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Le samedi 23 avril 2022

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D’un ouragan à l’autre, la fin de l’Amérique telle qu’on l’a connue

Communiqué public GEAB N°69 – Comme anticipé par LEAP/E2020 depuis plusieurs mois, le choc majeur pour l’économie et la stabilité politique globale est bien arrivé en Automne 2012 sous la forme d’un événement symbolique qui fera date dans l’histoire mondiale : l’ouragan Sandy.

En anticipation politique, méthode sur laquelle LEAP fonde ses analyses, Sandy correspond à deux caractéristiques : l’événement « goutte d’eau » qui rend insupportable les défaillances accumulées et rompt un système ; et l’événement symbolique qui frappe les imaginations et transforme définitivement l’image d’une réalité – car il faut toujours distinguer entre la réalité d’un changement systémique (à l’œuvre depuis au moins 2008) et son acceptation collective (dans le cas présent : l’Amérique n’est plus ce qu’elle était).

Le mois d’octobre 2012 restera donc dans les livres d’histoire comme la date de la fin de l’Amérique telle qu’on l’a connue au XX° siècle. Le 29 octobre, le passage de l’ouragan Sandy sur New York, 83 ans jour pour jour après le mardi noir de la crise de 1929, révèle au monde l’état réel de la société américaine et de son symbole, New York. Le virage est frappant à la lecture des médias du monde entier, titrant au lendemain d’une élection qui avait tout pour réjouir la planète, sur une Amérique « changée », « divisée », « de tiers-monde », « dans l’impasse », « apocalyptique », etc… (voir liste de liens plus loin). Ce miroir américain, c’est Sandy qui l’a définitivement brisé.

Confirmant toutes les anticipations de l’équipe de LEAP/E2020 depuis six ans sur la dégradation de la santé des États-Unis, et plus particulièrement celles depuis le GEAB n°65, l’ouragan Sandy est l’événement qui date la dernière étape de l’effondrement du système américain. Touchant le centre financier du pays, mettant en lumière l’incapacité de la ville la plus puissante du pays le plus puissant à résister à un « petit » ouragan prévu plusieurs jours à l’avance, il marque la fin de l’Amérique telle qu’on l’a connue.

Comme anticipé en janvier 2006, le « mur dollar » s’est fissuré tout au long des 6 dernières années, Sandy a frappé ce mur fissuré de plein fouet, révélant un « roi nu ». La dévastation de la Nouvelle-Orléans en 2005 par l’ouragan Katrina est à comparer à Tchernobyl pour l’URSS de 1986 (surprenant le monde entier par la piètre gestion de la crise et l’état réel de l’économie) et le mur dollar au mur de Berlin. Deux ans après la chute du mur de Berlin, l’URSS s’effondrait. Détruit par la crise, le mur dollar n’est plus et 2013 sera l’année de l’effondrement de l’Amérique du XX° siècle.

De Katrina à Sandy en passant par Lehman Brothers, cette succession de chocs a mis la puissance US au sol : la confiance du reste du monde s’est envolée. Il faut lire en particulier à ce sujet l’incroyable article du Spiegel, Divided States of America : Notes on the Decline of a Great Nation, véritable condensé de 6 ans d’anticipations du LEAP… dans un journal « bon teint » comme le Spiegel, cela n’est vraiment pas anodin.

Après Sandy et l’élection présidentielle, les médias ont très clairement fait volte-face, y compris les médias européens habituellement admiratifs des États-Unis, et regardent maintenant ce pays avec l’œil critique de la réalité. Le constat est unanime, la grande puissance issue de la seconde guerre mondiale n’est plus.

Dans la foulée de Sandy, la réelection d’Obama a un goût bien amer pour une moitié d’américain et pour le reste du monde, on le voit dans les titrages de sa presse : ce qui devrait être une bonne nouvelle car Obama était le candidat naturel du reste du monde, annonce clairement l’absence de changement, ce qui est inévitablement la pire des choses au vu de ce que l’on sait sur la situation politico-économique des Etats-Unis. Tous les problèmes non résolus ces 4 dernières années sont à nouveau sur la table. La période de campagne les ayant artificiellement aplanis, ils n’en ressortent maintenant que plus puissants, plus insolubles.

Avec la ré-émergence de ces problèmes éludés pendant la campagne électorale et une réélection d’Obama difficile à avaler pour les républicains, les États-Unis ne surmonteront pas les défis qui s’annoncent fin 2012-début 2013 : du côté économique, « fiscal cliff », relèvement du plafond de la dette, « bond bubble », bulle des crédits étudiants ; du côté social, la fracture explosive du pays entre les blancs majoritairement pro-Romney et les « minorités » majoritairement pro-Obama et, comme anticipé dans le GEAB n°68, des émeutes risquant de dégénérer en sécession et guerre civile compte tenu de la quantité d’armes en circulation dans le pays ; du côté politique, un blocage qui perdure et qui risque de déboucher sur un coup d’État militaire dans un pays où l’armée apparaît de plus en plus clairement comme la seule chose fonctionnant correctement, la seule capable donc de reprendre la situation en main. Nous développons cette analyse de l’effondrement américain dans ce numéro 69 du GEAB.

