L’auteur invité est Jean-Robert Sansfaçon, éditorialiste au Devoir.
En maintenant son taux directeur inchangé à 1 % depuis septembre 2010, la Banque du Canada reconnaît que l’économie canadienne traîne toujours de la patte. Et dire qu’il y a quelques mois, tous les économistes prédisaient une remontée des taux !
Les détenteurs d’hypothèques à taux variable et les nouveaux acheteurs de maison peuvent respirer puisque les taux d’intérêt resteront bas. Non seulement serait-il aventureux de prédire pour combien de temps, mais cette fois comme les précédentes, il faut se méfier des experts qui font des prévisions économiques sur la base des tendances observées au cours des semaines précédentes. Car si on a l’habitude de dire que six mois, c’est une éternité en politique, le constat s’applique aussi bien à l’économie.
Il n’y a pas que les propriétaires d’immeubles qui doivent être surpris de la tournure des événements, eux à qui on conseillait de se presser de fermer leur hypothèque pour cinq ans devant la hausse imminente des taux. Le geste était correct, c’est l’urgence de le poser qui l’était moins.
Du côté des investisseurs, comme en 2011, les détenteurs d’obligations négociables dont la valeur fluctue toujours inversement à la direction des taux d’intérêt profitent encore cette année du gel prolongé des taux d’intérêt. Ils ont donc bien fait de ne pas se départir de leurs titres obligataires, contrairement à la recommandation des experts.
En revanche, les nouveaux acheteurs d’obligations ou de certificats d’épargne doivent se contenter de rendements anémiques qui ne couvrent même pas l’inflation, et comme les détenteurs d’actions, ils trouvent le temps long. Alors qu’on s’attendait à une accélération de la reprise aux États-Unis et dans les pays du BRIC, la situation stagne presque partout sur la planète, quand elle ne recule pas purement et simplement.
Le gel persistant des taux d’intérêt à des niveaux historiquement bas n’est d’ailleurs pas étranger à l’entrée en vigueur, la semaine dernière, d’une quatrième série de mesures restrictives imposées par Ottawa aux emprunteurs hypothécaires. Endettés par-dessus la tête, les Canadiens continuent d’acheter des propriétés à des prix beaucoup plus élevés qu’il y a seulement quelques années, avec le risque d’éclatement de ce que plusieurs qualifient toujours de bulle spéculative malgré les quelques signes récents de ralentissement.
Avec un gouvernement conservateur au pouvoir, on aurait dû s’attendre à ce que les banques prennent l’initiative d’abaisser de 30 à 25 ans l’échéance maximum de remboursement d’un prêt hypothécaire, et qu’elles restreignent l’accès aux marges de crédit. Or, laissées à elles-mêmes, ces mêmes banques n’ont qu’une préoccupation : accroître leur part du marché, au risque de provoquer une crise dont tout le monde ferait les frais. Le marché étant incapable de s’ajuster sans passer par une crise majeure, il a donc fallu l’intervention répétée du fédéral pour refroidir les esprits.
Le système capitaliste étant cyclique de nature, l’économie devrait reprendre du mieux, et les taux d’intérêt remonter… un jour. Dans combien de temps et pour combien de temps ? Voilà la question à laquelle aucun expert ne peut répondre, pas même la Banque du Canada. Une science, l’économie ? Par ses outils mathématiques, sans doute, certainement pas pour ses résultats. La prudence est donc de mise, plus que jamais.
Pour lire le texte original, on va sur le site du quotidien Le Devoir.
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