L’auteure invitée, Laurène Fauconnier, collabore au Métis, correspondances européennes du travail.
La détérioration de la compétitivité dans les pays occidentaux et l’amélioration de la qualité de la main d’œuvre dans les pays en développement concourent à transformer radicalement la géographie des délocalisations.
Alors que l’Inde, la Chine et la Malaisie restent les trois premières destinations de transfert d’activités, record qu’elles détiennent depuis 2004, année de la première parution de « l’Index mondial de la délocalisation » d’AT Kearney, les pays d’Europe centrale cèdent désormais du terrain à l’Asie, au Moyen Orient et à l’Afrique du Nord. L’index établit un classement des 50 premiers pays d’accueil. Le score de chaque pays est pondéré en fonction de trois catégories de facteurs : attractivité financière, qualification de la main d’œuvre et environnement économique.
Les pays d’Europe centrale, dont la Pologne, la République tchèque, la Hongrie et la Slovaquie, destinations de prédilection des entreprises d’Europe de l’Ouest, ont perdu de leur attractivité. Leurs coûts augmentent rapidement : inflation salariale et appréciation de leurs monnaies face au dollar. Dans le même temps, les pays à bas coûts d’Asie du Sud Est et du Moyen Orient ont progressé significativement grâce à la qualité et à la disponibilité de leur main d’œuvre. Pour la première fois, L’Egypte, la Jordanie et le Vietnam font partie des 10 premiers pays accueillant les délocalisations.
Si le coût reste le facteur décisionnel majeur pour délocaliser, la qualité de la main d’oeuvre gagne en importance, d’autant que les entreprises constatent chez elles un déficit de main d’œuvre qualifiée. Norbert Jorek directeur du « Global Business policy Council » estime que : « les gouvernements du monde entier investissent dans le capital humain exigé par les délocalisations ».
Focus sur les régions destinataires de délocalisation
Le Moyen orient et l’Afrique du Nord émergent comme des régions clés d’accueil du fait d’une importante main d’œuvre qualifiée et de leur proximité d’avec l’Europe. L’Egypte et la Jordanie prennent les 6e et 9e places du classement. La Tunisie est 17e, les Émirats Arabes unis 29e et le Maroc 30e.
L’Afrique subsaharienne progresse également. Le Ghana est 15e, Maurice 25e, le Sénégal 26e et l’Afrique du Sud 39e. Les pays d’Amérique latine et des Caraïbes continuent à profiter de leur proximité géographique d’avec les Etats Unis. Le Chili est en tête dans cette région, sa stabilité politique et son environnement économique lui assurent la 8ème place. Le Mexique prend la 11e, suivi du Brésil 12e et de la Jamaïque 23e.
L’Inde, la Chine et la Malaisie sont les grands gagnants de la délocalisation et avec une large avance. Ils combinent à la fois une main d’œuvre très qualifiée, un environnement économique favorable et des coûts très bas. L’Inde notamment favorise la croissance industrielle en développant l’activité de ses firmes délocalisées vers l’international.
Focus sur les régions de relocalisation
Les États-Unis présentent des atouts de relocalisation, non plus dans les grandes métropoles mais dans des petites villes à moindre coût, ils prennent la 14e place au classement. De plus, la dépréciation actuelle du dollar favorise les bénéfices financiers lors du retour de capitaux. On note également une tendance à la relocalisation en Grande Bretagne, en France (à Marseille par exemple) et en Allemagne, leurs scores grimpent par rapport aux années précédentes.
La crise financière a récemment ralenti les mouvements de délocalisation. Pourtant, la crise pourrait aboutir à une augmentation du personnel des entreprises à l’étranger. Les licenciements à domicile ne se traduisent pas par des licenciements à l’étranger (sauf dans les pays étrangers à coûts élevés, le cas de Molex en France, filiale d’un groupe américain). les entreprises cherchent en effet à maintenir l’activité tout en réduisant les coûts. De plus, les installations délocalisées sont souvent plus efficaces parce qu’elles sont récentes et ne présentent pas les défauts des installations domestiques.
Cependant, « la dynamique de la délocalisation est en train de changer. Les entreprises réévaluent les risques politiques, les arbitrages sur l’emploi et les exigences de qualification au regard des conséquences probables de la crise économique. La gestion des risques accorde plus d’importance à la régularité de la production et au respect des délais. Les entreprises cherchent à répartir stratégiquement leurs implantations plutôt qu’à les concentrer dans quelques lieux à bas coûts » souligne Paul A Laudicina, président d’AT Kearney.
Article tiré du site Métis, correspondances européennes du travail.
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