Nous abordons également les problèmes du grand voisin des États-Unis, le Canada, avec l’explosion de sa bulle immobilière et ses conséquences. Bien que la situation canadienne soit pour le moment loin d’être aussi grave que celle des États-Unis, l’Amérique du Nord s’apprête donc à vivre des moments difficiles.

Mais notre équipe rappelle que la crise est mondiale et n’épargne pas même les pays émergents, Chine en tête : nous revenons donc dans ce numéro sur les défis qui attendent la Chine, notamment sur les mouvements sociaux qui vont l’affecter en 2013 (comme nous l’avons vu pour l’Europe et les États-Unis dans les deux numéros précédents).

Nous présentons aussi, bien sûr, nos recommandations mensuelles (devises, bourses, etc.) et le GlobalEuromètre.

Si nous mettons l’accent sur les États-Unis dans ce numéro, il ne faut pas perdre de vue la situation explosive mondiale et notamment géopolitique, qui est elle aussi liée à la perte d’influence américaine. On le voit notamment dans le rôle volontairement secondaire qu’ils ont joué en Libye, au Mali, en Syrie : à cause des contraintes budgétaires, leur nouvelle stratégie consiste à « déléguer » leurs agendas à leurs partenaires, la France et le Royaume-Uni en Libye, la Cédéao au Mali, Israël en Syrie, … L’absence du leader géopolitique des 80 dernières années rend la situation au Moyen-Orient particulièrement intriquée : tous les intérêts le plus disparates s’y mêlent en une vaste cacophonie.

C’est du côté européen ou russo-chinois que les solutions se trouvent en fait mais les européens ne sont toujours pas prêts à se désolidariser de leur ancien allié américain, s’auto-neutralisant de fait ; quant aux russes et aux chinois, ils ne bénéficient pas encore de l’aura idéologique des « bonnes puissances », à savoir celles dont les intérêts se combinent à de vraies valeurs universelles. De ce fait, ni la Russie ni la Chine, qui vont sérieusement devoir travailler à ces valeurs sans lesquelles il n’y a pas de vraie puissance, ne sont encore en mesure de remplacer le leader perdu… si ce n’est par la force, ce qui est la pire des solutions pour eux… et pour tout le monde bien sûr.

Autre signe de l’affaiblissement de la puissance américaine, les sanctions sur l’Iran apparaissent impuissantes sauf à répandre parmi les iraniens la haine de l’occident. C’est en outre une épine que les européens se sont mis volontairement dans le pied plutôt que d’acheter le pétrole iranien en euro. En effet, l’Iran écoule maintenant sans problème son pétrole vers la Chine et la Turquie : pourtant membre de l’OTAN, la Turquie le paye en or via Dubaï en toute légalité. Ce système montre à la fois la fragilité de l’alliance occidentale et la facilité des pays à se passer du dollar pour payer le pétrole, principe qui est la clé de voûte de l’hégémonie du dollar et des États-Unis dans le monde. Dans un futur numéro du GEAB, nous ferons un point sur les enjeux mondiaux autour du pétrole, élément central de la géopolitique actuelle.

Enfin, selon LEAP/E2020, l’influence des États-Unis sur l’Europe se fait elle aussi de moins en moins sentir. Si la situation en Europe n’est guère reluisante avec un chômage élevé, une augmentation de la pauvreté en Grèce et en Espagne notamment, les médias anglo-saxons n’agitent plus que sporadiquement le spectre de l’explosion de l’Euro et de manière de moins en moins virulente, car celui-ci est de moins en moins crédible et car les problèmes des États-Unis – et ceux de l’Angleterre – de plus en plus visibles. Les changements dans l’Euroland initiés dans la douleur lors des quatre dernières années commencent à porter leurs fruits. Le découplage avec Wall Street et la City s’est fait au cours de la « crise de l’Euro » et continue actuellement ; dans le cas de la City, c’est le Royaume-Uni qui se met lui-même à l’écart. Ainsi, si l’Euroland sera comme tout le monde chahuté par l’effondrement du système américain, il ne sera pas aspiré par lui. Il reste que de nombreux défis attendent les Européens, notamment le fait que l’attitude d’Angela Merkel ne facilite pas les discussions avec ses partenaires. Nous reviendrons d’ailleurs dans le GEAB n°70 sur l’avenir politique de l’Allemagne en 2013 et après.

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