Nous sommes probablement dans le dernier droit avant la conclusion d’un accord concernant les négociations de l’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne (AÉCG). Comme l’ont déclaré Harper et Merkel lors de la visite de cette dernière à Ottawa, ils vont tout faire pour que les choses s’accélèrent, ayant bien conscience qu’une nouvelle crise économique mondiale viendrait mettre des bâtons dans l’engrenage de cette mécanique bien huilée, mais tout à fait hermétique.
En Europe, c’est la droite libérale qui s’acharne à vouloir négocier un tel accord. Michel Barnier, le commissaire en charge du marché intérieur, et son homologue au commerce, Karel De Gucht, ont travaillé pendant des mois sur une proposition destinée à favoriser l’ouverture des marchés publics des pays hors de l’Union européenne, principalement la Chine, mais aussi le Japon, le Canada et les États-Unis. L’Europe veut avancer sur le terrain de la réciprocité – « pour ne pas dire de la rétorsion » ajoute Philippe Ricard, journaliste au Monde – en matière d’accès aux marchés publics. Les entreprises des pays qui refuseraient de tels accords ne pourraient plus participer à ces soumissions.
Pourtant plusieurs mises en garde ont été lancées au Québec et ailleurs au Canada. À la demande du Syndicat canadien de la fonction publique, un avis juridique a été demandé à Steven Shrybman, avocat en droit commercial du cabinet d’avocats Sack Goldblatt Mitchell. Me Shrybman conclut que l’AECG conférera aux sociétés européennes de nouveaux droits, et ce aux dépens des pouvoirs des provinces. L’AECG accorderait aux entreprises européennes le droit de poursuivre des gouvernements qui auront pris des décisions menaçant la rentabilité de leurs investissements. Si l’AECG est signé, les investisseurs européens pourront contester des règlements et des processus décisionnels publics devant des tribunaux secrets et exiger des dommages-intérêts. L’accord vise des domaines de compétence provinciale qui n’ont jamais fait partie d’accords de commerce internationaux précédents, notamment les ressources naturelles, le traitement et la distribution de l’eau potable et la santé. Le Canada a adopté dans ces négociations une approche qui « semble traduire un désir d’accorder de vastes concessions aux sociétés européennes, sans attendre grand-chose en retour », déplore l’avis juridique. Comme le rapporte le journaliste du Devoir Éric Desrosiers, l’avis juridique conclut que « les provinces sont en voie de céder beaucoup plus de pouvoirs qu’elles ne le pensent peut-être ».
Les provinces l’ont d’ailleurs compris dans certains dossiers, comme celui des médicaments. Parmi les demandes de l’Union européenne, figure en effet la prolongation des brevets sur les produits de marque. Les premiers ministres des provinces ont donc entrepris une campagne afin de demander une compensation au gouvernement fédéral pour toute augmentation des coûts des médicaments qui résulterait d’une entente de libre-échange conclue entre le Canada et l’Europe. Les premiers ministres auraient tous écrit à Ottawa (!!!) afin de presser les négociateurs fédéraux de ne pas accepter quoi que ce soit qui pourrait se traduire par une hausse des coûts des produits pharmaceutiques.
Enfin, soulignons la mise en garde récente de Christian Deblock et Stéphane Paquin. Sans les politiques industrielles adéquates, nous disent ces spécialistes de l’économie politique internationale, le Canada risque bien plus de faire les frais que de bénéficier des nombreux traités de libre-échange qu’il veut conclure avec différents pays.
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