« On l’a fait d’abord et avant tout parce qu’on pouvait le faire », nous dit le ministre des Finances et de l’Économie. Quelle raison invraisemblable ! Bien sûr qu’on peut le faire, mais à quel prix ? Le budget de Nicolas Marceau va continuer le travail d’entropie de la fonction publique québécoise – qu’il va maintenant élargir aux sociétés d’État – avec ce que cela signifie en perte de moyens et d’expertises de l’État pour assurer un suivi rigoureux des dépenses publiques. En fin de compte, pour plaire aux marchés dans le très court terme, le ministre des Finances continue à saper notre capacité à répondre aux besoins de long terme des Québécois.
Les éléments irresponsables du budget
Le budget est loin d’être aussi catastrophique qu’a pu l’être le premier budget des Libéraux après leur victoire de 2003. En cherchant bien, on y trouve quelques éléments intéressants (que je traite plus loin). Néanmoins, l’atteinte du déficit zéro pour 2013-2014 m’apparaît être ce qu’il y a de plus irresponsable de la part d’un gouvernement souverainiste qui devrait plutôt viser à redonner à l’État québécois ses capacités d’agir. S’il est vrai que la croissance de l’économie québécoise sous le gouvernement Charest reposait beaucoup sur les dépenses publiques et l’endettement, reste que dans le contexte de crise mondiale, c’est en partie ce qui a permis au Québec de s’en sortir mieux que les autres. Mais aujourd’hui, alors que les Conservateurs repoussent eux-mêmes leur cible de déficit zéro et que, d’autre part, il devient évident que la corruption et le manque total de rigueur du gouvernement précédent ont gonflé les dépenses en infrastructure, la seule voie qui aurait été responsable était de repousser d’un an la cible d’un budget équilibré et de mettre un effort à plus de rigueur dans l’administration publique, mais une rigueur qui passe selon moi par un renforcement de l’État. Rigueur n’est pas synonyme d’austérité !
Ce budget aurait également dû passer par une réforme plus importante de la fiscalité, en particulier sur les dividendes et les gains en capital ainsi que sur les redevances minières. Je comprends tout à fait que le gouvernement a besoin d’un peu plus de temps pour formuler les éléments d’une vraie réforme de la fiscalité. Après seulement un peu plus de trois mois au pouvoir, je ne m’attendais pas à ce que tout soit en place pour ce budget prématuré. Néanmoins, il aurait pu annoncer une intention de réforme globale qui aurait été au-delà de l’augmentation à dose homéopathique de l’imposition des plus riches et des banques et autres institutions financières annoncée mardi.
Les éléments intéressants
Il faut d’abord se féliciter de la fin de la « règle des 15 ans ». Ce serait près de 340 millions $ qui seront ainsi épargnés en dépenses. Mais le manque d’audace de ce gouvernement explique qu’il n’a pas proposé aux Québécois une modernisation en profondeur de la politique du médicament qui nous auraient permis d’épargner 1 milliard $ par année selon l’étude de l’IREC qui portait sur ce sujet. Parmi les autres éléments intéressants, je voulais souligner l’engagement à construire 3 000 logements sociaux et les 26 000 nouvelles places dans les CPE…mais Darwin, qui a poussé une coche plus loin sa lecture du plan budgétaire, signale qu’il ne s’agit pas de la promesse du PQ de construire 3 000 logements sociaux par année, mais d’un engagement pour un éventuel 2e mandat…
En ce qui concerne la volonté affichée par le nouveau gouvernement de s’engager dans une nouvelle politique industrielle, nous ne pouvons qu’être d’accord. Ça reste embryonnaire, mais comme je le disais précédemment, je conçois parfaitement qu’après deux mois au pouvoir les fils ne sont pas tous attachés. L’intention affichée d’être plus interventionniste dans le secteur manufacturier, et en particulier dans le transport et les technologies propres, ainsi que dans l’économie sociale et dans la souveraineté alimentaire est positive. Reste à voir les moyens qui seront mis en œuvre pour appuyer ces stratégies. Disons que la vision ‘austère’ du ministre Marceau n’annonce rien d’enthousiasmant.
Somme toute, si ce n’est pas un budget des grandes coupures, ça reste tout de même un budget qui cherche avant tout à rassurer les marchés et les Chambres de commerce. Pourtant ce ne seront sûrement pas eux qui voteront pour ce parti lorsque ce gouvernement minoritaire sera défait.
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