L’auteur invité est Pierre A. Paquette, professeur d’économie au collège Maisonneuve, Ancien député et leader parlementaire du Bloc québécois
J’ai été agréablement surpris par le vibrant plaidoyer de Françoise David pour l’indépendance du Québec, lors du débat des chefs de lundi dernier. Vraiment ! En fait, doublement surpris parce que, d’une part, madame David n’a jamais été réputée pour faire de la souveraineté son principal cheval de bataille et, d’autre part, parce qu’il contrastait avec la déclaration récente d’Amir Khadir. Ce dernier déclarait, on s’en souvient, que le processus de constituante prévu par Québec solidaire n’était pas nécessairement lié à l’accession du Québec à la souveraineté. « Si nécessaire, mais pas nécessairement », étaient ses propos, en écho à la position constitutionnelle de l’Union nationale d’il y a près d’un demi-siècle, comme si on pouvait imaginer que le fédéralisme canadien pourrait changer après tant d’années.
J’ai été assez longtemps en politique pour savoir que de belles déclarations portées par l’enthousiasme d’une campagne électorale dépassent parfois la pensée de l’auteur. J’ai donc décidé d’en avoir le coeur net et d’aller vérifier la plateforme de Québec solidaire. Et je dois admettre que c’est Amir Khadir qui énonçait la position de son parti, pas Françoise David.
Rappelons que, dans sa plateforme 2008, Québec solidaire indiquait que «l’engagement de l’ensemble du peuple dans la définition de nos institutions et de notre organisation sociale est la stratégie que Québec solidaire propose pour nous mener vers ce pays à construire ». Il est clair ici que la constitution dont on parle est celle d’un Québec souverain.
Curieusement, le libellé de la plateforme de 2012 est considérablement altéré. Dorénavant, la démarche d’assemblée constituante se tient sans présumer de l’issue des débats. L’option souverainiste sera sur la table, et Québec solidaire s’engage à en faire la promotion, mais l’option fédéraliste le sera tout autant. Ajoutons que la constituante fera l’objet d’une élection subséquente. La démarche de Québec solidaire s’apparente davantage à une course à obstacles qu’à un processus clair d’accession démocratique à la souveraineté.
Françoise David a livré un beau plaidoyer souverainiste lundi dernier, j’en conviens. Malheureusement, son parti ne nous propose pas de nous rapprocher du pays, pas même un peu. Cette opposition entre le discours et la réalité explique peut-être pourquoi Québec solidaire attire surtout des électeurs qui ont baissé les bras (un maigre 38 % d’entre eux pensent que le Québec sera un jour un pays) et que seulement 55 % d’entre eux voteraient oui à un référendum sur la souveraineté.
Il est temps de le dire franchement : aucun projet de société progressiste ne peut se réaliser tant que nous n’avons pas un État indépendant pour le concrétiser. Dire que la création de notre État n’est pas nécessaire, c’est renier à la fois ces idéaux de progrès social et ces idéaux de liberté collective. Une constituante pour réaliser la souveraineté ? Oui, mais surtout pas celle que Québec solidaire nous propose. Jouer sur tous les tableaux permet peut-être de gagner quelques points dans les sondages, mais ne permet pas de faire avancer le Québec.
Pour lire le texte original, on va sur le blogue du Devoir.
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