La firme comptable KPMG vient d’annoncer que la firme de télécommunication BCE n’est pas en mesure de donner une opinion favorable à son rachat, pour 52 Md$, par un groupe d’institutions financières, comprenant le régime de retraite des enseignants ontariens Teachers’ ainsi que des private equity funds des États-Unis. C’est la meilleure chose qui pouvait arriver pour cette entreprise canadienne et pour ses travailleurs.
KPMG questionne la solvabilité de BCE après son acquisition par ces institutions. Il affirme que «compte tenu des conditions actuelles du marché, de son analyse à ce jour et du montant d’endettement que comporte une acquisition avec effet de levier», elle n’est pas en mesure d’émettre, une opinion selon laquelle BCE satisferait aux tests de solvabilité. Ça fait des années que le mouvement syndical dénonce ce mouvement de fusion-acquisition par le private equity funds.
Nous connaissons bien le modus operandi de ce type de financier prédateur : il privatise une entreprise publique, dans le sens où il achète l’ensemble de ses actions et la retire du marché boursier, en fournissant une partie du capital mais surtout en recourant massivement à l’endettement. L’effet de levier habituel est de 4 ou 5 fois celui du capital investi. Une fois privatisée, la nouvelle direction restructure l’entreprise en compressant les dépenses afin de la rendre encore plus alléchante pour une revente dans le court terme.
Les travailleurs sont systématiquement les perdants de ces transactions : pertes d’emplois, réduction des bénéfices sociaux, accroissement des heures de travail. Parce qu’elles ont le désavantage de ne rapporter que sur le long terme, les dépenses de R&D, de formation, d’efficacité énergétique, etc, sont négligées par les nouveaux propriétaires. L’endettement accru de l’entreprise privatisée aggrave par ailleurs la situation, en réduisant sa capacité d’agir sur le plus long terme. Enfin, ce qui rend ces transactions très lucratives, les fonds d’investissement ont des taux d’imposition de deux à trois fois moins élevés que ceux des entreprises qu’ils ont privatisées, réduisant d’autant l’assiette fiscale provenant des entreprises au profit d’un rendement accru pour les financiers prédateurs.
Au cours des deux dernières années, c’est un total de 1 400 milliards $US qui ont été canalisés vers des acquisitions par emprunt. Mais avec la crise financière et le renchérissement des primes de risque, ce marché s’est effondré. Les engagements envers des fonds de private equity en détresse ont augmenté de 28% à 33 milliards pendant la première moitié de l’année.
Heureusement pour BCE, puisque le rachat de l’entreprise par ce gigantesque effet de levier que représentait un endettement supplémentaire de 32 milliards $. Teacher’s et les autres fonds prédateurs auraient empochés immédiatement des profits, mais c’est la nouvelle BCE, i.e. ses employés et ses clients, qui aurait payé la note. Rappelons que BCE joue un rôle capital au Québec. C’est le quatrième employeur non gouvernemental, derrière Desjardins, Hydro et Weston. Plus de 17 000 personnes y travaillent.
Au dernier décompte, Teacher’s perd 700 millions $ dans cette transaction aventureuse, puisque la caisse de retraite ontarienne demeurait le plus gros actionnaire de BCE avec 6 % des actions. C’est maintenant l’arroseur arrosé! Ça fait des années qu’à force de spéculation et de prise de risque élevé elle tire vers le haut les attentes de rendement des investisseurs institutionnels. Espérons que, pour plusieurs années à venir, les fiduciaires de ce fonds de retraite des professeurs de l’Ontario comprendront ce qu’ils ont fait enduré à des milliers de travailleurs.
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