Lorsqu’un syndicaliste membre de la FTQ fait une connerie, du genre du Rambo de la Côte-Nord, c’est toute la centrale que l’on met au pilori. Lorsqu’un exécutif de la FTQ-Construction se fait prendre la main dans le sac de malversation, c’est au sommet de la centrale que les journalistes demandent des explications. Mais lorsque des dirigeants d’entreprises sont impliqués, sur une échelle que l’on pourrait qualifier de systémique, dans des affaires de corruption, il n’y a pas un seul de ces journalistes qui cogne à la porte de Mme Bertrand, de la FQCC, ou M. Dorval, du CPQ, pour leur demander des explications sur les agissements de leurs membres et leurs positions sur ces questions d’éthique professionnelles !!! Il y a là deux poids, deux mesures que je trouve totalement inacceptable.
Tous ces entrepreneurs de la construction qui fraudent impunément les contribuables québécois sont membres du FQCC. Ces Chambres de commerce ne sont-elles pas, d’ailleurs, les lieux idéaux de grenouillage. Comme le rappelait en son temps le philosophe du 18e siècle Adam Smith, les entrepreneurs « sont incapables de se réunir sans comploter contre le reste de la société« , partageant la même maxime: « tout pour nous, rien pour les autres« . Mme Bertrand, que dites-vous de ces pratiques répugnantes de vos membres ? Où êtes-vous aujourd’hui alors qu’il faudrait répondre de l’action socialement injusticiable de vos membres ? M. Dorval, que dites-vous de vos membres du secteur du génie-conseil, dont la Commission Charbonneau devrait très bientôt dévoiler tout le caractère corrupteur ? Évidemment, vous êtes un peu mal placé pour critiquer ces firmes puisqu’elles sont parmi les plus grands contributeurs de votre association, autrement dit de votre salaire, qui soit dit en passant ne doit pas être piqué des vers. Mais lorsqu’on y pense, qu’elle est le rôle de la FQCC ou du CPQ depuis une vingtaine d’années sinon de tout faire en sorte pour que rien ne change dans ce système d’impunité de l’oligarchie. On l’a vu récemment avec la tentative avortée de réformer la fiscalité. Devant le silence de plomb des associations patronales face à la corruption, on serait tenté de les comparer à une pieuvre mafieuse.
Dans le Devoir de la semaine dernière, Kathleen Lévesque raconte : « Lors de son embauche à Montréal en 1990, l’ingénieur Luc Leclerc s’est «adapté» sans problème au système de corruption qui faisait partie de la culture d’entreprise au sein de la Ville. » La culture d’entreprise de la Ville ? J’en doute. Dans les pays où la corruption est une affaire de culture, on retrouve la pratique des bakchichs à tous les échelons, du policier jusqu’aux plus hauts dirigeants, en passant par les fonctionnaires qui accordent des permis. Au Québec, il serait plus juste de parler d’une culture de malversation du 1%, une culture d’une oligarchie qui corrompt tout autour d’elle, mais à un niveau relativement élevé. L’ingénieur corrompu affirme : « On a été de la pâte à modeler facile à corrompre pour les entrepreneurs ». Contrairement à la Grèce où on trouve une culture générale de la corruption, dans toutes les interstices de la vie quotidienne, au Québec le problème est celui de la corruption d’une classe d’entrepreneurs qui se croît tout permis.
En ce sens, je trouve tout à fait approprié que le gouvernement Marois mette l’emphase de sa loi 1 sur le contrôle des corrupteurs. C’est par là que doivent absolument passer les pouvoirs publics (législatif, judicaire et policier) pour tenter d’éliminer les pratiques de corruption des entreprises. Contrairement à ce que prétend l’Éliot Ness de la CAQ (Jacques Duchesneau), c’est là qu’il faut frapper : sans corrupteur, il n’y a pas de fonctionnaires corrompus. La CAQ n’essaie là, elle aussi, que de se faire du capital politique sur les populaires campagnes de dénigrement des fonctionnaires.
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