Plusieurs études confirment le retour des inégalités de revenu depuis une trentaine d’années, avec son lot de problèmes : hausse des problèmes de santé, écarts grandissants de l’espérance de vie selon le revenu, baisse de la mobilité sociale, affaiblissement de la démocratie, spirale d’endettement pour maintenir son statut social, augmentation du stress, perte de confiance, la liste est longue. Selon un rapport du Forum économique mondial de Davos, « les inégalités croissantes sont parmi les plus grands risques mondiaux », attisant la colère populaire et menaçant la croissance économique. Le Fonds monétaire international soutient que non seulement l’importante croissance des inégalités nuit à la croissance, mais elle pourrait avoir joué un rôle central dans la crise économique que nous vivons depuis quatre ans. L’Organisation de coopération et de développement économique va jusqu’à dire que la relance de la croissance et la réduction des inégalités « peuvent et doivent aller de pair. »
Pourquoi s’intéresser au 1 % le mieux nanti ? Parce que, dans tous les pays développés où la concentration des hauts revenus a augmenté, elle s’est faite en faveur de cette catégorie de revenu. Le premier centile a connu une importante hausse dans plusieurs pays, surtout anglophones, et la dynamique de la croissance de leurs revenus est différente du 9 % suivant, et encore plus du 99 % restant.
Ce qui nous amène au Québec. S’il a une réputation plus égalitariste socialement, économiquement et fiscalement, il fait néanmoins partie d’un pays anglophone, en plus d’être le voisin nordique du champion des inégalités. A-t-il connu une hausse marquée de la concentration des revenus en faveur du premier centile? À l’aide des statistiques fiscales du ministère des finances québécois et canadien, nous concluons, dans une note de recherche de l’Institut de recherche en économie contemporaine, à l’affirmative à cette question mais dans des proportions semblables à l’Europe continentale, plus modérée.
Depuis 1985, il y a une hausse importante de la concentration des revenus pour le 1 %, passant de 7 % de tous les revenus à presque 12 %. La croissance des revenus des particuliers au Québec a presque uniquement profité à cette catégorie de revenus, une croissance cinq fois plus importante que celle du 99 % restant. Plus récemment, de 2001 à 2009, l’augmentation considérable des revenus du 1 % a été redevable en grande partie aux revenus issus des dividendes d’entreprises (augmentation de 124 % en huit ans, soit 10,6 % par année), appuyée par la valeur grandissante des gains de capital (8 % par année), un phénomène répandu chez les hauts revenus des pays développés.
L’un des principaux facteurs ayant favorisé cette concentration tient dans les multiples baisses d’impôt depuis 30 ans. Il y a une corrélation significative entre cette concentration des revenus en faveur du pre¬mier centile et les baisses d’impôt depuis 2001 (et depuis 1973 pour le taux marginal d’imposition) et les baisses d’impôt, en taux effectifs d’imposition, ont profité deux fois plus au 1 % qu’au 99 % restant.
Bien que les québécois dans leur ensemble aient amélioré leur sort, la croissance a profité bien davantage à ses mieux nantis depuis un quart de siècle. Au final, le cœur du débat sur une plus grande participation des hauts revenus à l’effort collectif porte sur ce qu’est une juste rémunération et une juste part acquittée par un individu. Les avantages d’une répartition plus égalitaire sont manifestes et nombreux. Les hauts revenus québécois ont connu une croissance de leurs revenus bien supérieure à celle de leurs semblables et les baisses d’impôt depuis 1998 leur ont donné un répit confortable. Dans un contexte de difficulté économique et budgétaire difficile pour l’ensemble de la population québécoise, le retour d’une imposition plus élevée pour les hauts revenus n’est ni injuste socialement, ni insensée économiquement.
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