L’auteur invité est Christian Chavagneux, rédacteur en chef adjoint à Alternatives Economiques.
Le rapport sur la lutte contre les paradis fiscaux présenté par l’OCDE au G20 de Los Cabos (Mexique) de juin dernier contient une petite révolution : l’institution soutient désormais le principe de l’échange automatique d’informations fiscales entre les pays.
Les fics des différents pays peuvent s’échanger des informations sur le capital et les revenus (intérêts, dividendes, royalties…) des personnes qui passent d’un pays à l’autre selon deux grandes modalités : l’échange à la demande, qui par définition passe par une demande officielle d’un Etat à un autre, ou bien l’échange automatique – dès qu’un Français va ouvrir un compte, un trust, etc., dans un pays, les autorités locales en informent automatiquement le fisc français.
Depuis le G20 de Londres d’avril 2009, le Forum global sur la transparence fiscale, basé à l’OCDE, pousse à la généralisation de l’échange à la demande comme standard international. Le problème, c’est que cela ne marche que si les fiscs des paradis fiscaux sont très coopératifs et acceptent de répondre vite et de manière précise aux informations demandées. Or, ce n’est pas le cas. En novembre dernier, l’ex ministre du Budget Valérie Pécresse avait indiqué que sur les 8 premiers mois de l’année, la France avait envoyé 230 demandes d’information à 18 pays ; elle a obtenu un taux de retour de 30 % seulement. Et pour les pays qui ont répondu, l’information n’est pas forcément de qualité précisait la ministre : « les éléments de nature juridique (statuts, noms des actionnaires, bilans de société…) sont généralement transmis. En revanche, la transmission des éléments plus concrets relatifs aux contribuables (information sur les soldes des comptes bancaires, montant des rémunérations) semblent soulever plus de difficultés, et certains Etats semblent considérer que la coopération vise à valider une infirmation déjà connue par les autorités françaises, plutôt qu’à en donner de nouvelles ».
Quand on disait aux spécialistes du Forum global que l’échange automatique serait plus efficace, ils répondaient systématiquement que cela entraînerait des coûts administratifs importants et qu’il y aurait un gros problème de confidentialité des données. Aussi, quant on lit dans le rapport de juin que « l’OCDE a été active depuis de nombreuses années pour faciliter l’échange automatique », on ne peut réprimer un sourire…
Mais ne boudons pas notre plaisir. Le rapport se fonde sur une enquête menée auprès de 38 pays qui montre que 85 % d’entre eux échangent déjà automatiquement des informations. Le montant des opérations concernées par ces échanges va selon les pays de quelques millions à plus de 200 milliards de dollars. Huit pays envoient plus d’un million d’information par an, les Etats-Unis en envoient 2,5 millions. Cela représente effectivement beaucoup d’opérations à traiter mais visiblement ce n’est pas insurmontable.
Le rapport souligne désormais tous les avantages à passer à un échange automatique : cela permet aux fiscs de recueillir rapidement des informations sur la fraude et l’évasion, de repérer des cas où le fisc n’avait encore rien vu et cela a un effet dissuasif beaucoup plus fort sur les contribuables que l’échange à la demande. Et la confidentialité des données ? Il faut y faire attention mais ce n’est visiblement plus l’obstacle insurmontable que c’était hier…
Deux exemples sont avancés de l’efficacité de l’échange automatique : en Norvège, le fisc a ainsi pu s’apercevoir que dans 38,7 % des cas des revenus taxables n’avaient pas été déclarés, de même dans 40 % des cas au Danemark. Pas négligeable.
Enfin, la Suisse a du trembler à la lecture de ce document. Elle qui cherche par tous les moyens à ne pas passer à l’échange automatique, notamment en proposant ses fameux accords Rubik, doit désormais comprendre que le mouvement est lancé et qu’il y a peu de chance qu’elle y échappe.
Pour lire le texte original, on va sur le blogue de l’auteur
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