Le 17 octobre dernier, l’Institut de recherche en économie contemporaine rendait public un rapport de recherche intitulé « Commerce et culture : protéger la culture dans les accords commerciaux. » L’étude fait un tour d’horizon des enjeux culturels dans le cadre des traités de libre-échange dans le contexte canadien, et plus précisément en vue de la conclusion d’un Accord économique et commercial global avec l’Union européenne. Il conclut en faisant quatre recommandations incontournables pour protéger de façon efficace le patrimoine culturel du Québec.
Le débat « culture versus commerce » a des racines profondes, mais il semble avoir gagné en intensité, surtout depuis le milieu des années 1990. Le contexte est particulier : d’un côté, le gouvernement du Canada semble bien décidé à poursuivre la négociation de traités de libre-échange avec de nouveaux partenaires commerciaux tandis que d’un autre côté, les Québécois et les Québécoises tiennent fermement à protéger leur langue nationale, leur culture et leur identité.
Au Québec, le débat « culture versus commerce » s’article habituellement autour de la question du commerce des produits culturels et de la protection des industries culturelles québécoises. Définir la notion de culture n’est pas tâche facile, mais elle ne se limite pas simplement aux livres ou aux films auxquels on pense spontanément. Les expressions culturelles multiples : les instruments internationaux développés par l’UNESCO réfèrent au concept de « patrimoine culturel » et le catégorisent pour désigner les différentes formes d’expressions culturelles. D’abord, vous retrouvez le patrimoine culturel immatériel qui réfère aux pratiques et connaissances des communautés. Puis, il y a le patrimoine culturel matériel qui peut être mobilier, immobilier ou même subaquatique. Au Québec comme ailleurs, les politiques culturelles des gouvernements comprennent des mesures touchant l’ensemble des types de patrimoine culturel.
Le problème est le suivant : les règles du droit commercial international et du droit de l’investissement étranger se retrouvent parfois en contradiction avec les politiques étatiques visant à protéger la culture et l’identité nationales. L’étude de la jurisprudence de l’OMC et des tribunaux d’arbitrage permet de tirer des conclusions claires. Premièrement, la libéralisation du commerce des biens met en danger les politiques publiques de subventionnement des biens culturels, les taxes douanières et les quotas imposés sur les biens culturels étrangers. Deuxièmement, la libéralisation du commerce des services a des effets potentiels particulièrement négatifs sur les politiques relatives à l’audiovisuel. Troisièmement, les principes relatifs à la libéralisation de l’investissement contenus dans les traités commerciaux ont des impacts encore plus nombreux sur la protection du patrimoine culturel. Les investisseurs étrangers peuvent contester la règlementation sur les bâtiments et sites historiques, nuire au développement culturel des communautés autochtones et même mettre en danger les sites du patrimoine mondial reconnus par l’UNESCO.
La stratégie canadienne, qui consiste à lister les mesures culturelles gouvernementales non-conformes avec les disciplines du traité et à exclure les « industries culturelles » dans les annexes, doit être abandonnée. Elle est inefficace et ne constitue pas une solution à moyen et long terme. Par conséquent, il est essentiel d’élaborer une nouvelle approche afin de préserver une « exception culturelle » effective dans les accords commerciaux. Les négociateurs peuvent s’inspirer de plusieurs techniques qui sont utilisées dans d’autres accords commerciaux pour limiter les effets négatifs de la libéralisation.
En définitive, les responsables politiques doivent absolument abandonner la stratégie utilisée par le Canada dans les négociations antérieures et s’interdire de conclure toute nouvelle entente commerciale jusqu’à l’adoption d’une stratégie efficace de protection du patrimoine culturel. De son côté, le Québec doit élaborer une stratégie qui lui est propre étant donné ses divergences d’opinion avec le gouvernement canadien. Finalement, les deux ordres de gouvernement doivent favoriser une approche sûre en utilisant diverses techniques juridiques tout en portant une attention particulière à la formulation.
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