L’auteur invité est Jean-Robert Sansfaçon, éditorialiste au Devoir.
Coup sur coup, le gouvernement conservateur canadien et celui, républicain, du Michigan viennent d’adopter des lois pour faire la vie dure aux syndicats. Pendant ce temps, en Colombie-Britannique, une compagnie minière chinoise n’embauche que des employés temporaires de son pays d’origine sous prétexte de rareté de main-d’oeuvre. Attention, chaud devant !
Le droit d’association qui fait aujourd’hui partie des droits fondamentaux n’est pas le résultat d’un élan de générosité des gouvernements. Il a fallu des décennies de conflits et de sacrifices pour en arriver aux lois du travail que nous connaissons. Si quelques-unes de ces lois paraissent déséquilibrées, telle la formule Rand, qui oblige tous les employés d’une unité de négociation à payer une cotisation syndicale, il s’agit généralement du résultat de compromis qui ont aussi profité aux entreprises, comme de n’avoir à négocier qu’avec un seul syndicat.
En adoptant, cette semaine, la loi du right-to-work, qui abolit l’obligation de payer une cotisation à un syndicat pour pouvoir travailler dans un milieu syndiqué, l’État du Michigan a rompu cet équilibre.
Pour la droite, il s’agit d’une victoire de la liberté individuelle qui aura un impact positif sur l’investissement et l’emploi. Pourtant, aucune étude sérieuse ne prouve que les États où une telle loi a été adoptée ont connu des hausses plus importantes qu’ailleurs. En fait, les seuls qui profiteront du changement sont les actionnaires. Comme le président Obama l’a bien résumé, « le right-to-work, c’est le droit de travailler pour gagner moins ».
La même semaine, à Ottawa, un député conservateur a réussi à faire adopter un amendement à la loi de l’impôt qui obligera les syndicats à publier le nom et le salaire de leurs employés ainsi que toute dépense de plus de 5000 $. Cette fois, c’est l’autonomie des associations syndicales qui est en cause sous couvert de défense des droits de leurs membres.
C’est vrai que plusieurs grands syndicats sont gérés comme des cercles d’initiés où la démocratie n’est pas une priorité. Mais la maladie n’est pas plus grave là que dans les associations patronales, politiques, religieuses ou professionnelles. Pourquoi les syndicats ? Poser la question, c’est y répondre.
C’est aussi cet appui au secteur privé qui a conduit le même gouvernement Harper, l’an dernier, à élargir la portée de la loi qui autorise les entreprises à recourir à du personnel étranger moins bien rémunéré pour combler temporairement leurs besoins en main-d’oeuvre.
Or, voilà qu’une mine de la Colombie-Britannique contrôlée par des intérêts chinois est accusée par le syndicat de n’embaucher que des ouvriers sous-payés qu’elle « importe » de Chine. Aussi incroyable que cela puisse paraître, il faudra cinq ans avant qu’un premier travailleur canadien y soit engagé sous prétexte que la mine utilise une technologie connue seulement des mineurs chinois ! Est-ce à dire que même les travailleurs canadiens ne font plus partie du modèle économique conservateur ?
Les temps sont durs pour les syndicats. La crise économique y est pour quelque chose, certes, mais le mouvement syndical devrait aussi faire son examen de conscience là où il s’est cantonné dans un rôle bureaucratique confortable d’agent d’affaires. Ce n’est pas un hasard si tant de simples ouvriers perçoivent leurs semblables syndiqués comme une caste de privilégiés, au point d’appuyer des lois dont l’une des conséquences certaines sera de niveler les conditions de travail de la classe moyenne par le bas.
Pour lire le texte original, on va sur le site du quotidien Le Devoir.
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