La semaine dernière on apprend que le DG de Rio Tinto, le géant minier anglo-australien, Tom Albanese, démissionne après avoir annoncé des dépréciations massives de 14 milliards $ dans la foulée des acquisitions dispendieuses des dernières années, en particulier d’une mine de charbon au Mozambique et la croissance exponentielle de la division aluminium. Le nouveau DG (Sam Walsh, le responsable de la branche minerai de fer) voudrait, nous dit-on recentrer l’entreprise sur sa ‘core business’ (les métaux en particulier le fer), donc implicitement pourrait mettre en vente sa division aluminium. Le Québec aurait-il là une occasion exceptionnelle de prendre le contrôle d’Alcan à un coût acceptable (avec une forte dépréciation conjoncturelle) ? En s’appuyant sur un réseau de partenaire public et privé, nous pourrions en reprendre collectivement le contrôle sans en faire nécessairement une société d’État, grâce à un pouvoir de contrôle minoritaire.
Rappelons que Rio Tinto a pris le contrôle d’Alcan en 2007 pour 38 milliards $, lorsque le marché était à son maximum. Mais dès 2008, Rio Tinto a dû lancer un vaste plan de cession d’actifs, avec des fermetures d’usine ou des réductions d’effectifs, en Europe et en Australie notamment, pour maintenir sa division à flots. En 2011 elle s’était déjà imposée une charge pour dépréciation d’actifs dans l’aluminium pour 8,9 milliards $.
Selon les informations fournies par l’entreprise, outre la dépréciation de 3 milliards $ pour sa mine de charbon au Mozambique, Rio Tinto a inscrit une charge comprise entre 10 et 11 milliards $ liée à ses actifs dans l’aluminium (Rio Tinto Alcan et Pacific Aluminium). « Nous sommes profondément déçus de devoir inscrire de nouvelles charges pour dépréciations d’actifs dans nos activités aluminium, même s’il s’agit d’un secteur qui continue de connaître des conditions difficiles dans le monde », souligne un officiel. Il semblerait que les conditions sur le marché de l’aluminium continuent de se détériorer, accompagnée d’une devise chère dans plusieurs régions productrices (au Canada) et des coûts toujours plus élevés de l’énergie.
Le gouvernement du Québec doit agir dès maintenant en créant un groupe de travail pour le rachat d’Alcan, composé de représentants de Ressources Québec et de la Caisse de dépôt, de représentants de grandes caisses de retraite et des grandes institutions financières québécoises, afin de préparer des scénarios de travail du rachat de la filiale Alcan. Ce comité de travail pourra sonder le terrain du côté des grands fonds souverains des pays pétroliers (qui ont besoin d’investir dans des projets de long terme) et des grands acteurs de la finance responsable pour des alliances possibles. En effet, nous aurions le potentiel de donner à la nouvelle Alcan québécoise la mission de devenir le producteur mondial d’aluminium avec les pratiques sociales et environnementales les plus responsables de toute l’industrie. La production d’Alcan offrirait, sur la base de notre hydroélectricité et de l’alumine provenant de la Gaspésie, les produits finis les plus verts. Rappelons que trois milliards de dollars quittent le Canada annuellement pour acheter les six millions de tonnes d’alumine dont ont besoin les alumineries. Ce minerai est extrait de la bauxite, que nous importons notamment du Brésil et de l’Australie. Or, d’Exploration Orbite prévoit utiliser une nouvelle technologie d’extraction d’alumine écologique qu’elle a brevetée et qui ne génère pas de boue toxique, contrairement au procédé d’affinage le plus courant appelé Bayer, pour exploiter l’argile alumineuse présente en grande quantité dans la région de Grande-Vallée, dans la péninsule gaspésienne.
Il faut que le facteur de production exceptionnel que constitue l’hydroélectricité québécoise serve à autre chose qu’à engrenger des profits pour les multinationales, et subsidairement quelques retombées fiscales. Nos ressources doivent servir à enrichir un patrimoine collectif, pour les générations actuelles et futures.
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