Communiqué public GEAB N°68 (15 octobre 2012) – Nous avons anticipé depuis plusieurs mois un choc majeur pour l’économie et la stabilité politique globale pour l’Automne 2012. Nous maintenons cette « alerte rouge » et ferons le point mi-Novembre 2012, en parallèle avec notre analyse annuelle des « risques-pays » 2013, sur l’état du monde à cette date.
Ces dernières semaines, comme prévu par notre équipe, la situation géopolitique mondiale s’est rapidement dégradée : le conflit syrien est devenu un conflit régional dans lequel les grandes puissances tentent désormais de ne pas être entraînées au-delà des limites qu’elles se sont fixées ; le nord du Sahel (Mali, Niger, …) se prépare à une nouvelle confrontation militaire entre Islamistes et Occidentaux ; la mer de Chine s’est transformée en zone de conflits « tièdes » tous azimuts avec Japon et Chine au cœur du chaos en gestation ; les grandes économies mondiales entrent toutes en récession ; l’agitation sociale s’accroît tout comme la pression fiscale, … et il n’y a plus de liquidités disponibles (même les QE ont une efficacité en chute libre) comme c’était encore le cas en 2009.
Dans ce GEAB N°68, notre équipe fait donc le point sur les perspectives immobilières occidentales à l’horizon 2013 et ajoute une anticipation spéciale ‘Immobilier Pays-Bas’ du fait du krach immobilier en cours dans ce pays. Parallèlement nous continuons à explorer les conséquences socio-politiques pour 2013 de l’agitation croissante des opinions publiques en nous concentrant ici sur les Etats-Unis. Enfin, après un tour d’horizon et un calendrier des grandes tendances des mois à venir, nous développons nos recommandations concernant l’immobilier, l’or et les bourses.
Simultanément, en toile de fond de ces conflits asiatiques ou arabo-musulmans, on assiste à la généralisation de tests, par leurs alliés et leurs adversaires, du degré d’affaiblissement de la puissance US. Et chaque nouvelle semaine illustre l’impuissance croissante du « maître de la fin du XXe siècle » : « le faiseur de rois du Moyen-Orient » des années 1990/2000 doit dorénavant se limiter à contenir le rejet de sa présence et bien se garder de toute action militaire visible ; et la « super-puissance du Pacifique » est désormais réduite à « compter les coups » entre le Japon, son allié stratégique historique dans la région, et la Chine son principal concurrent géopolitique mais surtout son principal partenaire économique, monétaire et financier. Et c’est d’ailleurs bien là que le « Talon d’Achille » US se révèle chaque jour plus lourd de conséquences.
Outre l’extrait d’une partie de nos analyses sur l’immobilier américain, qui confirme bien l’entrée en dépression de longue durée du marché immobilier occidental, nous avons choisi dans ce communiqué public du GEAB N°68 de faire figurer quelques graphiques illustrant le caractère « trompe l’œil » et manipulatoire des statistiques économiques américaines. Notre équipe a apprécié le fait que la polémique électorale sur les chiffres « officiels » du chômage US pour Septembre 2012 (baisse de 0,4%) ait permis un vaste débat dans les médias dominants sur les « étranges méthodes de calcul » du ministère US de l’Emploi. Il n’est pas le seul à triturer les chiffres mais étant donnée l’importance médiatique internationale qu’on accorde à ses résultats, il nous apparaît utile que le plus grand nombre d’acteurs en soient conscients ; et pas seulement les lecteurs éclairés du GEAB et d’autres sites pédagogiques.
A propos de la Chine, la transition politique en cours se déroule difficilement du fait de la crise économique mondiale qui a finalement rattrapé le pays (et l’ensemble des BRICS) et de la nécessité d’inventer un nouveau cours pour la stratégie du pays afin de faire face à la double contrainte interne de risque d’explosion sociale (nous y reviendrons en détail dans le GEAB N°69 de Novembre prochain) ; et de positionnement géopolitique régional et mondial. Il n’y a pas que les Etats-Unis qui ont profondément changé depuis les années 1990/2000 !
Troisième grand pilier de l’ordre mondial (et en fait peut-être le plus structurant pour l’avenir), l’Union européenne ou plus exactement l’Euroland. Comme anticipé par LEAP/E2020, la zone Euro est seule porteuse de bonnes nouvelles en cet Automne 2012. Bien entendu, elles sont très fortement éclipsées à court terme par les conséquences économiques et budgétaires de la crise systémique globale (chômage, récession, austérité, …), mais pour le moyen/long terme l’Euroland s’est enfin engagé dans un « chemin qui mène quelque part » après des trimestres d’impuissance politique : des instruments puissants sont désormais disponibles, la volonté politique commune de s’en sortir ensemble s’est finalement imposée (comme chaque Etat-membre ressent dorénavant l’impact de la crise).
