverser les choses. Nous avons misé sur certains États capables de porter la perspective que nous avançons : le Brésil, pays d’accueil de cette grande Conférence, qui a une sensibilité forte à l’égard de l’ÉSS, l’Algérie (à titre de représentant du groupe des 77), l’Équateur qui a une politique explicite en la matière. Sans compter l’Union européenne, notamment les pays scandinaves (Suède et Danemark) et la France (surtout avec un nouveau président socialiste). Puis, il y a tout le travail auprès des institutions internationales (PNUE, PNUD, OIT, FAO, etc.) qui ne fait que s’amorcer. Nous nous préparons à ça ! Il y a Rio + 20 qui est un coup d’envoi… et il y a l’après-Rio ! »
L’ACI de son côté pratique la pensée positive avec, dans son communiqué du 28 juin, un discours convenu : « Le 22 juin constitue une date historique pour le mouvement coopératif puisqu’elle a marqué la signature, par les pays participants, du document de Rio+20 qui affirme clairement l’importance des coopératives pour le développement agricole, la création d’emplois, le développement social et la réduction de la pauvreté….. On le sait depuis longtemps d’ajouter le communiqué retransmis par le site du Sommet international des coopératives mais les dirigeants des différents pays signataires du document ont clairement montré qu’ils ont compris le message. »
Or que dit le texte dans le point 70 de ses conclusions? Il affirme « saluer le rôle que jouent les coopératives et les microentreprises dans l’intégration sociale et la lutte contre la pauvreté, en particulier dans les pays en développement ». En d’autres termes, il ne prend la coopération en compte que dans le cadre de la lutte contre la pauvreté. Ce libellé est exactement le même que celui que l’on retrouve dans les documents de l’OIT depuis au moins deux décennies. La position frôle donc la banalité et attribue à l’ÉSS un rôle réducteur. Quant on sait que, dans les coulisses de New York en mars dernier, la direction de l’ACI a obtenu ce strict minimum à l’arraché ! Message complaisant qui sous-tend que çà va très bien de ce côté-là alors que, loin de là, la mobilisation s’imposera davantage. L’économie sociale (toutes familles confondues, soit les coopératives, les mutuelles et les associations à vocation économique) a beaucoup de travail devant elle.
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