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Le samedi 23 avril 2022

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Chine : « Je choisis d’être optimiste »

L’auteur invité est François Godement, senior fellow à l’European Council on Foreign Relations, directeur de la stratégie à Asia Centre (Paris) et professeur à Sciences-Po. Entrevue réalisée par Christian Chavagneux.

La population chinoise semble manifester de plus en plus ouvertement son mécontentement. Le changement politique viendra-t-il d’une révolte citoyenne ?

Je ne le pense pas. Certaines statistiques font état d’environ 180 000 incidents de masse (par définition, cela correspond à chaque mobilisation où plus de 500 personnes sont capables de s’exprimer dans la rue et pas seulement dans un espace fermé), ce qui est un nombre important et croissant. Mais c’est une agitation qui reste très dispersée et le système conserve une légitimité auprès des Chinois du fait qu’il a fourni beaucoup de croissance pendant de nombreuses années. De plus, si les Chinois ont un sens de la justice sociale, il reste très relatif. Il y a des sources de révolte, mais je ne les vois pas capables de remettre en cause le système.

Celui-ci comporte d’ailleurs une part de flexibilité interne lui permettant de pouvoir évoluer de l’intérieur. Les dirigeants politiques sont suffisamment anxieux pour anticiper les problèmes et leur chercher une solution ! Cela peut jouer de façon négative, comme avec l’extraordinaire renforcement de l’appareil de sécurité qui a suivi le printemps arabe et l’analyse instantanée des dirigeants chinois qu’il pouvait y avoir un risque de contagion. Mais cela joue aussi positivement, car cela les pousse à vouloir réduire les déséquilibres. Il leur faut juste assez de volonté pour remettre en cause les circuits de corruption et, selon l’expression codée chinoise, les « intérêts spéciaux », tous ceux qui tirent une rente de la situation actuelle.

Ce sera donc plutôt un changement interne au Parti ?

Le Parti doit lutter contre lui-même. Prenez l’exemple de la création d’une imposition foncière qui amènerait des recettes fiscales et serait un instrument de lutte contre les inégalités. Tous les employés, les hauts fonctionnaires, les cadres, etc. qui ont bénéficié d’argent propre et moins propre pour investir dans l’immobilier en seraient les premières victimes. Cela rend nécessaire un arbitrage politique très fort au sommet du parti et ses dirigeants en sont conscients.

Quel serait le modèle économique idéal vers lequel l’économie chinoise devrait évoluer pour résoudre ses problèmes ?

Il est clair que l’économie chinoise doit laisser davantage de place à la concurrence. Il faut des organismes de régulation et de contrôle qui soient distincts des administrations qui exercent un monopole dans les activités concernées. Il faut aussi une réforme du marché des capitaux : la situation actuelle de spoliation de l’épargne ne peut pas durer. Dans un système financier qui rémunère l’épargne à 2-3 %, en dessous de l’inflation, pour la prêter à 7-8 %, les Chinois n’ont pas d’autres moyens d’accumulation que la spéculation, notamment sur le foncier.

La Chine doit également faire évoluer la gestion des montagnes de réserves qu’elle détient à l’étranger, plus proche des 4 500 milliards de dollars que des 3 000 milliards que l’on cite habituellement. C’est une source d’angoisse constante pour les dirigeants chinois, qui craignent une forte chute du dollar. Afin de maintenir le renminbi à un niveau faible face au dollar, les autorités chinoises ont acheté des dollars en vendant des renminbis, inondant leur économie de liquidités, ce qui rend impossible la maîtrise de la quantité de monnaie en circulation par les taux d’intérêt. Pour changer tout cela, il faut une monnaie que l’on laisse fluctuer, un marché des capitaux libéralisés. Cela pose de gros problèmes d’indépendance financière.

Le secteur des grandes entreprises d’État perdrait à tous ces changements au profit des entrepreneurs privés. Les profits des entreprises seraient moindres, l’État-providence et les salaires plus élevés (la Chine a été en tête du mouvement de déformation du partage de valeur ajoutée au détriment des salariés).

A la fin de votre livre, vous affirmez que même si la réorientation du modèle de croissance sera difficile, elle aura lieu.

Oui, je choisis d’être optimiste. Le Parti communiste chinois conserve en son sein un espace de débat qui devrait lui permettre d’évoluer. Je ne suis pas prêt à parier sur un écroulement du système ou sur un accident. Cela dépendra de l’équilibre que l’on va voir se dessiner lors du prochain Congrès du parti cette année. C’est comme ça que les réformes ont été lancées en 1978 ; il y avait plusieurs factions, un débat a eu lieu et un arbitrage a produit l’autorité politique permettant de mettre la Chine sur une nouvelle voie. Aujourd’hui, le pays a besoin d’un leader qui réforme et débureaucratise l’économie intérieure.

Pour lire le texte original, on va sur le site d’Alternatives Economiques.

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