En terme de calendrier, LEAP/E2020 estime que les échéances sont désormais très claires : d’ici fin Novembre 2012, Etats-Unis et Chine entrent chacun dans une double phase de tensions socio-politiques internes historiques tout en devant assumer la fin de la période de « co-existence économique et commerciale pacifique » de ces dernières décennies. d’ici Décembre 2012, l’Euroland sort cahin-caha, comme à son habitude, de la « crise de l’Euro » et se retrouve face au triple défi de sa relance économique sur fond de crise mondiale, de sa structuration institutionnelle sur fond de démocratisation impérative et corollaire de règlement de long terme du problème britannique (en fait 26 vs 1).
États-Unis, une « reprise » en trompe l’œil
Les médias veulent faire croire à une reprise du marché immobilier aux États-Unis, en se basant notamment sur l’indice Case-Shiller du graphique ci-dessous.
En six mois, du quatrième trimestre 2011 au deuxième trimestre 2012, l’indice s’est en effet apprécié de 3,7%. Or selon LEAP/E2020, cette hausse n’est pas durable mais n’est au contraire qu’une pause artificielle dans la baisse inexorable des prix immobiliers aux États-Unis. Nous ne sommes d’ailleurs pas seuls à penser ainsi puisque la Fed elle-même, malgré la hausse récente des prix, a jugé opportun de soutenir en priorité le marché immobilier avec son QE3. En réalité cette hausse est artificielle pour au moins deux raisons.
Premièrement, les taux d’intérêts sont à des niveaux historiquement bas (actuellement 3,39% pour un prêt à taux fixe sur 30 ans selon CNNmoney, ce qui permet d’une part à quelques ménages, même largement insolvables, de revenir sur le marché immobilier, mais d’autre part et surtout, à des investisseurs de faire de bonnes affaires en achetant à vil prix des propriétés saisies par les banques . Ces transactions font mécaniquement augmenter les prix. On notera tout de même que les taux sont extrêmement bas depuis maintenant plusieurs années et que l’effet ne se fait sentir que maintenant, signe de la fragilité des différents acteurs et donc de la « reprise ». Malheureusement, ce niveau de taux ne reflète en aucun cas la santé de l’économie américaine et ne tient que grâce à la Fed et son rachat de bons du trésor. En temps normal, les différents plans publics de soutien à l’économie auraient d’ailleurs dû avoir un impact à la hausse sur les prix immobiliers beaucoup plus prononcé.
La seconde raison vient de la pénurie organisée par les banques qui ne souhaitent pas revendre les maisons saisies au prix du marché pour épargner leur bilan. En effet, 90% des saisies (« foreclosures ») sont retenues par les banques (18). Ce sont des millions de maisons qui devront bientôt rejoindre le marché et qui feront baisser les prix ; mais pour le moment, la rétention organisée restreint l’offre et crée une pénurie faisant augmenter les prix.
Et pourtant, ce sont bien ces saisies qui révèlent la piètre santé du secteur immobilier aux États-Unis. Après une pause due au scandale des fausses signatures par les banques, le nombre de saisies reprend sa hausse (on parle là de l’ordre de 3 millions de saisies par an). En fait, pour appréhender la réalité du marché immobilier américain, il est un jeu aussi cynique qu’instructif : suivre la liste des plus grandes villes américaines (sauf New York) sur Wikipédia, et compter la proportion de saisies dans les annonces de ces villes sur un site comme Trulia. Malgré la rétention de nombreuses maisons dans le bilan des banques, le constat est alarmant : sur les dix plus grandes villes des États-Unis après New-York, la proportion d’annonces de saisies est de 56% (20), avec des villes comme Los Angeles (deuxième ville des États-Unis) ou Chicago (troisième) ayant une proportion de saisies de l’ordre de 67%, sans parler bien sûr de Detroit ou Miami où celle-ci culmine à 75% environ. On remarque aussi que les annonces dont le prix est en baisse sont bien plus nombreuses que celles où il est en hausse. Seule New York semble avoir un marché dynamique, presque sans saisies et haussier.
Pas plus qu’en 2009 il ne faut donc croire que la hausse est durable. C’est un artifice de plus dont on est maintenant coutumier de la part des États-Unis.
Et comme tous les artifices, une fois dissipées, ils révèlent une réalité bien pire que ce qu’on imaginait … ouvrant la porte à la panique! Souvenons-nous de Lehman Brothers … en quelques heures le monde est passé du mode « normal » au mode « Alerte Rouge »!
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