Dans une note d’intervention publiée la semaine dernière par l’IREC, intitulé Les services à domicile : pour une offre plurielle et solidaire de qualité, Gilles Bourque et moi-même présentons à grands traits l’état de la situation dans le domaine des services à domicile au Québec. Les besoins de services à domicile liée au vieillissement de la population sont en croissance rapide. Ces besoins s’ajoutent à ceux des personnes handicapées qui souhaitent aussi demeurer le plus longtemps possible chez elles dans des conditions de vie décentes.
Le Québec a attendu jusqu’en 1979 pour se doter d’une politique de soutien à domicile (SAD). C’était très tard, même si l’absence d’une politique de SAD ne signifiait pas qu’il y avait absence de pratiques de SAD. Le développement de ces dernières s’est fait le plus souvent dans la débrouillardise et l’improvisation. L’imagination et la solidarité communautaire ont d’abord guidé le repérage et la mise en place de solutions. Toutefois, depuis le milieu des années 1980, et plus nettement depuis la réforme Couillard des années 2003 à 2008, on a mieux compris que les établissements publics conduisent une double pratique dans la mesure où ils utilisent leurs budgets SAD non seulement pour fournir des services à partir de l’utilisation de leur personnel (infirmières, auxiliaires, ergothérapeutes etc.), mais aussi pour en acheter de fournisseurs provenant du secteur privé ou du tiers secteur. Cette double pratique, inspirée par la pénurie des ressources budgétaires affectées au SAD, a provoqué, par la force des choses bien davantage que de propos délibéré, une diversification de l’offre et des fournisseurs.
La politique libérale sur la vieillesse présentée en mai 2012 n’a rien changé d’essentiel au modèle. Elle a été une réponse électoraliste, basée sur le clientélisme, qui donne l’impression que le gouvernement accorde à chacun ce qu’il demande. Si l’effort qui a été mis à l’élaboration du document de politique (plus de 200 pages touffues et bien documentées) n’est pas négligeable, la politique en tant que telle (une vingtaine de pages) et le plan d’action qui l’accompagne (plus d’une centaine de pages) « laissent l’impression d’un catalogue de projets en cours, agrémenté d’un festival de lieux communs et de vœux pieux ». Il faut souligner l’effort particulier qui y a été mis pour tromper la population avec une présentation des budgets investis sur une base cumulative, ce qui permettait ainsi d’annoncer (faussement) « un montant additionnel cumulé de près de 2,7 milliards de dollars pour les 5 prochaines années ».
Lorsqu’on examine nos politiques de SAD, il arrive qu’on se désole en voyant leurs limites. Mais lorsqu’on les compare avec celles qui existent dans d’autres sociétés, il arrive parfois qu’on se console en redécouvrant certains de leurs atouts. C’est le constat que nous avons fait en réalisant certaines études comparatives dans le domaine du SAD, dont celles que nous avons faites en comparant la politique québécoise avec celles qui existent dans une autre province canadienne comme l’Ontario ou d’autres pays comme la France. Ces deux types de recherches comparatives nous ont fourni l’occasion de tirer des enseignements concernant certains acquis que la politique québécoise conserve, en dépit de ses limites, et sur certains écueils qu’elle aurait avantage à éviter dans les années à venir. Nous résumons l’essentiel dans la note de l’IREC.
Nous concluons cette note sur une série de propositions qui, nous l’espérons, pourraient inspirer les engagements pris par le nouveau gouvernement qui a signifié son intention de renouveler le modèle de services à domicile. D’abord, le défi du virage du SAD dans le nouveau gouvernement du PQ ne devrait pas concerner qu’un seul ministre, mais au minimum deux. Certes, on attend beaucoup du ministre Réjean Hébert qui depuis longtemps a plaidé en faveur d’un véritable virage en faveur du SAD. On se rappellera qu’il disait en 2008 qu’un ajout massif de 500 millions $ en cinq ans à l’enveloppe budgétaire du SAD était nécessaire, montant qui avait été repris par Pauline Marois peu de temps après. Mais pour que le virage réussisse, le Dr Hébert aura avantage à travailler en étroite collaboration avec la nouvelle ministre déléguée à la Santé publique et à la protection de la jeunesse à qui Mme Marois a expressément confié la tâche de s’occuper du virage prévention dans le domaine de la santé et des services sociaux.
Par ailleurs, nous pensons qu’il faut continuer de miser sur une politique qui priorise d’abord l’offre plutôt que la demande de services. Comme nous le suggérons dans le titre de cette note, nous prenons position « pour une offre plurielle et solidaire». Cela passe par le soutien à des emplois de qualité comme s’est engagé à le faire dans son programme électoral le nouveau gouvernement issu des élections du 4 septembre 2012. L’arrivée de ce nouveau gouvernement fournit aussi l’opportunité de revenir à une proposition que certains acteurs dans les réseaux d’EESAD avaient mise de l’avant en 2005 mais n’avait pas pu être mise en œuvre à l’époque : rétablir une démarche de délibération publique entre une diversité d’acteurs socioéconomiques et sociopolitiques concernés par la politique québécoise de SAD à la fois comme usagers et fournisseurs de services. L’idée est de convoquer des « États généraux » du SAD dans le but de débloquer une impasse qui s’est instaurée depuis une quinzaine d’années et n’a pas permis aux acteurs collectifs et individuels du tiers secteur et du secteur public de construire ensemble de véritable liens de confiance et de coopération comme c’est le cas dans d’autres domaines où le tiers secteur joue un rôle clé dans les politiques publiques au Québec (par exemple dans le logement social et les services de garde à la petite enfance).
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