L’auteur invité, Aiqing Zheng, est professeur la l’Université du peuple de Chine (Renmin Université de Chine) et à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne (extraits)
La loi sur la médiation et l’arbitrage des litiges du travail, adoptée le 29 décembre 2007 et entrée en vigueur le 1er mai 2008, vient d’apporter des modifications importantes à l’ancien mécanisme de résolution des litiges, établi en 1993 et s’étant avéré particulièrement inadapté.
Cette législation constitue un aboutissement des débats soutenus de ces 10 dernières années (Cf. A. Zheng, Libertés et droits fondamentaux des travailleurs en Chine, l’Harmattan, 2007, pp. 395-406.) et a pour objectif principal la résolution rapide des conflits du travail sans cesse accrus au cours de la dernière décennie. La tension sociale fait l’objet des préoccupations du Gouvernement central qui affiche, depuis 2005, la volonté de construire une société harmonieuse. Ayant pour but premier la rapidité de la résolution des litiges du travail, cette nouvelle loi a introduit des mesures favorables aux travailleurs quant à l’accès au mécanisme de résolution, tout en remaniant légèrement l’ensemble du mécanisme.
Les retouches à l’ensemble du mécanisme de résolution
La loi de 2007 a apporté des retouches qui lui permettent d’améliorer l’efficacité du mécanisme de résolution sans se soucier d’une réforme de fond de celui-ci.
A – Le raccourcissement du parcours pour certains litiges
Au terme du règlement de 1993, le mécanisme offre aux justiciables deux choix, soit trois étapes au total, facultative ou obligatoire. La médiation au sein de l’entreprise constitue la première étape, mais est facultative ; l’arbitrage du Comité tripartite est la deuxième étape et est obligatoire avant d’ester en justice ; le procès est la dernière étape pour contester les décisions de l’arbitrage devant les juges. Un des défauts de ce mécanisme réside dans la longueur du parcours de résolution du litige qui dure au moins un an (1 mois pour la médiation, 3 mois pour l’arbitrage, 6 mois pour le premier ressort du jugement et 3 mois pour le deuxième ressort). Pour que les intérêts des salariés soient rapidement protégés, la loi de 2007 a raccourci le parcours pour certains litiges, notamment ceux touchant les intérêts vitaux du salarié. […] Les deux catégories de litiges concernent, d’une part, les salaires et indemnités, dont le montant n’excède pas la totalité de 12 mois de salaire minimum local, et d’autre part, la durée du travail, la sécurité et l’hygiène, ainsi que la sécurité sociale.
B – La médiation accentuée
La médiation demeure encore une étape facultative, dans la loi de 2007 comme dans le règlement de 1993, mais la loi de 2007 renforce son rôle tout en élargissant les médiateurs. Dans l’ancien mécanisme, la médiation se trouvait seulement au sein de l’entreprise, gérée par le syndicat de l’entreprise ; alors que la loi de 2007 insère d’autres organisations dans le processus de médiation au travail, tels que le Comité populaire de médiation du quartier, le Comité de médiation au travail du bourg, émergeant depuis ces dernières années. En effet, depuis une dizaine d’années, la médiation au travail était en déclin en raison de la faiblesse du rôle du syndicat dans l’entreprise. L’accent remis sur la médiation par cette nouvelle loi s’explique principalement par la volonté de résoudre les conflits au niveau de base et également par le souci du Gouvernement d’harmoniser la relation de travail en vue de la construction d’une société harmonieuse. Pour renforcer le rôle de la médiation, la loi prévoit que l’accord conclu par la médiation et signé par les deux parties a force exécutoire.
C – L’élargissement de la compétence du mécanisme de résolution
La compétence du précédent mécanisme de 1993 était accusée d’être très restreinte, avec des traces de l’ancien régime économique. La loi de 2007 a beaucoup élargi la compétence du mécanisme. Plusieurs catégories de litiges individuels, exclus par le règlement de 1993, sont couverts désormais par ce mécanisme, tels que les litiges en matière de la Sécurité sociale, de qualification de la relation de travail, de formation professionnelle, etc. Mais nous estimons que cet élargissement n’est pas complet dans la mesure où certains litiges individuels demeurent encore en dehors du mécanisme, tels que les litiges relatifs aux sanctions disciplinaires ou encore concernant l’élection du délégué du personnel.
Les mesures favorables d’accès au mécanisme de résolution
Étant donné que les salariés sont plus vulnérables que l’employeur en cas de litige, la loi de 2007 est, contrairement aux dispositions précédentes, davantage conçue pour faciliter aux salariés l’accès au mécanisme de résolution.
A – L’arbitrage gratuit
En vertu du mécanisme mis en place en 1993, l’arbitrage du travail coûtait une somme d’argent variant d’une ville à l’autre. Pour illustration, il coûtait 200 yuans à Pékin, ce ci constituait un véritable fardeau pour un travailleur rural en ville qui ne gagnait que 800 yuans environ. Ainsi, abandonnant la voie légale de résolution des litiges, les travailleurs subissaient régulièrement les souffrances ou préféraient recourir à des moyens illégaux pour se défendre. Des menaces ou actions extrêmes déclenchées par les travailleurs survenaient, comme par exemple, un cas de retard de paiement du salaire, la prise en otage de l’employeur… Ces dernières années, nombre d’ONG ont été créées afin d’aider les travailleurs dans la résolution de leurs litiges.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2007, à partir du 1er mai 2008, l’arbitrage est gratuit, ce qui constitue effectivement un encouragement des salariés à demander la résolution de leur litige par la voie légale. Il semblerait que, seulement deux mois après la mise en œuvre de la gratuité de l’arbitrage, le nombre des litiges du travail enregistrés par le Comité d’arbitrage s’est considérablement accru dans la province du Guangdong, où se concentrent les travailleurs migrant de la campagne.
B – Le raccourcissement de la durée de traitement à l’arbitrage
Afin d’accélérer la résolution des litiges du travail, la loi de 2007 a également raccourci la durée de traitement du processus d’arbitrage. Sous l’ancien mécanisme, le Comité d’arbitrage disposait de 3 mois pour statuer sur chaque litige. En vertu de la nouvelle législation, un délai de 45 jours est imposé. Celui-ci peut être rallongé de 15 jours en cas de litige complexe, soit un délai maximal de 60 jours pour résoudre un litige au stade de l’arbitrage.
C – L’allongement de la prescription extinctive d’arbitrage
Sous l’ancien système, la prescription extinctive de l’arbitrage était seulement de 60 jours à compter de la date à laquelle le salarié manifestait son désaccord par rapport à une décision de l’employeur. Ce délai s’était avéré trop court pour les salariés désireux de déposer une demande devant le Comité d’arbitrage et, en pratique, bon nombre de salariés s’étaient vu privés du droit de saisir le comité en raison de l’expiration du délai de prescription. Cela s’expliquait par l’ignorance de la prescription extinctive de la part des salariés ou encore par l’attitude manifeste de l’entreprise, qui ralentissait les démarches administratives en vue de la saisine du Comité d’arbitrage. Afin de faciliter l’accès des salariés à la procédure d’arbitrage, la loi de 2007 modifie le délai de prescription extinctive et l’allonge de deux mois à un an.
On peut lire le texte complet de Aiqing Zheng sur Métis, correspondances européennes du travail
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