L’auteure invitée est Clotilde de Gastines, pour Metis, correspondances européennes du travail.
Premier pays d’Europe pour la formation des adultes, le Danemark tente de remédier aux failles de son modèle en consolidant la formation professionnelle tout au long de la vie. Les partenaires sociaux sont en première ligne.
« Il est nécessaire de se qualifier et de se requalifier sans cesse » affirme Jan Reitz, qui est chargé de la formation professionnelle auprès du Ministère danois de l’enfance et de l’éducation, le seul ministère compétent sur ces questions. Pour atteindre l’objectif national de mise en emploi du plus grand nombre, la formation professionnelle tout au long de la vie est considérée comme un levier efficace. Cet objectif fait consensus chez les acteurs politiques, syndicaux et patronaux. La flexicurité existe seulement s’il est possible de former les employés en permanence.
La formation tout au long de la vie est aussi un des piliers du modèle de « société de bien-être », qui intime de « travailler plus longtemps et de travailler mieux », selon Sylvain Briens, spécialiste des civilisations scandinaves. Le Danemark s’enorgueillit d’avoir créé le premier système scolaire obligatoire d’Europe en 1814, et développé une culture fondée sur l’éducation populaire (les folkehøjskole de Grundtvig) avec la possibilité de suivre des cours du soir depuis 1850. Grâce à la Haute Ecole populaire fondée en 1870, un Danois a accès à l’enseignement scolaire ou universitaire quelque soit son âge et son origine sociale. A l’époque, il s’agissait de faciliter la transition du modèle économique agricole à l’industriel.
Aujourd’hui, les 2,8 millions de salariés danois ont la possibilité de suivre 14 jours de formation par an. Le Danemark ne cache pas sa fierté. Il est le premier pays d’Europe pour la proportion d’adultes formés. En 2011, 21% des adultes sont passés par le système de formation professionnelle (source Ministère). La moyenne européenne atteint les 9% et la France seulement 3% (Eurostat).
Jusqu’en 2008, dans un contexte de plein emploi, les filières de formation ne faisaient pas toujours le plein. Aujourd’hui, le taux de chômage est de 8% (le chômage de longue durée à 2,2%). « Le taux de chômage ne peut pas augmenter, précise Sylvain Briens. Sinon, tout le modèle de financement par l’impôt vacille ». Le marché du travail se caractérise aussi par une grande mobilité de la main d’oeuvre, un tiers des Danois changent d’emploi chaque année. Cette mobilité salariale perdure malgré la crise. Pour preuve, le site le plus consulté du Danemark est le portail national d’orientation. Jorgen Brock, responsable du dossier au ministère de l’éducation détaille. E-orientation rassemble toutes les informations sur les formations, le marché du travail, les professions, les opportunités d’emploi à l’étranger, les offres locales de formation. Il propose des chats, des entretiens en video-conférence, ou en vis-à-vis.
Avant la crise, le phénomène de « job shopping » de la part des salariés a fait exploser les coûts salariaux. Les entreprises ont tenté de retenir ou d’attirer du personnel en offrant des conditions d’emploi avantageuses. Par conséquent, les salaires sont les plus hauts d’Europe. Le gouvernement et les partenaires sociaux sont soucieux de ne pas revivre cela, et pour anticiper la pénurie de main d’œuvre qui s’annonce en 2025, ils investissent le champ de la formation tout au long de la vie.
Responsabilité et implication
Les partenaires sociaux et les établissements se partagent la responsabilité d’élaborer et d’adapter les programmes (3000 programmes AMU d’une semaine en moyenne qui forment à 120 compétences différentes), afin d’assurer leur adéquation avec les besoins du marché du travail local et des entreprises. Les acteurs sont représentés au sein de comités sectoriels nationaux qui fonctionnent en codécision. L’adaptation des programmes est très rapide. Chaque année, 400 nouveaux programmes sont développés en l’espace de 6 semaines. Le ministère de l’Education a trois semaines pour s’opposer. Son absence de réponse vaut accord pour la mise en place dans les 100 établissements de formation professionnelle : collèges, CFA, centres privés, comités locaux des organisations syndicales.
Ces formations sont accessibles aux demandeurs d’emploi. La période d’activation dure 3 ans : après une année passive, le demandeur d’emploi doit en principe suivre une formation dans son domaine de compétence, ou bien procède à une reconversion. Sinon, il a l’obligation de reprendre un emploi à niveau de qualification égal. La formation est duale. Les cours théoriques en établissement sont suivis d’un stage pratique de plusieurs semaines en entreprise. Ces politiques d’activation coûtent cher, mais portent souvent leurs fruits.
Les partenaires sociaux participent également à la stratégie de financement de la formation et des politiques d’activation des demandeurs d’emploi. En 2006, la stratégie « apprentissage à vie » a levé un budget de 2 milliard euro pour renforcer la FTLV sur 2007-2012 après négociation avec les organisations syndicales et patronales. Dans le cadre des conventions collectives, ils ont accepté de créer un nouveau fonds de compétences pour augmenter les investissements dans la gestion des relations humaines sur le marché du travail. Ce fonds est alimenté par les cotisations sur un pourcentage du salaire. Les investissements privés représentent les 2/3 (12 milliards) et publics le reste (6 milliards).
Les défis
Jan Reitz, du ministère de l’enfance et de l’éducation égrène une série de défis. Primo, donner accès à ceux qui ont le moins de possibilité de se former, notamment en leur permettant de passer à l’université. Secundo, mettre l’accent sur la reconnaissance des compétences et des qualifications non formelles. Un cadre national a été mis en place en 2007 pour homogénéiser les certifications de formation continue avec celles de la formation initiale. Enfin, plus étonnant, le gouvernement a décidé de développer un programme de soutien spécifique sur les connaissances de base en lecture et en mathématique. Car 20% de la population active a des problèmes de lecture et de calcul. L’objectif est de toucher 40 000 personnes par an.
Au TEC, école technique et commerciale de Copenhague, qui accueille 4000 élèves par an Lise, une conseillère en lecture témoigne. Un homme de 51 ans dyslexique et quasiment analphabète a suivit une formation de plombier-zingueur de 10 semaines. Tout son matériel d’apprentissage était électronique : il a pu écouter les livres de référence, et a dicté ses devoirs dans un dictatophe pour qu’ils soient retranscrits. Il a réussi tous les tests et examens requis pour la formation et effectue maintenant son stage pratique en entreprise.
Un modèle de responsabilité et d’adaptabilité. Un exemple à suivre.
Pour lire le texte original, on va sur le site de Metis, correspondances européennes du travail.
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