De toute évidence, à voir la hargne avec laquelle les partis de l’opposition s’attaquent au ministre de l’Environnement, du Développement durable et des Parcs, Daniel Breton, il y a là quelque chose qui va bien au-delà de la ligne partisane, à laquelle on est bien habitué avec les Jean-Marc Fournier de ce monde. Lorsqu’on entend le chef de l’opposition officielle accuser le ministre de vouloir « rompre l’indépendance et l’impartialité du BAPE » et réclamer sa démission, on ne peut que constater que l’opposition de droite au Québec est en train d’adopter la culture politique de la droite étatsunienne, avec un fanatisme et une rage inqualifiable. S’il y a un parti qui a traîné dans la boue l’impartialité des institutions québécoises, au BAPE ou ailleurs, c’est bien le gouvernement dont il faisait partie. D’ailleurs, toute cette histoire, montée en épingle par l’opposition, a été définitivement dégonflée par la porte-parole du BAPE.
Selon l’opposition, la nomination à la tête du BAPE de Pierre Baril et de Louis-Gilles Francoeur prouve que le ministre veut politiser l’institution. C’est tellement ridicule que c’en est affligeant. Christian Simard, de Nature Québec, affirme plutôt qu’il est primordial de moderniser le BAPE et applaudit les nominations, qui sont « un premier pas dans la bonne direction » pour rétablir la crédibilité du BAPE. Pierre Baril, qui deviendra président du BAPE, était directeur général d’Ouranos, une institution scientifique phare de la lutte aux changements climatiques au Québec. Louis-Gilles Francoeur, dont j’ai reproduit à plusieurs reprises ses articles du Devoir sur OikosBlogue, est nommé vice-président du BAPE, responsable des communications. Ces choix sont stratégiques dans le contexte actuel où devront se prendre des décisions majeures sur les infrastructures énergétiques québécoises. Le lobby pétrolier, qui voit nécessairement ces nominations comme un obstacle majeur à ses projets, fera comme il fait depuis longtemps aux États-Unis et au Canada pour chercher à contraindre les pouvoirs publics à les faire passer : en soutenant financièrement les partis politiques, les médias, les think tank de droite (quitte à créer tout un réseau d’organismes bidons) pour faire la promotion de ces projets, au nom de l’intérêt général !!! Si la corruption et la collusion n’existaient pas, les pétrolières l’auraient inventé.
Le BAPE, affirme Christian Simard de Nature Québec, a déjà été « un des meilleurs du monde », mais s’est lentement érodé au fil des ans pour devenir un processus « plein de perversions, qui comme la tour de Pise, penche toujours du même côté ». André Bélisle, de l’AQLPA, renchérit : « Quand je les entends dire que ça devient une affaire partisane, c’est un peu poussé, car ils [les libéraux] ont fait le pire que j’ai vu en trente ans. » La partialité de Jean-Marc Fournier est d’ailleurs directement mise en doute puisque lui-même rejette du revers de la main la proposition des groupes écologistes selon laquelle les commissaires du BAPE devraient être nommés par l’Assemblée nationale afin d’éviter tout soupçon.
Contrairement à ce qu’affirme Christian Simard, de Nature Québec, c’est plus que de la simple partisannerie à laquelle le ministre Breton a fait face la semaine dernière. Lorsque nous voyons la hargne avec laquelle Jean-Marc Fournier appelle la démission de Daniel Breton où lorsque le chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, l’accuse d’être dogmatique, déclarant qu’il est « dangereux de l’avoir au poste qu’il a là », ce n’est pas que de la partisannerie, c’est le refus catégorique de considérer le changement de paradigme que représente le nouveau ministre. Dans les semaines et les mois qui viennent, Daniel Breton et sa collègue Martine Ouellet feront face à de constantes attaques des deux partis de droite et des lobbies des gens d’affaires québécois qui ont pris fait et cause en faveur du lobby du pétrole et du gaz. Ils en feront leurs cibles principales parce que ces deux ministres sont les deux piliers sur lesquels peuvent se construire un véritable plan de reconversion écologique de l’économie ainsi qu’une reprise en main de nos ressources nationales.
Discussion
Pas de commentaire pour “Le Québec Inc veut la peau du ministre Breton”